Cour de cassation, chambre commerciale
Dans cette affaire, une société est débitrice à l’égard de l’URSSAF. Cet organisme social n’étant pas payé, menace la société de la poursuivre immédiatement en procédure collective (ce que l’on appelle dans le vocabulaire courant une procédure de faillite), pouvant conduire soit au redressement de l’entreprise soit à la liquidation de celle-ci.
Dans le contexte d’une telle menace, la gérante de la société accepte de cautionner ce que l'entreprise qu'elle a créée et qu'elle dirige doit à l’URSSAF, l’URSSAF ne poursuivant donc pas la société sur ce terrain des procédures collectives. Plus tard, la société n’arrivant à régler ce qu’elle doit à l’URSSAF, elle est mise en redressement judiciaire et l’URSSAF assigne par ailleurs la caution en exécution de ses propres engagements.
La caution soulève l’exception de nullité du contrat de cautionnement, en ce qu’elle n’a formulé un cautionnement que sous l’emprise de la violence, n’acceptant de cautionner la société qu’en raison de la menace exercée par l’URSSAF de mettre en oeuvre immédiatement contre celle-ci une procédure de redressement judiciaire. Elle n’avait pas donc d’autre choix que de fournir un tel engagement de caution.
Mais, les juges du fond, puis la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 mai 2006, se refusent à suivre l’argumentation de la caution. En effet, pour les juges, « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence … que s’il y a abus de cette voie de droit ». Or, l’éventualité du redressement judiciaire de la société n’est pas un acte de violence car la partie qui s’en prétend victime n’alléguait un comportement abusif de la part de l’URSSAF.
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L’on peut être étonné d’une telle solution en l’espère alors que la jurisprudence cherche le plus souvent à protéger les cautions personnes physiques, requises lorsque les sociétés sont déjà exsangues.
Sans doute les tribunaux sont-ils moins protecteurs et considèrent avec plus de bienveillance les droits des créanciers lorsqu’il s’agit de créanciers sociaux (l’argent de tous) que lorsqu’il s’agit des banques…
Moins sociologiquement et plus fondamentalement, le bénéficiaire de la caution a ici utilisé un droit subjectif, à savoir le droit d’agir en justice, droit fondamental. Dès lors, le juge ne peut lui en faire grief que s’il y a un abus caractérisé, car la théorie de l’abus de droit implique que le titulaire d’une droit subjectif, substantiel ou processuel, qu’il utilise, ne peut se le voir reproché que si ce faisant, il commet un abus, c'est-à-dire une faute caractérisée.
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