Cour de cassation, première chambre civile
Dans cette affaire, une personne travaillant dans les Editions Larousse Bordas avait dans une activité supplémentaire à son activité salariée travaillé à un dictionnaire intitulé « Mini débutants ». Son contrat de travail l’a liée à la maison d’édition depuis 1972. Par une convention à titre onéreux du 12 juin 1984, elle a reconnu la propriété de l’éditeur sur tous les droits d’exploitation du dictionnaire. Elle est licenciée par celui-ci en 1996.
En 1997, elle assigne l’éditeur pour obtenir l’annulation de la convention de cession pour violence. La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 12 janvier 2000, constate que le statut salarié place la demanderesse en situation de « dépendance économique » par rapport à l’éditeur, ce qui l’a contrainte d’accepter la convention sans pouvoir en réfuter les stipulations contraires à ses intérêts ou aux dispositions légales protectrices des droits d’auteurs. Les juges du fond relève qu’en effet, si elle avait refusé une telle convention, elle aurait pu craindre de perdre son travail, puisqu’elle était salariée de son cocontractant.
L’éditeur forme un pourvoi. La première chambre civile dans son arrêt du 3 avril 2002 l’accueille favorablement et casse l’arrêt entrepris. En effet selon les juges du droit, « seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne peut vicier de violence son consentement». Or, les juges du fond n’ont pas relevé que lors de la cession l’employée était menacée de licenciement, ils n’ont pas relevé que le cocontractant avait cherché à exploiter abusivement les circonstances pour la convaincre de céder ses droits.
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L’on mesure ici que le vice de violence conserve une dimension subjective. En effet, la jurisprudence, en admettant le concept de « violence économique », reconnaît certes qu’un contractant puisse être objectivement, de par les circonstances dans un état qui lui interdit de refuser de contracter car elle n’a pas d’autre alternative. Ici, cette contrainte vient de la dépendance économique consubstantielle au contrat de travail. Mais, parce que la violence demeure un vice du consentement, il faut encore que cette contrainte objective soit subjectivement exploitée par l’autre, d’une façon abusive, ce qui ne fut pas en l’espèce le cas.
Ainsi, la notion de violence économique fait se rencontrer la dimension objective et la dimension subjective du contrat.
En outre, l’on trouve très peu de cas d’annulation pour violence économique car la charge de preuve est très lourdes, les objets étant multiples (contraintes pesant sur la victime, exploitation abusive de cette contrainte par l’autre ; les deux objets de preuve se cumulant). L’on voit ici une nouvelle application de la théorie générale de l’abus de droit.
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