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L’Autorité de concurrence est généralement une autorité administrative indépendante (AAI). C’est en France le cas de l’Autorité de La Concurrence (ADLC) qui a succédé au Conseil de la concurrence et qui comme lui a été conçue pour intervenir ex post. Quel que soit le marché considéré, bénéficiant ainsi d’une compétence quasi universelle portant sur toute activité économique de production, de distribution et de service, elle peut être saisie voire s’autosaisir lorsque des éléments d’un comportement anticoncurrentiel sont allégués. L’autorité de concurrence ne surveille pas en tant que tel les marchés, pas plus qu’elle ne les construit ou n’en maintient les équilibres. Ces fonctions-ci sont précisément dévolues aux régulateurs. On mesure ainsi que l’autorité de concurrence a une compétence beaucoup plus large que celle des régulateurs, puisque l’office de ceux-ci est limité à un secteur tandis qu’inversement l’autorité de concurrence a une puissance beaucoup plus faible que celle des régulateurs, puisqu’elle n’a pas de pouvoirs ex ante et n’intervient que de façon ponctuelle.
Cette distinction n’empêche en rien la coordination entre les régulateurs et l’autorité de la concurrence, notamment parce qu’ils peuvent réciproquement se transmettre des cas ou des informations, comme ils peuvent solliciter les uns des autres leurs avis respectifs. Plus le secteur dont un régulateur a la charge est mûr d’un point de vue concurrentiel, et plus cette collaboration sera active, comme on le constate en matière de télécommunications.
Mais les choses ne sont pas si simples, l’on va en prendre deux exemples : en premier lieu, les autorités de concurrence, qu’elles soient française (depuis la loi relative à la modernisation de l’économie -LME du 4 aout 2008) ou européenne depuis le règlement communautaire de 1985, l’autorité de concurrence opère le contrôle des concentrations. Cette fonction et pouvoir considérable consiste à apprécier la conformité au droit de la volonté de deux entreprises de se rapprocher (par exemple, par une fusion). Mais, dans la mesure où les autorités de la concurrence mettent très souvent des conditions pour accepter la concentration, par exemple des cessions d‘actifs ou des engagements comportementaux, on en arrive à une sorte de mécano économique et industriel opéré ex ante, assimilable à un pouvoir de régulation. Ces engagements sont de fait négociés entre les entreprises et l’Autorité de concurrence : ce que l’on présente comme des conditions unilatérales apparaissent comme une sorte de contrat. Plus généralement, plus l’autorité de concurrence développe la technique des engagements, y compris à propos des pratiques anticoncurrentielles, et plus elle contractualise son comportement vis-à-vis des entreprises, renonçant à sanctionner c'est-à-dire abandonnant son attitude ex post, pour organiser une nouvelle situation de l’entreprise adoptée par celle-ci à travers ses engagements, l’autorité de concurrence agissant alors ex ante, comportement caractéristique d’un régulateur.
En second lieu, la Commission européenne, organisme à multiples têtes, d’un côté sanctionne les comportements anticoncurrentiels et opère les contrôles de concentrations, et d’autre part, rédige les textes des directives des règlements communautaires que le Parlement européen et le Conseil européen adopteront par la suite. Or, dans les secteurs régulés, la Commission européenne adopte et rédige des dizaines de directives et de règlements à tel point qu’elle a pris l’habitude de les concevoir par « paquet », appréhendant les évolutions en matière d’énergie ou de régulation environnementale, de banque ou de télécommunications etc., par des paquets contenant plusieurs directives et règlements.Dans ces textes, relevant donc de l’ex ante, les organisations de régulation des secteurs sont profondément affectées. Cette sorte de Janus que constitue la Commission européenne fait qu’elle est, au niveau européen, à la fois Autorité de concurrence et Autorité de régulation. Or, les autorités nationales de concurrence ont tendance à affirmer qu’elles constituent des « petites commissions européennes », ce qui les renforce leur tendance à vouloir réguler l’économie. Elles en viennent à proposer dans des textes de « droit souple » la notion de « régulation concurrentielle », ce qui constitue un oxymore.
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