Publication : participation dans une publication juridique collective
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, La conception renouvelée du notariat par la perspective de régulation économique, in Le droit et l'économie, 38ième congrès du Mouvement Jeune Notariat, 2007, pp.50-56.
Le notaire est à la croisée de deux qualités, à savoir son expertise dans certaines branches du droit, notamment tout ce qui touche au patrimoine et aux bien, et d'autre part, l'aptitude normative à conférer à des titres un caractère authentique. Indépendamment de toute considération historique, ils sont ainsi conformes aux impératifs des marchés, car leur rôle est d'y répondre à l'impératif de confiance, puisqu'ils créent de l'incontestabilité.
Lire le résumé de l'article ci-dessous.
Les notaires sont à la croisée de deux qualités, en tant qu’ils sont des experts de certaines branches du droit d’une part et en tant qu’ils sont aptes à délivrer de l’authenticité, c'est-à-dire de l’incontestabilité d’autre part. Les notaires sont des experts de la propriété et les marchés sont des réalités construites par le droit, à travers cet instrument qu’est la propriété, le marché lui-même finissant par devenir un bien. En outre, les notaires offrent à l’agent économique la valeur de l’incontestabilité, qui lui épargne l’incertitude des transactions marchandes.
C’est pourquoi il faut considérer le rôle des notaires au regard de l’impératif de confiance dans les marchés. Cette confiance peut naître du comportement professionnel, affaire d’information et de conseil, elle-même directement liée à la responsabilité. Plus encore, structurellement, les offreurs et les demandeurs sur un marché ne se font pas confiance l’un à l’autre et leurs intérêts sont opposés. S’il l’on veut s’épargner la solution ex post d’aller chercher un juge, la solution est alors de recourir à un notaire qui, proche en cela du modèle du juge, crée artificiellement l’incontestabilité de l’acte. En cela, les notaires sont des intermédiateurs ex ante, produisant par leur seule présence de la confiance, tant que l’Etat et l’ensemble du système juridique sont suffisamment crédible pour derrière eux assoir et valider l’incontestabilité des actes.
Cela conduit alors dans un second temps à mieux comprendre le statut des notaires au regard de la valeur économique de l’incontestabilité. En effet, les marchés se nourrissent naturellement de secrets et de risques, c'est-à-dire d’incertitudes, dont la perversion sont les bulles spéculatives.
Les multiples contrats qui accompagnent la mobilité des agents et des transactions portent en eux-mêmes la force obligatoire et en cela, sont souvent associés par image à de petites lois. Mais les contrats et les titres qu’ils engendrent sont frappés d’incertitudes si les droits qui les expriment n’existent pas. Et le marché pas plus que le seul droit des obligations ne peut protéger d’un tel risque. Plus encore, l’intervention ex post du juge, qui annule, a un effet dévastateur et en chaine sur le marché.
Le notaire, qui pose comme incontestable l’acte, devient alors comme le « régulateur particulier » de l’échange marchand. Il soustrait celui-ci au système probatoire et à la preuve diabolique de la propriété, le marché passant ainsi de l’effet destructeur de l’ex post du juge, à l’effet protecteur de l’ex ante du notaire.
C’est pourquoi cette profession, par son statut et sa puissance normative, est un outil majeur d’une régulation internationale des échanges économiques.
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