2 décembre 1941

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Cour de cassation, chambres réunies

Arrêt du 2 décembre 1941, Franck

Avant que les juges n’aient à trancher ce cas, celui dont la chose avait causé un dommage en était le propriétaire, le droit positif s'était cristiallisé sur l'arrêt Jand'heur. Ainsi, dans l’affaire Jand’heur, le conducteur du véhicule était le propriétaire. C’est pourquoi l’on affirmait que la garde était liée au droit de propriété et l’on fondait ainsi la responsabilité du gardien d’une façon transitive : puisqu’une personne a les avantages de la propriété et les prérogatives que celle-ci engendre (article 544 du Code civil), il est logique que les dommages causés par cette chose soit à sa charge.

L’affaire Franck a soumis aux juges un cas différent : le docteur Franck, propriétaire d’une voiture avait tout d’abord confié celle-ci à son fils mineur. Puis, celui-ci l’avait laissé en stationnement sur la voie publique, le véhicule avait été volé. La voiture, conduite par le voleur, avait causé un accident et une victime, qui en décédé, avant que le voleur ne s’enfuie. Il ne put être retrouvé. Les victimes par ricochet de la victime décédée agissent contre le docteur Franck pour obtenir réparation du préjudice résultant de la mort de la victime principale.

La Cour d’appel de Nancy, rendant un arrêt le 3 mars 1936, refuse d’engager la responsabilité du défendeur à l’instance, car, dépossédé de sa voiture par l’effet du vol, il ne pouvait plus d’aucune façon la surveiller. Les circonstances ayant fait que l affaire avait déjà donné lieu à un premier pourvoi, c’est donc un second pourvoi qui est formé par les victimes devant la Cour de cassation, ce qui conduit à la formation des « Chambres Réunies », pour prononcer l’arrêt (par la suite, cette formation sera remplacée par l’Assemblée Plénière).

La Cour de cassation estime que le docteur Franck « privé de l’usage, de la direction et du contrôle de sa voiture, n’en avait plus la garde ». Dès lors, ce que les juges désignent comme « la présomption de responsabilité » de l’article 1384 al.1er du Code civil ne peut plus jouer à son encontre.

 

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Sur ce point-là, le pourvoi est rejeté. Cet arrêt est très important parce qu’il bise la relation entre la garde et la propriété pour faire de la garde une pure notion de fait (comme le sont déjà les notions de faute et de causalité), fait construit sur le triptyque, usage – direction – contrôle.

La propriété elle-même ne vaudra plus que comme un fait, pouvant valoir présomption de garde, c'est-à-dire un élément probatoire.

On soulignera tout de même la dureté de l’arrêt Franck, qui, de fait, priva la victime de toute indemnité, alors même que la victime principale renversée en était décédée et que le voleur ne fut jamais retrouvé. C’est pourquoi un auteur aussi important que Geneviève Viney, soucieuse des victimes et de la réparation, affirme que lier davantage la garde et la propriété présente des avantages, même si la responsabilité civile vise des situations de fait et non pas des droits subjectifs.

 

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