10 mars 2022

Conférences

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., "Secrets professionnels : spirale d'une importance accrue et d'un affaiblissement fulgurant", participation à la Table-Ronde sur le thème du secret professionnel, in Comité de Liaison des Institutions Ordinales (CLIO), Secret professionnel et indépendance : deux leviers, garants de l’efficacité et de la confiance envers les professions réglementées, 10 mars 2022.

Cette Table-Ronde est animé par Fabrice Lundy, journaliste à Radio-Classique ; y participent également Jean-Luc Sauron, Conseiller d'Etat et Jacques Lucas, Président de l'Agence du Numérique en Santé.

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Lire la synthèse écrite du colloque 

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 Revoir la vidéo de la table-ronde

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► Résumé de l'intervention : Le thème du secret professionnel est appréhendé comme illustration du rôle essentiel joué par les Ordres professionnels dans le monde d'aujourd'hui (le colloque traitant dans un second temps de la question de l'Indépendance). 

Avant toute participation active au débat proprement dit, l'intervention a pour utilité de présenter le Secret professionnel en lui-même, puis en quoi le monde actuel apporte des éléments nouveaux au besoin impératifs de celui-ci, dans le même temps qu'il le met particulièrement en difficulté.

 

I. LA PERMANENCE DES SECRETS PROFESSIONNELS

Le Secret professionnel, comme tout secret, porte sur une information. C'est une information qu'une personne a sur elle-même ou sur une autre, et qui potentiellement peut mettre cette personne en danger, ou la fragilise, ou l'expose, la constituant en situation de faiblesse par rapport à autrui : l'information peut concernant son état de santé, sa filiation, un acte dont un autre pourrait se prévaloir pour la punir plus tard.

Cette information, que la personne garde pour elle ou qu'elle partage avec peu de personnes, elle va la confier à un "professionnel". Pas n'importe quel professionnel : un professionnel en qui elle a confiance, non seulement parce qu'elle croît qu'il est techniquement compétent (un avocat qui connait le Droit, un médecin qui connait la Médecine) mais parce qu'elle croit qu'il va lui aussi garder pour lui cette information sur la faiblesse de son client, malgré le profit qu'il pourrait tirer de la communiquer à d'autres (presse, juge, voisin de table dans un diner, etc.). C'est donc la confiance que la personne en situation de faiblesse a dans le titre même de la personne, parce qu'il est "avocat" ou "médecin" ou "infirmier", etc., qu'il donne cette information, car il sait que parce qu'il est médecin (et pas seulement parce qu'il connait la Médecine), qu'il garde ce secret. Ainsi ce n'est pas le diplôme comme signe de compétence mais le titre comme signe d'appartenance à une profession qui garde les secrets qui est considéré : c'est pourquoi la profession va pouvoir valoriser cette garde des secrets au-delà des frontières par des associations (American Bar Association, par exemple), si elle peut crédibiliser cela (Ordre et secret sont intimes).

Le rapport que le professionnel, nouveau titulaire de l'information, a avec celle-ci découle de cela. Le professionnel est le "gardien" de l'information. Il n'en dispose pas : la personne concernée lui a confié non pas tant l'information que "la garde de l'information". Il exerce donc sur ce secret, c'est-à-dire le fait de ne pas révéler à autrui l'information, un pouvoir📎!footnote-2494. C'est pourquoi par exemple tandis que la personne concernée peut donner l'information à autrui, la presse par exemple, le professionnel, auquel elle s'était confiée, ne le peut pas. Dans la perspective du secret professionnel, dans la notion de "pouvoir", c'est la notion de "charge" qu'il faut voir, une "charge au bénéfice d'autrui"📎!footnote-2494

Cette conception juridique est stable depuis que les professions, notamment les professions libérales, existent : ce n'est pas par les compétences techniques, ni même par le lien personnel, que le secret professionnel se noue : c'est par l'appartenance à une profession : c'est donc par l'organisation même de cette profession et la crédibilité de celle-ci, le contrôle à l'entrée de qui y entre et doit en sortir en cas de manquement, l'effectivité, l'efficacité et l'efficience de la discipline. 

