Enseignement : Littérature et Droit
© mafr
Dans une première approche du sujet, l'on pourrait considérer qu'il existe une sorte de "répartition des rôles" : la fiction pour la littérature, d'une façon tautologique, puisqu'elle est la création de l'esprit d'un artiste, c'est ainsi que l'a défini Beaumarchais, et le droit, qui serait d'un autre ordre, et qui, à ce titre, ne s'y oppose pas, tant il relève d'autre chose.
Mais il est aussi dit que le droit est la meilleure école de l'imagination. Donc, le droit serait une invention. En effet, le droit, en tant qu'il est normatif, créé de la réalité. En tant qu'acte de langage, en tant qu'ordre performatif, il offre à celui qui est légitime à le manier la puissance de créer une nouvelle réalité : la réalité juridique, laquelle se superpose sur la réalité qui préexistait.
Par exemple, des amis se réunissent pour parler. Cela peut être décrit dans un livre. C'est alors une fiction littéraire. Mais si ces personnes, qui peuvent être des amis, mais cette qualité devient ici indifférente, sont des associés, le président du conseil d'administratif, dira : La séance est ouverte. Par cette parole juridique, par celà même, la séance s'ouvre, avec toutes les conséquences juridiques qui y sont attachées. Ainsi, le droit est une fiction qui crée de la réalité.
C'est de là que lui vient toute sa puissance.
Si le courant nord-américain Law and Litterature a déconstruit les jugements, c'est précisément parce que, ce mouvement ne pouvant être dissocié des Critical legal studies , les observateurs voient dans les juges des personnes qui utilisent le pouvoir du droit pour "réécrire" la réalité préexistante, dans un sens ou dans un autre, suivant par exemple leur opinion politique, en prétendant ne rien ajoutant aux faits relevés.
C'est ici qu'il faut entrer davantage dans la technique juridique et dans les qualifications, car dans l'ordre juridique les fictions sont une qualifications. La fiction exprime la distance que le droit prend par rapport à une réalité, en dispensant le justificiable qui s'en prévaut de la prouver ou en lui interdisant de la prouver. Ainsi, pour le droit la filiation incestueuse n'existe pas. De la même façon, la présomption pater is est désigne le mari de la mère comme étant le père de l'enfant.
Si l'on s'arrête sur cet exemple de la filiation, exemple essentiel, car les sociétés tient aussi bien sur les liens verticaux des généraux que sur les liens horizonaux sociaux, le droit affirme ces fictions pour la paix de la société et des familles, ainsi que pour préserver le pouvoir des pères. C'est le grand enjeu du pouvoir des hommes, dont la domination est assurée tant que le lien d'engendrement demeure leur propriété, alors que la nature le confère à la femme.
Mais l'on peut dire aussi que, dans 90% des cas, le mari de la mère est effectivement le père biologique de l'enfant. Ainsi, le droit a pu en place en amont une économie probatoire.
Plan possible :
I. LES FICTIONS, REPULSION POUR LE DROIT
A. L'opposition naturelle de la littérature et du droit autour de la définition de la fiction
1. La littérature, définie comme fiction
2. Le jugement, traitement du réel
3. Le droit, art pratique (analogie avec la médecine)
B. La méfiance méthodique du droit à l'égard des fictions
1. La fiction est une disponibilité du réel par la puissance normative du droit
2. La fiction relève de l'exclusif pouvoir du législateur et ne peut s'interpréter que d'une façon restrictive
3. L'exemple problématique de la personne
II. LE DROIT NE SERAIT-IL QU'UNE FICTION ?
A. Le juge réécrit les faits
1. L'hypothèse du cas particulier (la réécriture biaisée)
2. L'hypothèse du cas général (la réécriture de l'histoire ou de la science par le juge)
B. La réalité préalable peut-elle imposer des limites à la puissance normative du droit ?
1. Les enjeux politiques de la question et la norme hypothétique kelsénienne
2. La normativité du droit produit une réalité qui se superpose, voire se substitue à la réalité précédente.
3. Le droit des êtres humains versus les droits de l'homme
votre commentaire