Mise à jour : 9 avril 2013 (Rédaction initiale : 4 avril 2013 )

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55 intellectuelles écrivent aux sénateurs le 4 avril 2013 pour exprimer leur "préoccupation" à la lecture du projet de loi sur le "mariage pour tous"

par Marie-Anne Frison-Roche

Le projet de loi insérant sur le droit français le mariage homosexuel a été voté en première lecture par l'Assemblée Nationale. Il va être discuté par le Sénat. Des femmes, principalement des professeurs, ont écrit ensemble une lettre à chaque sénatrice et sénateur, pour exprimer leur désapprobation. Selon elle, un tel texte est contraire à l'intérêt de l'enfant, le seul critère à considérer, alors le mariage homosexuel aboutit nécessairement à la PMA et à la GPA. L'enfant sera le plus souvent privé du droit de connaître sa filiation et deviendra par ailleurs l'objet d'un marché. Le droit ne doit pas permettre cela.

(Texte de la loi adressée à chaque sénatrice et sénateur)

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«  Simone », collectif d’intellectuelles

[Simone.Collectif@gmail.com->mailto:Simone.Collectif@gmail.com]

 

Lettre aux Sénateurs et Sénatrices de la République française

Paris, le 4 avril 2013

 

Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Intellectuelles de nombreuses disciplines, nous souhaitons vous faire part de notre préoccupation quant au projet de loi concernant l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe.

Le rapport de la mission sur l’adoption présidée par Jean-Marie Colombani en mars 2008 le rappelait clairement : « il ne peut y avoir un droit à l'adoption d'un enfant : l'adoption ne doit exister que dans l'intérêt de l'enfant et s'inscrire dans une politique de protection de l'enfance ».

Dans le projet de loi, le raisonnement a bel et bien été inversé. L’enfant, de sujet de droit, devient objet de droit : la loi l’institutionnalise. Les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant sont ainsi sacrifiés au profit de l’intérêt des adultes – seuls à avoir voix au chapitre – à réaliser leur « projet » d’enfant. Or, un enfant n’est pas un « objet », ni un « projet », mais une personne. Le premier de ses droits est celui à une filiation structurante et comparable à celle des autres enfants.

Imposer à des enfants un état civil déniant la différence des sexes qui a présidé à leur engendrement, cela conduit à poser que le père et la mère sont interchangeables, bannissant la raison et la signification des mots.

Ce contresens fait également d’autres victimes par ricochet : les femmes. Si deux hommes peuvent former un couple parental en adoptant, on peut s’attendre à voir réclamer le recours à la gestation pour autrui (GPA). C’est extrêmement grave. Déjà, la pression s’accentue pour légaliser cette pratique en France ou, à défaut, pour la légitimer à l’étranger. S’ouvriraient alors des trafics en tout genre dont les femmes les plus fragiles socialement sont, partout, les premières victimes.

Quant à l’accès des couples de femmes à la procréation médicalement assistée (PMA), il constituerait un effacement délibéré des origines. Or, ni les nouvelles techniques de procréation ni les innovations juridiques ne doivent aboutir à légitimer la « fabrication » délibérée d’enfants adoptables, pour la seule satisfaction du désir des adultes. Car quoi qu’on en dise, la réalité des chiffres s’impose : la majorité des couples de même sexe ne pourra pas accéder à l’adoption conjointe. Ainsi, ce droit dont on évoque la perspective est un leurre pour conduire vers toutes formes de procréation assistée.

La transformation de l’enfant en objet de droit aboutit à la transformation de celles qui enfantent en « donneuses d’engendrement », selon le mot même de Denis Quinqueton (HES). Cela aliène l’humanité de toutes les femmes, qu’elles soient mères ou non.

D’une façon générale, la loi doit protéger les plus faibles, et non ceux qui parlent le plus fort. Nous comptons sur vous pour vous opposer à ce projet de loi et pour mettre en place des lois permettant une réelle égalité de droits en terme de fiscalité et succession, et pour prévoir des mesures facilitant l'exercice par le beau-parent de son rôle éducatif.

En nous tenant à votre disposition pour vous exposer plus avant notre position, nous vous prions d'agréer, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, l'expression de notre plus haute considération,

 

Liste de signataires

Éliette Abécassis, écrivain

Nathalie Heinich, sociologue

Nathalie Sarthou-Lajus, philosophe

Alice Ferney, écrivain

Hélène Gisserot, procureure générale honoraire près la Cour des comptes

Marie-Anne Frison-Roche, professeur agrégée des Facultés de Droit

Monette Vacquin, psychanalyste et essayiste

Béatrice Joyeux-Prunel, maître de conférences en histoire de l’art contemporain

Marie Jauffret,  mathématicienne

Cécile Hussherr, maître de conférences en littérature comparée

Marie-Bénédicte Vincent, maître de conférences en histoire contemporaine

Véronique Lemoine Cordier,  psychologue - psychothérapeute

Claire Masurel-Murray, maître de conférences en anglais

Cécile Bonnand, docteur en physique

Clotilde Fermanian, mathématicienne, professeur des universités

Pauline Bruley, maître de conférences en langue et littérature françaises

Aude Cailliaux, docteur en physico-chimie, engagée dans une structure associative d’aide aux personnes en grande précarité, et particulièrement des femmes

Séverine Blenner-Michel, maître de conférences en histoire et en archivistique contemporaine

Marie-Camille Glorieux,  psychopédagogue - psychothérapeute

Béatrice Libori, maître de conférences en droit public

Clémence Guerrand, pianiste, enseignante et concertiste

Marie Bahurel, professeur agrégée de philosophie

Ana-Luana Stoicea-Deram, sociologue, formatrice en politiques sociales

Marie Bresson, enseignante en mathématiques financières

Anne-Sophie Diagora, développeuse de talents

Amélie de Chaisemartin, agrégée de lettres

Laurence Deffayet, historienne

Laurence Bloch, docteur en chimie

Elisabeth Bullier, grammairienne

Chantal Delsol, philosophe, professeur des universités, membre de l’Institut

Agnès Lachaume, agrégée de lettres modernes

Marie-Christine Gillet-Challiol, professeur de philosophie

Hélène Grelier-Deneux, maître de conférences en langue et littérature grecques

Bénédicte Sère, maître de conférences en histoire médiévale

Antoinette Guise Castelnuovo, historienne

Claire Huet, psychologue clinicienne

Catherine Masson, docteur en histoire

Marie-Laure Massei, maître de conférences en anglais

Anne Brière, professeur de lettres

Isabelle Raviolo, philosophe

Madeleine Molin, historienne

Delphine Meunier, agrégée de lettres classiques

Aurélie Monroux, psychologue pour enfants

Bénédicte Peyrelongue, enseignante chercheuse en sciences de gestion

Sophie Poncet, psychologue

Aurélie Pons, agrégée de Lettres modernes

Françoise Prédignac, docteur en physique

Sophie Lesur,psychologue – psychothérapeute,

Anne-Claire Volongo, conservatrice de bibliothèques

Cyndee Royer, professeur d'anglais

Astrid de Vaumas, professeur agrégée de mathématiques

Marion Védrine, professeur agrégée en sciences économiques et sociales

Kim-Loan Tran Van Chau, professeur agrégée de philosophie

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