7 juin 2016

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Tout converge vers l'anéantissement des droits des femmes : ceux qui réclament la fin du droit à l'IVG et ceux qui mettent en place l'industrie des ovocytes pour alimenter le marché de la GPA

par Marie-Anne Frison-Roche

Les femmes sont en danger.

Peut-être parce que lorsque l'espèce humaine est en danger, elles sont les premières touchées. Elles tombent en avant-poste.

Elles sont touchées dans la maternité, ce qui est leur propre. Ce qui fait leur pouvoir, comme le montra Françoise Héritier. Ce à quoi le dictateur turc actuel veut les réduire.

Observons une convergence qui n'est étonnante qu'en apparence :

d'un côté des personnes proches de l'extrême-droite manifeste contre le droit des femmes reconnu depuis 1975, conforme à la Constitution, de faire une interruption volontaire de grossesse. Cette contestation n'est pas nouvelle. Mais l'argument est de choc.

Ils ont défilé en affirmant avoir perdu des "frères" et des "soeurs" par le fait d'IVG en comptant sur leurs doigts les "enfants" ainsi disparus.  Une contre-manifestation se prévaut du féminisme et du droit à l'IVG.

D'un autre côté, des femmes expliquent qu'elles ont congelé des embryons pour les utiliser dans plusieurs années, de nombreux embryons, mais qu'elles entretiennent avec ceux-ci d'ores et déjà des relations, les appelant leurs "garçons" et leurs "filles". Comme le dit l'expression anglaise : ce sont des "ready-made children". Marcel Duchamp utilisa pour faire son ready-made une roue trouvée au B.H.V., voilà que les enfants sont désignés par le même vocable de quincaillerie.

Ainsi, lorsque plusieurs années plus tard, les embryons seront insérées dans le ventre d'une "porteuse" pour "gestation", le lien maternel étant déjà fait, l'enfant naîtra en transparence pure de cette porteuse, qui n'est rien : la mère est exclusivement celle dont l’ovocyte a été prélevée. La mère, c'est-à-dire la femme qui accouche a été effacée.

Ces deux mouvements sont totalement régressifs, puisqu'ils consistent à considérer que l'embryon est une personne (dans le premier cas, pour empêcher toute idée d'IVG ; dans le second cas, pour effacer la mère de l'enfant futur).

Ces deux mouvements reposent sur une confusion totale entre la personne et la chose.

Transformant la chose en personne, l'embryon étant traité comme une personne , ce qui devient possible dans un sens devient possible dans l'autre : traiter la personne en chose. Ainsi, l'enfant peut être traité en chose. Il est une "matière première", chose que l'on fabrique à seule fin d'être cédé (GPA), sa mère n'existant pas, ravalant à être sa "porteuse transparente".

Ces deux mouvements destituent les femmes et les enfants de leur statut de personne et portent à ce titre d'une façon égale atteinte à leurs droits fondamentaux.

Dans cet article paru dans la presse anglaise, la femme institue les embryons congelés comme des enfants, ses "garçons" et "filles". A ce titre, les embryons sont présentés comme des personnes.


Pourtant, en droit seul l'enfant à la naissance est une personne, la personnalité étant attribué à l'être humain à sa conception que d'une façon rétroactive par l'effet de la naissance, l'absence de naissance entravant cette attribution. La personnalité du foetus n'est donc que "potentielle" et le statut de chose de l'embryon n'est pas contesté.
 
La distinction des "personnes" et "des choses" est la base du système juridique, sa summa divisio , puisque les choses sont disponibles, tandis que les personnes ne le sont pas. Les personnes peuvent disposer des choses, tandis que les personnes ne peuvent pas disposer des autres personnes.
 
Certes, dans une certaine mesure, les personnes peuvent décider par leur volonté autonome de s'aliéner par le contrat en s'obligeant à l'égard d'une autre personne, par l'échange de leurs consentements. A supposer même que ce consentement soit libre et éclairé, la personne n'est pas totalement disponible à elle-même et ne peut par exemple devenir esclave d'une autre, car ce serait se réduire à être une chose, ce que le Droit refuse en application de sa fonction même : protéger les êtres humains en leur gardant toujours intact ce statut de personne.
 
Cela était très clair dans un monde gouverné par le Droit. Mais des mouvements ont intérêt à remettre en cause la distinction que le Droit a posé entre les Personnes et les Choses. Ces mouvements ont des objectifs divergents mais ils convergent.
 
En effet, l'on observe des mouvements de protestation contre le droit à l'IVG affirmant qu'indépendamment du fait de la naissance dès l'instant de la conception l'embryon est un enfant bel et bien. L'on peut donc les appeler "frère" et "sœur". L'on a donc vu des manifestants compter avec leurs doigts leurs "frères et sœurs" perdus ... 
 
C'est la même conception. 
 
Les uns remettent en cause le droit à l'IVG, les autres effacent la mère. Les deux attaquent les droits fondamentaux des femmes.
 
Analysons plus loin dans l'effet de ciseaux ainsi engendré.
 
Comme il n'est pas question de remettre en cause le droit à l'IVG, mais qu'on instille en même temps l'idée que les embryons seraient des "garçons" et des "filles" directement et exclusivement rattachés à la femme dont ils sont prélevés, il faut donc admettre pour que tout cela soit supportable et concevable que la GPA, qui consiste à céder un enfant, en l'ayant fabriqué à fin d'être cédé par l'usage du corps de la femme qui y consent s'opère sans que jamais la femme qui porte l'enfant n'existe.
 
 

 C'est bien sûr un effet sophistique. En effet, l'IVG repose sur une autre conception, celle que l'embryon n'est pas une personne, mais une chose. C'est pourquoi il y a des délais pour le pratiquer. Car l'on ne peut pratiquer une IVG sur un foetus sauf si la santé de la mère le requiert, auquel cas il faut choisir entre la vie de la mère et de l'enfant.

C'est pourquoi les associations des droits des femmes qui défendent plus spécifiquement le droit des femmes à l'avortement luttent pour protéger les femmes contre la pratique destructrice de la GPA.

 Mais l'on observe que l'on cherche à les faire communiquer. D'un côté des personnes proches de l'extrême-droite manifeste en affirmant que l'IVG fait disparaissent des "frères et des sœurs" qu'ils comptent sur les doigts de leurs mains ..., tandis que de l'autre les personnes qui fait congeler les embryons les appellent "fils" et "filles" pour mieux anéantir la femme qui les "portera", afin que la "mère" qui accouche soit anéanti et l'industrie et le commerce de la GPA se mettent en place.

Ainsi, les mouvement les plus violents et les plus contraires aux droits des femmes, à savoir l'extrême-droite d'un côté qui remet en cause le droit à l'IVG, et les entreprises et leurs conseils qui sont en train de mettre en place l'industrie et le commerce convergent, et ce par le même moyen : l'anéantissement des droits des femmes et des enfants.

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