Tout cela n'est pas remis en cause. Au contraire, plus l'Etat a des difficultés en raison de la disparition des frontières et plus cette structure devient en pratique pertinente.

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Mais le choc vient d'ailleurs. Il faut du fait que précisément si les secrets que nous avons tous en nous et que nous voulons tous donner à garder n'ont pas changé, en revanche le monde dans lequel nous vivons a changé : ce monde est devenu numérique. 

 

II. LE CHOC DU NUMERIQUE SUR LES SECRETS PROFESSIONNELS ET L'URGENCE DE LES ACCROITRE

Or, par cette transformation totale du monde dans lequel nous vivons les secrets n'existent plus, les secrets professionnels pas moins mais pas plus que les autres.

Il faut mais il suffit qu'une "fuite" apparaisse dans l'espace digital et l'information est disponible à la fois partout et en un instant : la viralité est la loi naturelle de l'espace numérique qui recouvre le monde.

L'on peut s'en réjouir, parce que l'information est un bien commun, que nous sommes dans un marché de l'information, une économie de l'information, une société de l'information, une civilisation de l'information.

Si l'on est plus mesuré, l'on dira que certaines informations doivent être gardées par ceux qu'elles concernent et dans le cercle choisi des personnes qui ont leur confiance : c'est l'invention européenne des "données à caractère personnel", qui recoupent largement les secrets professionnels. 

Pour l'instant, le Droit tâtonne tant la situation est nouvelle ...

Tout d'abord, le Droit est dans une sorte d'adoration de l'information disponible sur tout, partout et pour tous... Il y développe des principes comme le "droit à l'information" (sans contrepartie financière), le "droit d'alerte" (vite confondu avec le droit de divulguer publiquement, qui n'existe pas ab initio n'apparaissant qu'en cas d'échec du mécanisme d'alerte, le "droit à la transparence" (qui méconnait l'idée même de droits de la défense) qui vont aller de plus en plus contre les secrets, même professionnels.  

Ensuite et surtout, la technologie numérique, qui a structuré l'espace numérique fait qu'une information à l'instant où elle est mise dans cet espace est diffusée immédiatement, partout et demeure disponible pour toujours. 

Dès lors, l'on peut toujours continuer à affirmer le principe des secrets professionnels, ceux-ci n'ont plus d'effectivité.

Or, et c'est lors le paradoxe, l'espace numérique non seulement n'a pas diminué la fragilité des personnes, fragilité compensée par la confiance dans la garde des secrets conservés par les professionnels ; au contraire le numérique a accru cette fragilité. 

Les revenge porn ou les meurtres en direct en sont un exemple : la personne est encore plus fragile dans l'espace numérique. Les "discours de haine" sont un enjeu majeur, non seulement pour la personne qui en est la victime mais pour le système lui-même puisque, comme le démontre Thimothy Snyder c'est aujourd'hui le système démocratique qui peut chuter. 

La "désinformation" peut partir d'une violation d'un secret professionnel, car il peut s'agir d'une information exacte exploitée à des fins nocives, constituant alors une infox, le conspirationnisme étant un phénomène lié au numérique.

Que peut faire le Droit ? 

Il peut aller dans deux directions :

Tout d'abord armer davantage les structures classiques : Ordres professionnels, police, Autorités de poursuites et Juridictions. 

Ensuite, internaliser dans les opérateurs numériques cruciaux, notamment les plateformes, le devoir de bloquer en Ex Ante la diffusion des informations qui doivent demeurer secrètes (données à caractère personnel, et secrets) : c'est le "Droit de la Compliance".

L'exercice de ce devoir par les entreprises numériques cruciales est lui-même supervisé par des autorités publiques : en France, la CNIL et l'Arcom. 

