Le Droit s'appuie sur des définitions, permettant de classer les mots dans des catégories lesquelles déclenchent des régimes juridiques.
Ainsi le mot "paiement" a pour définition d'être l'exécution d'une obligation.
Il est si usuel que cette exécution s'opère en monétaire que le langage courant associe au "paiement" le transfert d'une monnaie au bénéfice du créancier.
Ce premier raccourci ayant été fait, cela renvoie à l'activité bancaire, la monnaie renvoyant aux émetteurs de monnaie que sont les Banquiers centraux et les banques, lesquelles en tant qu'elles sont aussi Etablissement de crédit accroissant la masse monétaire par l'attribution de crédits.
Mais la pratique du "paiement fractionné" se diffère du crédit en tant qu'elle ne constitue pas une
C'est pourquoi, de la même façon que les entreprises technologiques se sont développées dans les technologies de paiement sans pour autant être soumises aux contraintes régulatoires visant les opérateurs bancaires et financiers, ces entreprises technologiques commencent à se déployer dans la technologie du "paiement fractionné".
Par exemple PayPal, mais également Apple proposent un service technologique de "paiement fractionné" (v. par exemple Apple s'allie à Goldman Sachs pour lancer un service de paiement fractionné).
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Du point de vue du Droit, la qualification était jusqu'ici considérée comme une alternative à deux branches un paiement fractionné peut être considéré soit comme une modalité de l'exécution (une "facilité") et ne justifie donc pas la lourdeur du Droit du crédit et des monopoles régulés associés, soit comme un crédit, ce qui renvoie au Droit de la Régulation.
I. PAYER, C'EST EXECUTER SON OBLIGATION, SOUVENT PAR L'UTILISATION D'UN FRAGMENT DE LA MASSE MONETAIRE
Parce qu'il est plus simple de prendre des seuils, la législation française a fixé que jusqu'à 90% un "paiement fractionné" n'est qu'une modalité du paiement, ce dispositif entre les parties devenant un crédit (avec la protection de l'emprunteur et la régulation du prêteur) au-delà.
Mais les faits font apparaître une troisième branche dans l'alternative : alors que le paiement immédiat peut s'opérer sans aucun transfert d'information du débiteur vers le créancier (ce qui constitue une des raisons pour lesquels billets et pièces constituent une spécificité, soit louée comme protectrice des libertés soit critiquée comme véhicule d'activités contraire à l'ordre public), le paiement fractionné ne peut s'opérer que par la transmission par le débiteur d'informations personnelles.
Cela peut n'avoir pas d'utilité pour le créancier qui a déjà des informations sur son débiteur ou à tout le moins représente une utilité accessoire par rapport à l'objet principal qu'est l'échange économique lui-même, qui a déclenché l'obligation du débiteur de payer en l'échange du bénéfice de la prestation qui a rendu son cocontractant créancier.
Mais si l'opération du "paiement fractionné" est externalisée vers un prestataire technique, que cela continue de n'être pas un crédit (sans la Régulation qui va avec) est pris en charge par une entreprise dont le seul objet est alors l'organisation technique de cet étirement dans le temps.
L'on pourrait considérer que le seul objet de Régulation est celui de la Régulation du crédit, c'est-à-dire le risque systémique et la protection des consommateurs contre le surendettement.
Mais ici l'on peut considérer que ces très grandes entreprises, comme Apple, s'intéressent à ce service parce que leur objectif est la collecte la plus fine et croisée possible de données : or, les données, ces micro-informations d'un débiteur sont très précieuses.
Parce qu'il faut "repenser le monde à partir de la notion de donnée", ce à quoi nous sommes encore très malhabiles, la définition du paiement peut alors changer dans une troisième branche de l'alternative.
II. PAYER, C'EST DONNER DE L'INFORMATION SUR SOI-MEME : LE "DEBITEUR" APPORTE DE CE FAIT DE LA VALEUR. SI CET APPORT DEVIENT PRINCIPAL, DE QUI EST-IL LE CREANCIER ?
Dans une opération de "paiement fragmenté", si cela est pris en charge non plus par le cocontractant de l'opération économique qui a engendré l'obligation de payer ni par un prestataire choisi par le débiteur mais par un prestataire choisi par le créancier, qui offre ce fragmentation le plus souvent présenté comme "gratuit", la question est alors de savoir si ce prestataire peut s'approprier les données personnelles du débiteur sans limite, puisqu'il ne s'agit pas d'un crédit.
S'il s'agit d'un opérateur numérique par ailleurs très puissant, qui peut connecter ces informations de solvabilité et d'usage, cela donne à la fois une facilité dans les achats dans la vie quotidienne de chacun et un croisement des informations, tel qu'il est autorisé et promu en Chine (où le désir d'achat et l'obtention d'un crédit à la consommation peuvent être exprimés concomitamment).
En France, le Conseil constitutionnel avait invalidé la loi qui avait validé la mise en place d'un "fichier positif" des clients bancaires solvables pour faciliter l'accès au crédit, le Conseil estimant que si le risque systémique justifie la mise en place de fichiers des clients bancaires fragiles, protégés par une interdiction bancaire, l'absence d'un tel risque exclue la mise en place d'un fichier d'informations concernant les personnes.
Mais c'était en France et c'était il y a longtemps.
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