6 juin 1990

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Cour de cassation, chambre criminelle

Arrêt du 6 juin 1990

Une personne physique est victime d’une infraction, qui lui cause entre autre une incapacité de travail. Ce travail consiste à entraîner des chevaux. En raison de son incapacité temporaire totale, il ne peut entraîner la jument d’élevage en vue de deux épreuves auxquelles l’animal de course devait participer.

La victime saisit la justice pour être indemniser non seulement de son préjudice économique lié à sa perte de salaire, mais encore à celui lié au fait que la jument n’a pu gagner. L’expert estime, au regard des performances ordinaires de la jument et de sa condition physique, que celle-ci, si elle avait été entraînée pour les épreuves, aurait eu une « probabilité raisonnable de réalisation de l’avantage attendu », c'est-à-dire de gagner la course. C’est pourquoi le tribunal correctionnel accorde une indemnisation à la victime à ce titre.

La Cour d’appel de Poitier, dans un arrêt du 19 mai 1989, réforme le jugement, estimant qu’au titre de la période d’incapacité de travail, « seul peut être indemnisé le préjudice personnel et direct de la victime », qui ne peut intégrer des calculs faits sur des résultats aléatoires de course auxquelles elle n’aura pas participé, même en se basant sur l’évolution physique de la jument. L’arrêt est frappé d’un pourvoi, sur les intérêts civil de ce procès pénal. Une cassation de l’arrêt d’appel est prononcée car « la perte d’une chance présente un caractère direct et certain, chaque fois qu’est constatée la disparition par l’effet du délit de la probabilité d’un élément favorable ».

La Cour ajoute que bien sûr par définition, la chance (ici, le fait de gagner la course) par définition ne s’est jamais réalisée, puisque la course a été perdue, la chance s'étant évaporée puisque la jument n'avait pas concouru. Cet argument de nature tautologique, tenant à la notion même de « perte de chance », ne suffit pas à rendre le préjudice incertain, sinon la notion n’existerait plus.

_____
 

Néanmoins, la jurisprudence distingue entre la perte actuelle d’une chance et l’absence de réalisation d’un événement en ce que l’indemnisation, du fait de l’aléa (on ne saura jamais si la jument aurait gagné) sera d’un montant moins élevé.
 

__________

 

Pour lire l'arrêt, cliquez ici.

votre commentaire