Pour se déployer, la technologie ne suffit pas, il faut encore que le client ignore le Droit. Et les plateformes s'emploient à non seulement développer la technologie mais encore à maintenir leurs clients dans l'ignorance du Droit et de leurs droits.
L'on peut prendre des examples au quotidien.
Par exemple, aujourd'hui.
Un cas d'un exécution d'un contrat de transport, doublé d'une agression, ce qui entraîne l'application du droit des contrats et du droit pénal. Mais pour les prestataires qui répondent au nom des règles pour Kapten, il y a d'autres règles d'où il résulte que la victime de l'inexécution d'un acte juridique et d'un fait juridique d'agression ne reçoit rien. Tout en affirmant le souci de la "qualité du service". En glissant au passage des qualifications juridiques inexactes mais qui soustrayent la plateforme à toute contrainte, en mettant dans le jeu d'autres, comme la notion floue de "partenaire" et celle plus consistante de "secret", afin de mieux démunir le client, dont pourtant le souci premier est affirmé.
Voyons tout d'abord le cas (I), puis le traitement juridique par la plateforme (II) et les réflexions que cela inspire, au regard de jurisprudence et de législations de plus en plus sévères en conséquence à l'égard de plateforme (III).
I. LE CAS : INEXECUTION DU CONTRAT DE TRANSPORT ET FAITS D'AGRESSION APPELANT UNE QUALIFICATION PENALE
Les faits résultent du récit rapportant à la victime à l'entreprise Kapten, avec laquelle il n'est possible que de communiquer par e-mail adressé à la plateforme, ce qui suscite des réponses signées par des prénoms, qui varient à chaque fois.
Comme les faits avaient été brièvement rapportés par un bref e-mail le matin, un premier e-mail signé d'un prénom féminin avait demandé un numéro de téléphone où il puisse y avoir un récit de l'événèment. Dans cette discussion téléphonique ayant lieu l'après-midi, la personne de chez Kapten, se présentant par un autre prénom féminin, rappela que Kapten allait se rapprocher du "chauffeur partenaire". Quand il lui fût rappeler que le chauffeur n'était pas un tiers mais une personne dont le comportement engageait la responsabilité de Kapten, celui va immédiatement refuté par la personne.
Voilà le récit, en date du 17 septembre 2019, résultant d'un e-mail adressé à 19h.
"Chère Madame,
J’ai donc pu vous expliquer longuement par téléphone les faits.
Vous m’avez confirmé que votre chauffeur avait pris un itinéraire qui n’était pas conforme à ce qu’il devait être à un itinéraire devait m'amener à Sciences po, établissement où je suis professeur et où je devais faire cours à mes étudiants.
Comme je voyais que nous allions par des détours et que je risquais d’être en retard, tandis que je téléphonais par ailleurs – car j’étais précisément au téléphone avec un membre de la direction de Sciences po -, je lui ai indiqué qu’il fallait prendre un itinéraire plus rapide car j’allais finir par être en retard.
Votre chauffeur a alors arrêter la voiture devant les Invalides (venant du 16ième, nous avions fait un détour conséquent et nous étions donc à cet emplacement). Il a commencé à crier, ce que mon correspondant a entendu.
Puis en me tutoyant, il m’a intimé l’ordre de descendre de sa voiture : « tu es chez moi, descends, je ne veux plus de toi », etc.
Je lui ai indiqué, conservant pour ma part le vouvoiement qu’il fallait qu’il termine sa course.
Il a ouvert la porte, a continué à crier, à me menacer, un attroupement de passants et de touristes se constituant.
Mon interlocuteur de la direction de Sciences po, qui entendait tout cela, m’a conseillé de descendre.
En effet, votre chauffeur non seulement m’insultait, mais m’a menacée de ses deux poings.
J’ai dit cela à mon interlocuteur téléphonique qui m’a dit de descendre immédiatement, pour ne pas subir des coups et blessures.
Les personnes qui entouraient la voiture m’ont dit de descendre, me disant qu’il fallait mieux perdre un téléphone que d’être frappée, en disant à votre chauffeur d’arrêter de crier, de me menacer et de brandir ses poings.
Puis, il m’a arraché mon téléphone, afin que je ne puisse plus parler.
Je suis sortie.
Une personne qui était à l’extérieur lui a demandé mon téléphone ; il lui a donné. Une autre a relevé le numéro de sa plaque.
Elles m’on demandé si je me sentais bien, et si je voulais aller au commissariat immédiatement.
