Que l'on s'imagine : si l'on mettait aux enchères publiques la dépouille mortelle de notre mère ou de notre père, du seul fait qu'ils auraient fière allure, qu'ils seraient des personnages célèbres, qu'ils seraient représentatifs d'une époque à la mode et que des personnes soient prêtés à enchérir et à surenchérir pour les placer dans leur salon. Que dirions-nous ?
Non ! Chacun dira immédiatement Non car nous connaissons d'instinct la règle de droit qui situe les cadavres humains hors-commerce. Le Code civil pose que les corps humains, bien que la personne soit décédée, en conserve la mémoire et que nous devons l'honorer. C'est pourquoi les sépultures appartiennent au domaine public et que leur profanation est un délit pénal.
Cette idée que la chose contient la personne et que ce souvenir métaphysique et social suffit à rendre la chose, imprégnée de l'humanité de celle qui fut, voire son âme, nous y sommes très attachés.
Les juges défendent la défense des personnes dans les choses qui en conservent la mémoire sacrée. Ainsi, par un arrêt du ..., la Cour de cassation a confirmé le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, qui a interdit la tenue à Paris de l'exposition Our Body, qui consistait à exposer des cadavres humains écorchés et prenant des posant, notamment sportives, à des fins pédagogiques : Non ! La dignité de la personne humaine interdit une telle mise sur le marché !
Le respect de la personne a travers les choses qui en gardent la mémoire, d'autres cultures que la notre le connaît.
Ainsi, dans la tribu Hopi, lorsqu'une personne décédé, on ne l'enterre pas sous une tombe avec une pierre, une croix ou une étoile, on sculpte un masque que recueille l'esprit de la personne. Ainsi, un masque Hopi est l'enveloppe sacrée de la personne, son souvenir, son accès au supra-monde des ancêtres, conservant ce que nous appellerions leur âme. Rien n'est plus précieux pour la tribu, car la personne défunte est ainsi préservée et les membres vivant dans la communauté peuvent communiquer avec ces objets à la fois sacres et vivants que sont les masques mortuaires.
Mais, pour leur malheur, les masques sont aussi beaux que les cathédrales que nous avons construites pour notre foi.
C'est ainsi que le désir de certains d'en parer leurs demeures, d'en compléter les musées, est né. Et là où il y a un désir soutenu par de l'argent proposé, le marché se propose pour ajuster le désir des collectionneur et le désir de s'enrichir des intermédiaires qui ont mis la main sur les extraordinaires masques Hopi.
C'est ainsi que le 27 juin prochain, une vente aux enchères sera menée chez Drouot pour offrir à la convoitise de tous un masque Hopi.
Que peut faire la tribu, dont on vend la sépulture de ses morts, l'âme de ses ancêtres et son propre accès à l'au-delà ?
Si le juge comprend que ces masques sont pour eux exactement ce qu'est une tombe et plus encore, telle la dépouille mortelle, à travers le visage représente sur le masque, est la personne même, il devra faire entrer les masques Hopi dans la catégorie des "choses hors-commerce", pour lesquelles la mise sur le marché est exclue par le droit.
C'est ainsi que le droit et le juge sont les gardiens des personnes et de la place que les civilisations font à celles-ci.
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