Cour de cassation, chambre commerciale
Comme dans l’affaire Chronopost, l’affaire Faurécia tout aussi célèbre a donné à de nombreux rebondissements.
Le présent arrêt de la chambre commerciale, du 29 juin 2010 en est le dernier soubresaut. Dans cette affaire, plusieurs contrats sont établis entre deux sociétés puissantes, la société Oracle, spécialisée dans l’informatique, et la société Faurécia spécialisée dans le revêtement de l’intérieur automobile. L’ensemble contractuel comprend un contrat de licence, un contrat de maintenance et un contrat de formation, ainsi qu’un contrat de mise en oeuvre, car Oracle conçoit sur mesure pour Faurécia des logiciels afin que celle-ci coordonne l’ensemble de ses usines. Les choses se passent techniquement difficilement, des versions provisoires sont successivement installées et la version finale n’est jamais livrée. La société Faurécia décide de cesser de régler les redevances contractuelles à Oracle. La société de financement à laquelle Oracle à céder ses créances assigne Faurécia en paiement, laquelle assigne Oracle tout à la fois en nullité pour dol, et/ou résolution pour inexécution.
Après des péripéties, l’affaire passant par une première cassation, rendue par la chambre commerciale dans un arrêt du 13 février 2007, la Cour d’appel de Paris reconnait l’inexécution par Oracle de ses obligations, puisque le logiciel n’a pas été livré. Le contrat comprend une clause limitative de responsabilité à environ 200.000 euros, alors que les experts ont évalué le dommage contractuel subi par Faurécia à 48 millions d’euros. Faurécia soutient qu’Oracle a manqué à son obligation essentielle, qui était de livrer un logiciel en état de marche et qu’il convient donc de réputer non-écrite la clause limitative de responsabilité, la victime se situant dans la ligne droite de la jurisprudence Chronopost. Mais la Cour d’appel de Paris souligne que les deux sociétés sont de force égale, ont longuement négocié les contrats notamment cette clause limitative de responsabilité et qu’il convient donc d’en faire l’application, la faute lourde n’étant pas en outre prouvé à l’encontre d’Oracle.
Un pourvoi est formé par Faurécia. La chambre commerciale, dans cet ultime arrêt Faurécia, rappelle que « seule est réputée non-écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ». Or, la Cour de cassation relève que la Cour d’appel que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, l’indemnisation convenue reflète la « répartition du risque, n’était pas dérisoire », que la société Faurécia participait au processus d’élaboration de l’outil informatique, dans un ensemble contractuel dûment négocié. La Cour de cassation estime que la Cour d’appel en a déduit que « la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle.
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L’on retrouve ici le balancement en droit positif entre l’appréhension objective et l’appréhension subjective des contrats. En effet, l’arrêt Chrononpost visait à protéger le faible contre le fort, dans un contrat d’adhésion qui soumettait le faible à un prix dérisoire. Cette conception subjective est reprise dans l’arrêt Faurécia, où la Cour, dans la même logique mais a contrario souligne que le prix n’est pas dérisoire, que le contrat a été négocié et que les parties sont d’égale puissance.
Mais si l’on adopte une définition objective du contrat, l’arrêt n’a plus guère de sens, car Oracle devait livrer une version d’un logiciel, apte à fonctionner et elle n’a jamais opéré la livraison. Dès lors, objectivement, comment peut-on dire que l’obligation essentielle n’a pas été vidée de sa substance.
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