1 novembre 2014

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DROIT ET HISTOIRE : Le droit et le nazisme font-ils "bon ménage" ?

par Marie-Anne Frison-Roche

Le nazisme reste un mystère. Les ouvrages se déversent pour essayer de comprendre.

Notamment de comprendre la part que tant de phénomènes y prirent, par exemple le capitalisme, la culture occidentale elle-même, le nationalisme, la misère, l'humiliation, le Traité de Versailles, le charisme d'Hitler, etc.

Le droit y a aussi sa part.

Carl Schmidt n'a pas compté pour peu dans l'élaboration de la doctrine nazie, pensant le droit comme expression de la pensée, ce contre quoi Kelsen bâtit la théorie du "droit pur", qui met le droit en autonomie du politique et n'en est pas la forme.

Cette dimension juridique du nazisme, dans sa conception tout d'abord, dans sa mise en oeuvre ensuite, est essentielle. En effet, le système nazi était un système légaliste, l'efficacité passe par une multitude de textes et par des méthodes dont la juridicité ne fait pas de doute.

Cela peut paraître paradoxal, voire contrariant, puisque le nazisme est souvent présenté comme l'horreur et la brutalité absolues, c'est-à-dire ce à quoi le droit s'oppose "par nature". En effet, il est courant de définir le droit comme ce qui est doté d'une "force" qui s'oppose à la "force" : la force qui arrête la force. Ils sont en opposition absolue.

Pourtant, non seulement ils ont historiquement fait fort "bon ménage", législateur, juges et professeurs de droit offrant massivement leur service technique. Mais le lien entre nazisme et droit est plus intime encore et instruit sur les risque que le goût pour le droit comprend.

C'est notamment en cela le livre qui vient de sortir, La loi du sang. Penser et agir en nazi, mérite d'être lu.

Ecouter la présentation qui en a été faite sur France Culture le 20 octobre 2014.

En effet, la "passion" que le système nazi avait pour le droit doit demeurer un souci pour le juriste.

En effet, le juriste est vite enclin à éprouver la même "passion" pour le droit, et à s'en flatter. Certes, en 1995, Carbonnier mit en garde contre la "passion pour le droit". Il la constatait dans la façon dont la Vième République fait vivre le droit. Un droit qui cesserait d'être sage parce que manié avec trop de passion, par ceux qui l'élaborent, voire par le groupe social.

Ainsi, l'examen de la part du droit dans le nazisme peut contribuer à avoir une vision moins amourachée du droit, qui conduit à ce que celui-ci se détourne de son lien avec le "juste" pour n'être plus qu'au service de lui-même, de sa perfection, de son efficacité à 100%, etc.

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