Publication : participation dans une publication juridique collective
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Le but du droit français de la concurrence, rapport français, in FROMENT, Michel, FRISON-ROCHE, Marie-Anne, MORAIS DA COSTA, Thalès, VIREIRA DA COSTAT CERQUEIRA, Gustavo, GRAEFF, Bibiana, MARTINI VILARINO, Tanisia (dir.), Droit français et droit brésilien. Perspectives nationales et comparées, Bruylant, Bruxelles, 2012, p.833-849.
Pour une présentation générale de l'ouvrage.
Pour un résumé de l'article, voir ci-dessous.
Les prolégomènes de l'article cherchent à démontrer que malgré la proximité profonde entre le droit français et le droit brésilien, le droit de la concurrence ne présente pas forcément la même proximité. En effet, en premier lieu, du point de vue sociologique, cette branche du droit nouvelle a été en France plutôt la prolongation d'un art renouvelé d'administrer l'économie tel que les personnes formés à l'ENA peuvent le pratiquer et non pas les juristes, tandis qu'au Brésil, c'est plutôt une influence nord-américaine des milieux académiques des économistes qui se fait sentir. En outre, le droit de la concurrence est aujourd'hui à ce point intégré dans le droit de l'Union européenne que l'on hésite à parler encore de "droit français".
Ainsi, la concurrence est utilisée pour construire un "marché intérieur", unissant des pays naguère en guerre, projet étranger au brésil.
Cela dit, puisqu'il s'agit ici d'en rester au droit français, l'on peut se demander quel en est l'objet, quelles sont les marges de pouvoir de l'Autorité de concurrence, comment diminue-t-on le problème majeur de l'insécurité juridique, quelles sont les forces qui font évoluer ce droit, quelle part y prend la politique industrielle et dans quelle mesure la crise en aurait modifié les buts.
Son premier objet est la loyauté des comportements, son deuxième la garde du libre fonctionnement concurrentiel du marché, son troisième l'intérêt du consommateur, la quatrième, la construction du marché européen.
les autres finalités sont moins nettes. L'on a ainsi du mal à exprimer en quelques mots la finalité du contrôle des concentrations, la place faite à l'innovation ou le souci de la gestion des risques.
Tout ce droit repose sur l'Autorité de concurrence. Ses "marges de discrétion" tiennent non pas tant au cumul de pouvoirs qu'à la pluralité des finalités qu'elle doit satisfaire. A ce titre, elle peut rendre quasiment transparentes les autres branches du droit comme le contrat, le droit du travail ou la propriété intellectuelle. En revanche, la procédure résiste et c'est en la qualifiant de "tribunal" que les juridictions françaises l'ont obligée à a mieux respecter les garanties de procédure des entreprises mises en cause.
La sécurité juridique est apparue récemment comme un thème autonome dans le droit français. Ce droit très complexe essaie d'y satisfaire par la technique des lignes directrices. Dans cette branche du droit, la soft law est ainsi reine, côtoyant un droit des sanctions (hard law) de plus en plus sévère.
Si l'on cherche à trouver dans le droit français de la concurrence des "origines de changement", l'on pourrait dire que c'est avant tout l'Europe, par le Traité de Rome, par des arrêts fondamentaux de la Cour de Justice, comme par l'arrêt Costa, qui a mis le droit de la concurrence au centre du droit économique. Puis, l'ordonnance du 1er décembre 1986 a été un tournant majeur car sans contrainte, le Gouvernement français a choisi d'opter par principe pour le système de liberté des prix, donc le système de marché.
La question de l'articulation entre concurrence et politique industrielle demeure complexe car ne pas considérer la politique industrielle dans une économie et ne faire prévaloir que la concurrence déséquilibre l'organisation de l'économie, mais confier à l'Autorité de concurrence les deux perspectives, sous prétexte d'une "politique de la concurrence", lui offre un excessif pouvoir discrétionnaire.
Enfin, la crise économique a remis en cause le droit de la concurrence car celui-ci n'a pas pour but, voir n'a pas les moyens de contribuer à y faire face, voire à la prévenir. C'est pourquoi pour l'instant, à l'échelle européenne, la Commission européenne procède par voie d'exemption, notamment pour permettre aux États de mettre en place des plans de sauvetage de leur secteur bancaire. Il demeure qu'en la matière, le droit de la concurrence doit laisser place au droit de la régulation.
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