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Analyse économique du Droit

par Marie-Anne Frison-Roche

ComplianceTech©

La régulation suppose que l'on passe d'une conception politique des actes (c'est-à-dire décision collective exprimée par l’État) ou civiliste (c'est-à-dire volonté exprimée par un individu ou plusieurs dans un contrat) à une vision économique des organisations marchandes dont l'action est l'expression du marché. Si l'on se fie à l'ajustement de l'offre et de la demande, c'est-à-dire à la rencontre des désirs et des intérêts, il y aura « autorégulation », ce à quoi correspond la « loi du marché », renvoyant au droit de la concurrence. L'acte des opérateurs n'est que le reflet de cette loi, en action.

La Régulation est alors plus complexe car elle vise autre chose que cette rationalité mécanique, soit en raison d’une défaillance du marché (par exemple en cas de monopole naturel) soit parce qu’on veut obtenir plus que ce que le marché peut donner (par ex. l’accès de tous à des biens communs, comme la santé, même pour des demandeurs insolvables). Dans ce cas, sont élaborées des règlementations, interventions ex ante désignées en anglais par le terme regulation. La règlementation est adéquate si elle incite des agents économiques à adopter des comportements qui concrétisent le but recherché par l’auteur de la règlementation.

Cette utilisation stratégique du droit nécessite alors le détour nécessaire par l'analyse économique du droit, c'est à dire l'analyse du droit dans ses effets économiques.

Cette discipline créée aux États-Unis par Ronald Coase (Prix Nobel d’économie en 1991) peut être simplement descriptive et révéler quels effets économiques a produit le droit. Cette conception, qui est celle de Richard Posner, fait de l’analyse économique du droit un outil d'expertise pour le décideur politique, qui peut en tenir compte pour éventuellement modifier la règlementation. Une conception plus radicale de l'analyse économique du droit, dite "normative", consiste à soutenir que les conclusions de l'analyse obligeraient le décideur à suivre celle-ci.

L'enjeu est décisif car dans le premier cas le droit et les juristes - notamment le Législateur et le juge - ont encore une existence autonome, dans le second cas ils n'existent plus, ne sont plus que la forme contraignante et explicite de la "loi du marché" dont la nature est a-juridique.

Même sous sa simple forme descriptive, l'analyse économique du droit est généralement rejetée en France en ce qu'elle méconnaitrait le rôle du droit en ce qu'il porte des valeurs morales. C’est en réalité méconnaître sa fonction simplement descriptive, instructive et utile, et le fait qu'elle ouvre au contraire l'amplitude du choix rationnel offert aux décideurs politiques. Plus encore, la régulation n'est pas seulement une discipline technique, elle est aussi une question politique et philosophique. L’analyse économique descriptive lui est plus adéquate que l’analyse économique normative du droit, laquelle prétend vassaliser, voire détruire les autres disciplines, qui sont substantiellement méconnues.

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