12 février 2016

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Régulation et Charité : la loi du 11 février 2016 "relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire"

par Marie-Anne Frison-Roche

Alain Supiot a écrit un ouvrage remarquable sur le discours extraordinaire de Bossuet de 1659, De l'éminente dignité des pauvres.

Alain Supiot reprend l'idée dans l'introduction très substantielle qu'il a faite dans l'ouvrage collectif Prendre la responsabilité au sérieux.

C'est la même idée qui est reprise par le Législateur dans la Loi du 11 février 2016.

La même idée mais le Législateur de 2016 n'a pas la plume de Bossuet, ni même celle d'Alain Supiot.

Par ailleurs, le Législateur doit-il se mêler de charité ? de redistribution directe des richesses ?

Questions de forme et questions de fond que l'on peut ouvrir  à propos de cette Loi nouvelle relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire :

L'on peut alors s'interroger sur cette loi dont on pourrait s'attendre à ce qu'elle soit rédigée sur de grands principes, rédigés "à la française" , et qui est écrite comme une réglementation technique (I), tandis qu'on en revient aux rapports difficile entre "le Droit et le Cœur" (II).

I. UNE RÉDACTION DE TYPE "RÉGLEMENTAIRE

Le Législateur écrit désormais des Lois qui ont pour titre non plus "l'objet" sur lequel porte le dispositif législatif mais "l'objectif" pour lequel celui-ci est pris.

Cela n'est plus une Loi sur le divorce mais une loi relative à la conciliation des familles, non plus sur une loi sur les sociétés mais une loi sur la participation des acteurs dans l'entreprise, etc.

C'est la finalité de la loi qui constitue l'objet de celle-ci.

La loi se définit donc comme un pur instrument.

La loi est donc "téléologique.

Ici, la loi est "relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire" : son objet est donc son but.

Cette substitution du but à l'objet détériore techniquement le contenu du texte législatif.

En effet, le but pour lequel la Loi est adoptée était jadis (car sans doute ne faut-il plus même utiliser le terme "naguère") placé dans les travaux préparatoires de la loi, pour éclairer les interprètes de celle-ci. Puis, l'on s'est habitué à ce que ces travaux préparatoires "basent" dans le texte voté dans l'article 1ier, dans lequel en conséquence l'on ne croyait guère à la normativité. Puis les tribunaux s'appuyèrent sur ces déclarations de principe logées dans les articles premiers pour faire dire à la loi plus qu'elle ne disait, l'interprétation littérale étant parfois la plus audacieuse des interprétations.

 

 

II. LE DROIT ET LE CŒUR

 

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