Conseil constitutionnel
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Lire la décision ayant rejeté la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC).
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La loi du 18 germinal an X a établi l’organisation juridique des cultes (indépendamment de l’organisation juridique des relations juridiques à l’intérieur de chacun d’entre eux, par exemple le droit canon pour l’église catholique, etc.).
L’Histoire a engendré pour l’Alsace-Lorraine une situation juridique particulière du fait que cette partie de la France a été parfois partie de l’Allemagne et, en conséquence, régie par le droit allemand, puis, revenant dans le territoire français, de nouveau régie par le droit français. Il en a résulte un mixte, appelé "droit local", par lequel certaines règles particulières (le plus souvent issues du droit allemand) sont encore aujourd’hui conservées et appliquées uniquement dans les départements concernées.
Cela peut concerner toutes les branches du droit.
Cela vise aussi en l’espèce la question de l’organisation par l’Etat des cultes.
En effet, la loi du 9 décembre 1905 organise ce que l’on a désigné comme le principe de séparation de l’église et de l’Etat. Il en a résulté notamment que désormais la République est laïque, l’Etat en est garant, même s’il est par ailleurs garant de la liberté religieuse.
Mais les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ne sont pas concernés, étant à l’époque régis par le droit allemand. Vient la loi du 17 octobre 1919 "relative au régime transitoire de l’Alsace et de la Lorraine", qui organise une sorte de réintégration juridique de ces territoires dans le droit français. La loi exclut expressément la suppression du système alors applicable dans ces territoire naguère sous domination allemande, à savoir la rémunération par l’Etat des ministres des cultes reconnus par celui-ci.
Ce système demeure actuellement en vigueur.
Une association de défense et de promotion de la laïcité estime que ce dispositif est contraire au principe constitutionnel de laïcité et forme une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Le Conseil d’Etat estime que celle-ci est nouvelle et suffisamment sérieuse pour être transmise au Conseil constitutionnel.
On observera que sont en défense dans le procès constitutionnel l’Etat, les services du ministère des cultes répondant à l’association demanderesse. Mais interviennent aussi à l’instance des représentants des églises protestantes, catholiques et des consistoires.
Le Conseil constitutionnel relève que la loi de 1905 a expressément laissé intact dans les trois départements concernés le système de rémunération par l’Etat des ministres du culte, ce qui ôte toute portée à l’article 2 de cette loi de 1905 qui dispose que l’Etat ne reconnaît , ne salarie ni ne subventionne aucun culte, ainsi qu’à l’article 44 qui abrogeait toutes les dispositions qui étaient contraires à la loi de 1906.
Il en résulte donc que le système local est en lui-même intact.
A partir de là, la question du conflit de lois dans le temps ayant été résolue par le Conseil, celui-ci prête la question du conflits de normes entre le principe de laïcité et ses exceptions admissibles.
Pour trancher ce conflit, le Conseil ne procède pas à une balance entre deux principes, mais à une interprétation de la volonté du Constituant.
En effet, d’une façon assez lapidaire, le Conseil souligne que certes il "ressort des travaux préparatoires" tant en 1946 qu’en 1958 que les Constituants ont voulu établir une République laïque, volonté qui s’est traduite dans la lettre de la Constitution.
Mais ils n’ont pas voulu pour autant remettre en cause les dispositions du droit local, alors applicables tant en 1946 qu’en 1958.
Donc, cette exception est constitutionnelle, parce que les Constituants par leur silence même, au moment où ils affirmaient pleinement le principe de laïcité, ont laissé perdurer le régime dérogatoire en droit local.
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En premier lieu, on observera que c’est une méthode basée sur la reconstitution de la volonté réelle de ce qu’ont voulu les Constituants successifs au moment où ils ont écrit les textes. C’est l’Histoire comme mode légitime d’interprétation.
En deuxième lieu, on doit établir la portée de la décision à l’ensemble du droit local. Tout le droit local est conforme à la Constitution, même dans ses dispositions à première vue non-conformes à la Constitution, dès l’instant qu’historiquement les Constituants en posant les principes constitutionnels français ont laissé perdurer, même par leur silence, les dispositions du droit local.
Cela peut être important, par exemple, à propos des tribunaux de commerce, etc.
En troisième lieu, comme la conformité à la Constitution a pour base la volonté tacite (mais donc réelle) des Constituants, on ne peut rien en déduire quant à ce qui aurait été une modification des lignes entre l’ordre normatif du droit et l’ordre normatif de la religion.
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