Les Grandes Questions du Droit
Les méthodes pédagogiques et d’évaluation sont rappelées. Puis, débutant les prolégomènes, articulés sur des "couples de contraires" à partir desquels le droit progresse dialectiquement, le droit, en perpétuel mouvement, étant la production d’une histoire, ce qui rend difficile son ajustement avec la globalisation économique et financière. C’est ainsi qu’est abordée la première question, à savoir la distinction entre ce qui relève du droit et ce qui n’en relève pas. L’article 1382 du Code civil est exemplaire de la structure formelle de la règle de droit. Mais par ailleurs le doyen Carbonnier a développé l’hypothèse du "non-droit".
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Les méthodes pédagogiques et d’évaluation sont détaillées dans le plan, auquel il convient de se reporter.
Par ailleurs, il est important d’apprendre l’organisation juridictionnelle française d’une façon élémentaire, à travers un schéma synthétique, ou plus détaillé, ainsi qu’à travers le cheminement d’un pourvoi en cassation.
Le cours, structuré en douze leçons, débute par des prolégomènes. En effet, il convient d’appréhender un certain nombre de contradictions, qui n’abîment pas le droit, mais lui permettent au contraire de progresser. Ainsi le droit progresse grâce à des "couples de contraires".
Le droit est un art pratique dialectique, fonctionnant sur des couples de contraires. C’est pourquoi à la fois le droit est unifié autour de grands principes, comme celui de la légalité ou celui des droits fondamentaux, mais il est aussi marqué par le pluralisme juridique.
Cette pluralité juridique devient de plus en plus marquée. L’illustre la différence entre les systèmes de Common Law et les systèmes de Civil Law. Ainsi, dans un système de Civil Law, les règles sont posées par avance, leur interprétation étant mécanique et neutre, au centre étant la loi. Le Code civil français est l’apogée de ce système (J.Carbonnier, Le Code civil). Le plus célèbre de ses rédacteurs, Portalis, en montra l’esprit, de souplesse, de pragmatisme et de clarté, la Codification étant le chef d’oeuvre de l’art législatif, la loi abstraite étant elle-même au coeur du système juridique en ce qu’elle exprime la volonté générale (légicentrisme).
Le système de Common Law est l'inverse. Il est constitué par une accumulation de solutions particulières trouvées par les juges pour résoudre des cas concrets. Leur accumulation et des décisions importantes (précédent) font naître des règles. C’est pourquoi les juges sont des personnages très puissants dans les pays de Common Law. Ainsi les droits divergent et l’on en trouve de nombreux exemples. Par exemple, les juges anglo-saxons contraignent la victime à minimiser le dommage qu’elle a subi (mitigation), mais la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 22 janvier 2009, a refusé d’adopter la même règle. Les victimes n’ont donc pas le même sort suivant que leur situation est régie par l’un ou l’autre des systèmes.
Il faut certes relativiser une description si rapide, tout d’abord parce que l’évolution montre que les systèmes se rapprochent, les pays anglo-saxons multipliant les réglementations et les juridictions continentales devenant, de fait ou de droit, un pouvoir posant des règles comme le ferait un législateur, notamment en France en raison de la question prioritaire de constitutionnalité. En second lieu, les systèmes de Civil Law et de Common Law établissent un lien très étroit entre le Droit et la Démocratie, comme le montre notamment Habermas, ce qui n’est pas toujours partagé hors de l’Occident.
Le droit évoluant aujourd’hui très vite, dans toutes les directions et les droits nationaux interférant, l’essentiel n’est plus dans la connaissance des solutions, légales ou jurisprudentielles, multiples et mouvantes, mais dans la formulation des questions que le droit doit appréhender. Dès lors, le droit devient un outil d’innovation. Cela est vrai en matière économique (droit de la propriété intellectuelle) ou bien en bioéthique. Les discussions autour de la procréation médicalement assistée en témoignent. Dès lors que le droit touche à la formulation des questions, notamment sur l’information et la connaissance, il devient central dans les sociétés.
Par ailleurs, les systèmes juridiques sont différents parce qu’ils sont le fruit d’une histoire et d’une culture, qui sont propres à un peuple. Ainsi, le droit français est encore marqué par le droit romain. Il conserve aussi la trace du droit germanique et plus encore du droit canon. S’y sont accumulées les ordonnances royales et la Révolution française y a inséré des règles inverses, tandis que le Code civil a concilié l’ensemble. Aujourd’hui, le droit français reflète l’influence des autres systèmes, notamment nord-américain, et devient parfois le simple terrain d’application d’un droit européen, aussi bien celui de l’Union européenne que celui de l’Europe des droits de l’homme à l’élaboration duquel pourtant nos représentants participent activement.
Nous reviendrons sur la question des "espaces du droit", mais la crise financière montre la difficulté de l’Europe à exister juridiquement, faute de réalité politique et d’histoire. La difficulté s’accroît lorsqu’on envisage de construire un "droit global".
Après avoir mesuré d’une part ce rapport difficile entre systèmes de droit, alimentés par le droit que l’histoire, même balayée par des crises, est toujours conservée par le droit, il convient d’entamer un "couple de contraire", en commençant par le plus simple et le plus difficile : ce qu’est le droit et ce qui n’est pas le droit.
Pour cela, il faut dégager ce qui permet de reconnaître que l’on a affaire à du droit, et ce processus d’identification n’est pas aisé. Ainsi, les travaux de Hart porte sur ce qui permet de reconnaître ce qu’est le droit. En effet, dans une conception formaliste, assez à la française, on reconnaît le droit lorsqu’on observe une règle à laquelle le titulaire d’un pouvoir juridique a imputé un effet juridique. Il en est ainsi de l’article 1382 du Code civil. Dans une conception moins formaliste, donnant plus de pouvoir au juge, c’est le fait que celui-ci accepte de juger une situation qui la rend, par cette "contestabilité", juridique.
Ceci posé, l’on peut prendre une première forme de l’opposition entre le droit et ce qui n’est pas le droit, à savoir le "non-droit", terme inventé par le Doyen Carbonnier. Aujourd’hui, les espaces de droit, qui sont des espaces de liberté mais aussi de ce fait de violence, tendent à se rétrécir. Le droit prend possession de plus en plus d’espaces (les comportements familiaux ou religieux, par exemple) ou remplace des règles de politesse (à travers la notion de "civilité") et interfère par exemple dans les règles non-juridiques sportives, comme le montre l’arrêt d’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 29 juin 2007.
On peut se demander si le droit ne devrait pas être moins intrusif ? En tout cas, l’obsession de son effet absolu n’est pas sans danger.
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