MAZEAUD, Denis
Référence complète : MAZEAUD, Denis, Famille et responsabilité (Réflexions sur quelques aspects de "l'idéologie de la réparation"), Le droit privé français à la fin du XXième siècle, Etudes offertes à Pierre Catala, Litec , 2001, p.569-593.
L'auteur prend acte de la crise que traverse le droit de la responsabilité civile, dont il est possible qu'il verse totalement dans le mécanisme de l'assurance, et des multiples écrits à ce propos. Il choisit de prendre la famillle "comme point d'observation", ce qu'elle éclaire particulièrement bien l'évolution du droit de la responsabilité.
L'auteur prend fortement partie pour une conception très classique de la responsabilité civile dans son lien avec la faute (et la morale) et critique toute l'affection que joue la considération "idéologique" pour la situation des victimes.
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La première partie de l'article est consacrée à "La responsabilité de la famille. Elle est marquée par l'objectivation de l'engagement de responsabilité, la faute s'effaçant peu à peu.
Cela fût posé avec éclat à propos de la responsabilité de l'infans par les arrêts du 9 mai 1984 : le lien etre conscience et responsabilité est coupé, l'enfant prend son autonomie ainsi par rapport à ses parents, il s'en "émancipe" par sa responsabilité. La faute subjective est remplacée par la faute objective, limitée à l'illicéité de l'acte. La capacité délictuelle de l'infans s'inscrit dans le mouvement de socialisation de l'indemnisation. Cela se comprend mais cela est absolument contraire aux principes de base de la responsabilité civile, notamment la distinction que doit faire le droit entre l'enfant et l'adulte.
Denis Mazeaud critique cela, car cela aboutit à la "réification de l'enfant". En effet, parce qu'il ne s'agit plus que d'indemniser la victime, après avoir dit que l'enfant avait capacité délictuelle, la jurisprudence va ensuite affirmer que les parents sont à leur tour engagés, même s'ils démontrent qu'ils n'ont pas commis de faute, la jurisprudence finissant par dire qu'ils le sont encore, alors que l'enfant n'a commis aucune faute. Dès lors, l'enfant provoque la responsabilité des parents, comme la chose celle du gardien : mais l'enfant n'est pas une chose !
Cela est aggravé par l'évolution jurisprudentielle qui, en posant le principe de la responsabilité générale et objective du fait des personnes dont on a la garde par l'arrêt du 29 mars 1991, peut aussi bien concerner les parents du fait de leur enfant, en cumul de leur responsabilité spéciale et s'étendre à tout membre de la famille, comme l'a décidé la jurisprudence pour un beau-père, par exemple. Cela pourrait aussi s'appliquer au tuteur de l'enfant, plus impliqué que ne l'est un beau-père. Mais, selon l'auteur, on va d'effet pervers en effet pervers ! Car la tutelle est une charge, lourde et pour laquelle il n'y a aucune rémunération. La responsabilité détachée de la faute (donc la déresponsabilisation, remplacée par l'assurance) fragilise la tutelle.
La seconde partie de l'article est consacrée est "L'indemisation de la famille". La famille est ici encore le reflet d'un mouvement générale, puisqu'elle connaît une extension de l'indemnisation, aussi bien que la réification de la victime.
Les dommages indemnisés se multiplient, préjudices par ricochet, préjudices d'affection. L'exigence de "légitimité" du dommage se dissout, voire 'l'idée d'amoralisation du préjudice traduit l'indifférence de principe" du droit de la responsabilité civile à l'égard de "l'ordre moral".
"L'idéologie de la réparation" continue à des solutions telle que l'indemisation du dommage pour l'enfant né plutôt que de n'être pas né, accordée par l'arrêt d'Assemblée plénière du 16 novembre 2000, [Perruche->http://www.mafr.fr/spip.php?article2878].
Enfin, Denis Mazeaud finit son étrillage de l'évolution du droit positif en affirmant que la victime se trouve elle-même réifée par "l'idéologie de la réparation". En effet, on permet aussi des imdemnisation sans dommage, par exemple en reconnaissant la transmission aux héritiers du droit à obtenir réparation du dommage moral. Il est en de même, selon lui, lorsque les juges indemnisent le dommage moral d'une victime en état végétatif, car la victime devient alors un "pactole" pour la famille : la victime est réifiée.
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