Je ne pouvais pas, car j’étais définitivement en retard.
J’ai fini le trajet à pied jusqu’à Sciences po, où je suis arrivée en retard.
Je pense que je trouverai le temps demain pour aller déposer plainte.
Je vous demander les mesure que vous allez prendre en considération des différents dommages que j’ai subis.
Bien à vous".
A 19h15, réception immédiate d'un e-mail de Kapten, cette fois-ci signé d'un(e) dénommé(e) Stephie, retour immédiat d'un courriel informant d'un traitement juridique fait aux demandes formulées, étant observé que les faits - étayés par de nombreux témoignages et par le constat par leur propre appareil de suivi des courses montrant les détours pris, n'étaient pas contestés.
II. LE TRAITEMENT JURIDIQUE PAR LA PLATEFORME DE LA DEMANDE: NOUS NE REMBOURSONS PAS LA PRESTATION INEXECUTEE, NOUS N'INDEMNISATIONS LE DOMMAGE, LE FAIT DELICTUEUX NE NOUS CONCERNE PAS ET NOUS NE VOUS COMMUNIQUERONS PAS D'INFORMATION A SON PROPOS
"Stephie (Customer Service France ) 17 sept. 19:14 CEST Bonjour, Stephie de Kapten" |
III. L'IGNORANCE DE L'ETAT DU DROIT PAR LA POPULATION CONDUIT LES OPERATEURS A LUI EN DONNER EFFICACEMENT UNE REPRESENTATION INEXACTE, CE QUI RENDENT INEFFECTIVES LEURS OBLIGATIONS
Si l'on reprend l'état du Droit,
- le Conseil constitutionnel, par décision QPC du 22 mai 2015, UBER, a rappelé que nous sommes ici dans un droit d'ordre public, notamment parce que cette activité met en jeu la sécurité de la personne transportée est en jeu.
- à ce titre, le Tribunal de grande instance de Paris, par un jugement de 27 janvier 2016, confirmé par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 12 octobre 2016, Union Nationale des Taxis c/ UBER, a posé que les principes de la concurrence loyale s'imposaient particulièrement sur les activités de VTC.
- en raison des impératifs de sécurité des voyageurs, la municipalité de Chicago a adopté une nouvelle réglementation en juillet 2016, étendant aux entreprises de VTC les exigences jusqu'ici ne visant que les entreprises de taxi, pour les contraindre aux mêmes exigences sur les qualités auxquelles doivent répondre les chauffeurs.
- le régulateur de l'activité de taxi à Londres (Transport for London) a refusé le 27 septembre 2017 de renouvellement la licence d'UBER en raison de l'absence de contrôle que celui-ci exerce sur ses chauffeurs.
- la Chambre sociale de la Cour de casation, par décision du 28 novembre 2018 a requalifié le rapport entre la plateforme et les conducteurs qui travaillent grâce à son intermédiaire, via des documents qualifiés par la plateforme de "documents non-contractuels" base d'un "partenariat", en requalifiant ce rapport de "lien de subordination", ce qui constitue un "contrat de travail".
- l'Etat de Californie a adopté le 10 septembre 2019 une loi requalifiant les relations entre les plateformes, notamment celles qui mettent en relation les chauffeurs et les personnes voulant être transportées, comme étant des "contrats de travail". Il en résulte une responsabilité civile de la platefore du fait de ses employés.
Même en l'état du Droit commun, le principe général de la responsabilité du fait des personnes dont on a la garde s'applique.
Si l'on reprend la réponse de "Stephie" : " Notre engagement est de vous transporter d'un point A à un point B sans être victime d'une situation indépendante de votre volonté.".
Là où il y a engagement, il y a responsabilité.
Mais à lire la suite, sans doute est-ce à une sorte d'engagement éthique où il est fait ici référence. En effet, la demande ayant précisément visait par quelles modalités les dommages allaient être pris en considération par Kapten, de cela il n'en est plus question sous la plume de "Stephie", seul interlocuteur saisissable.
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Pourquoi allons-nous vers un Droit de plus en plus sévère ?
C'est notamment parce que les plateformes donnent une représentation du Droit si inexacte tout en affirmant, par exemple, que la sécurité de la personne transportée est leur "priorité", que les sources du Droit (régulateurs, tribunaux et lois) ne peuvent alors que durcir le ton et ne veulent plus laisser jouer le seul droit des contrats, puisque le Droit des Obligations (qui comprend aussi la responsabilité) est si méconnu.
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