Cour de cassation, première chambre civile
Cette affaire oppose deux époux. L’épouse a quitté le domicile conjugal et refuse de le réintégrer malgré la demande de son mari car elle allègue ce que celui-ci a à son égard une attitude injurieuse. Elle forme par ailleurs contre lui en justice une action en contribution aux charges du mariage, visés par les articles 212 et 214 du Code civil, ce qui est un devoir que se doivent l’un à l’autre les époux et ceux auxquels le mari manque en refusant de lui verser de l’argent.
Le mari, défendeur à l’instance, répond que son refus de contribution pécuniaire est justifié par le fait qu’elle a elle-même quitté le domicile conjugal, violation de ses propres devoirs conjugaux, violation à laquelle elle ne veut pas mettre fin, et qu'en tant que demanderesse à l’instance, elle doit prouver l’attitude injurieuse qu’elle impute à son mari si elle prétend s’exonérer d’une telle obligation et justifier ainsi sa demande en contribution financière.
La Cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 2 mai 1983, valide un tel raisonnement car c’est au demandeur de supporter la charge de prouver les faits pertinents dans un procès.
L’arrêt des juges du fond est cassé par le présent arrêt de la 1ière civil du 17 juillet 1985 au visa à la fois des articles 212 et 214 du Code civil, et de l’article 1315. En effet, les articles 212 et 214 sont des articles de fond qui font peser sur le conjoint « par principe » un « devoir de secours », dès lors, c’est celui qui le supporte, ici le défendeur à l’instance, qui veut y échapper « de rapporter la preuve des circonstances qui peuvent permettre de le dispenser des obligations qui en découlent ».
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L’annulation de l’arrêt d’appel intervient parce que celle-ci « a inversé la charge de la preuve ».
Cet arrêt habile montre la dissociation entre la place à l’instance et la charge processuelle vis-à-vis de l’obligation de prouver, laquelle peut être, comme ici, celle du défendeur à l’instance, dès le départ de celle-ci. Cela peut résulter du fait que le demandeur à l’instance se prévaut d’un principe, ici le devoir de secours entre époux que lui doit le défendeur, règle de fond imposée par le loi et que l’époux demandeur n’a pas à démontrer, ce qui conduit à poser que la charge de preuve repose sur l’autre et que l’objet de preuve lui-même consiste dans les « circonstances particulières » qui peuvent faire exception au principe.
On mesure ici combien charge de preuve et objet de preuve sont deux questions liées.
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