16 octobre 2012

Conférences

De l'importance et de l'utilisation des Incoterms dans les contrats in La nouvelle organisation des flux internationaux de marchandises (Quand la gestion douanière s'invite dans les relations contractuelles).

par Marie-Anne Frison-Roche

XIième colloque du Cercle de reflexion douanière Collin de Sussy ; Auditorium "Aréva" (33, rue Lafayette - 75009 Paris).

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Lire ci-dessous le support écrit de l'intervention orale.

 

Le contrat est une "petite loi", relevant de la volonté particulière des parties, et ce d'autant plus que le contrat se développe dans des relations économiques internationales. Mais, contrepartie de la liberté, le risque doit être prévu et géré par les parties, tandis que les Etats, "tiers intéressés" aux flux de richesses, doivent savoir à quel moment et qui porte le risque et la propriété des marchandises.

L'ensemble requiert non seulement de la mesure et des équilibres, mais avant tout de la sécurité. C'est pourquoi dès 1936, les organisations professionnelles, à travers la Chambre de commerce international a pragmatiquement proposé des Incoterms que les parties peuvent insérer dans leur contrat, quelque soit la loi qui régit celui-ci. En cela, les Incoterms sont des normes de référence, intériorisées dans l'îlot normatif particulier que constitue le contrat.  Ainsi, les Inconterms sont très importants à la fois pour les parties et pour les Etats car la seule référence permet de savoir d'une façon unifiée qui porte le risque et la propriété donc la responsabilité et, notamment, l'obligation de payer des droits de douane et/ou des obligations de formalité, etc. Ainsi, les Incoterms font un lien direct de sécurité entre les parties et les Etats. Il est remarquable que les Incoterms aient été conçus ni par les parties ni par les Etats, mais par la Chambre de commerce international, ses règles étant actualisées tous les 10 ans. Cela valide l'hypothèse théorique et pratique selon laquelle le droit économique mondial se structure désormais sur un modèle qui est ni purement étatique ni purement privé mais de nature médiévale, conçu par des structures professionnelles intermédiaires, ici les chambres de commerce.

Leur utilisation est simple mais doit être faite de façon précise. En cela les Incoterms ressemblent par leur source au droit de common law mais dans leur forme au droit de civil law puisque l'on sait que le droit français des contrats se veut simple, clair et précis.

 

Ainsi, le contrat doit viser l'Incoterm applicable, par exemple CPT (Carriage paid to), ce qui oblige le vendeur mais les parties doivent bien ajouter concrétisant l'abstraction de la formulation de l'Incoterm précisant le nom du port visé par le contrat.

La présente contribution s'insère parmi d'autres interventions qui seront plus techniques et porteront sur la substance même des Incoterms 2010. C'est pourquoi l'intervention est plus générale et porte donc sur l'intérêt même de cette "norme" qu'est l'Incoterm, et son utilisation par les parties au contrat de vente.

 

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Dans cette perspective, il convient de revenir au Code civil et au Code de commerce, code de praticiens, qui se souciait déjà de fixer par une norme (ici la plus belle, un article du Code civil, l'article 1138 et l'article L.132-7 du Code de commerce) qui fixe le porteur du risque et quand s'opère le transfert de propriété).

En effet, les Incoterms ne représentent pas une "rupture" mais sont plutôt un écho au pragmatisme que les rédacteurs de ces deux Codes ont manifesté. Certes la réalité économique a changé, en ce que le transport, les risques, la durée et la segmentation des interventions dans la même chaîne que constitue une opération économique, se sont compliqués. C'est pourquoi les Incoterms ont été mis en place.

Ils entrent alors en relation dialectique avec la puissance normative des contractants et c'est bien à un "conflit de normes" que l'on a à faire : volonté des parties (endogène) et Incoterms (volonté exogène, mais norme de nature supplétive). Parce que le monde international demeure peu dominé par les Etats, l'autonomie de la volonté est primordiale. Ainsi, elle a le pouvoir d' "importer" l'Incoterm pour le greffer dans le champ contractuel. On estime également que les contractants peuvent le réécrire, la norme supplétive étant plastique. Mais c'est alors affaiblir l'Incoterm en tant qu'il est une norme du commerce international. Les Etats peuvent venir le renforcer, par leur puissance normative autonome, en le cristallisant dans une loi, un traité, voire une pratique, parce que l'Incoterm rencontre leur intérêt fiscal ou douanier.

L'Incoterm comme norme du commerce international apparaît comme ayant un grand avenir, en ce qu'il comble des lacunes, le monde économique global ne parvenant toujours pas à engendre un ordre juridique qui lui soit propre. Mais parce qu'il ne s'agit que d'un maillage de normes particulières, les lacunes ne peuvent être comblées par l'interprétation (loophole). Il faut donc que le créateur de la norme soit aussi l'interprète permanent de la norme, voire celui qui résoud les difficultés contractuelles entre les parties dans lesquelles la norme s'applique : cela explique que les Incoterms ne peuvent avoir pour auteur que les Chambre de commerce internationales, qu'elles interviennent comme des "auteurs" au sens littéraire du terme, voire comme des professeurs qui éduquent les acteurs économiques.

Dans ces conditions, les critères de pertinence de recours aux Incoterms changent. En effet, la summa divisio  ne doit plus être Interne / International, mais plus pragmatisme "transport, risque, complexité, pluralité d'acteurs". Ce cas de figure se retrouve le plus souvent dans les opérations économiques internationales. Mais on les retrouve aussi dans des opérations internes et - du point de vue douanier cela demeure interne - de l'Union européenne.

Cela signifie que d'une façon très large, parce que les Incoterms ne sont en rien une rupture avec la conception traditionnelle du droit, mais plutôt son prolongement, parce qu'ils excèdent l'hypothèse seule de l'opération internationale pour trouver pertinence dans des opérations économiques complexes.

Ainsi, il convient de développer un "réflexe Incoterms".

 

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