De nouveaux textes sont en cours d'adoption pour obliger les entreprises cruciaux de veiller à ce que les secrets ont préservés. C'est l'un des enjeux du Digital Services Act, Réglement de l'Union européenne en cours de discussion. 

L'avenir est certainement dans un rapprochement entre les structures classiques, notamment les ordres et ses Autorités publiques de supervision. 

Le Droit de la Compliance, nouvelle branche du Droit Ex Ante qui concrétise la garde des secrets peut être une solution dans cette situation à la fois très nouvelle et très préoccupante. 

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► aller à la présentation d'une précédente participation au colloque annuel du CLIO : La déontologie professionnelle dans un monde ouvert et concurrentiel 

► voir la publication qui s'en suivit. 

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► pour aller plus loin : 

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, in Frison-Roche, M.-A., 📕Les outils de la Compliance, 2021

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A.,💬 "Et si le secret de l'avocat était l'allié de la lutte contre le blanchiment ?", 2020

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Avocats et Ordres au 21ième siècle2017

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Secrets professionnels, 1999

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Déontologie et discipline des professions libérales1998

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👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 🚧 Concevoir le pouvoir, 2022. 

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👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 🚧 Concevoir le pouvoir, 2022. 

24 juin 2021

Compliance : sur le vif

  Le Droit de la Compliance est avant tout une gestion du temps. C'est pourquoi il est situé en Ex Ante, avant que les catastrophes n'arrivent, dans le but qu'elles n'arrivent pas, pour intervenir au moins à temps pour briser l'effet domino. C'est pourquoi l'on a internalisé dans les entreprises la concrétisation de Buts Monumentaux dont l'atteinte était jusqu'ici l'affaire des Etats. Ce n'est pas pour autant que l'Ex Post n'est pas pertinent. Ne serait-ce que parce qu'il est le plus légitime. Il en est ainsi des juges. Ce qui vient d'arriver à Rudy Giuliani l'illustre parfaitement.

Le 24 juin 2021, la Cour suprême de l'Etat de New-York a rendu sa décision concernant Rudy Giuliani (➡️⚖️Supreme Court of the State of New York Appellate Division, First Judicial Department, 24 juin 2021, Giuliani )

Rudy Giuliani, qui fut procureur fédéral, puis maire de New-York, puis conseil du Président Donald Trump, puis avocat a été condamné à la suspension provisoire de sa licence professionnelle dans l'Etat de New-York (➡️📝New York Times Court Suspends Giuliani's Law License, citing Trump Election lies, 24 juin 2021). 

L'arrêt cite les événements insurrectionnels du Capitol et s'appuie sur un comité d'appréciation déontologique de la conduite que les avocats doivent avoir. On relève en effet en premier lieu la convergence dans la motivation des décisions prises entre l'entreprise Facebook à l'égard de Donald Trump, la structure professionnelle à laquelle Rudy Giuliani appartient et la décision de la juridiction étatique (I).

L'articulation se fait plutôt dans le temps (II). D'abord l'entreprise qui intervient au plus vite, car il faut agir (mais pour agir, il faut aussi juger...) ; puis la profession (et ici l'intéressé appartient à une profession réglementé mais c'est bien au nom de "l'intérêt public général" que la sanction sera prononcée), rien ne pouvant échapper à la validation ou remise en cause in fine du Juge (II). 

 

 

I. L' articulation des principes substantiels mis en oeuvre par l'Entreprise, la Juridiction et la Régulateur professionnel

Dans un Etat de Droit, les principes fondamentaux sont les mêmes pour les sujets de droit (les entreprises étant des sujets de droit comme les autres), les corps intermédiaires (comme les ordres professionnels), les juridictions et les Etats.

Dans un Etat de Droit, la vérité est gardée d'une façon élémentaire par le Droit et la désinformation est sanctionnée.

Ainsi, même si la puissance de la liberté d'expression aux Etats-Unis a une puissance constitutionnelle à nulle autre pareille, la "désinformation" n'étant pas sanctionnée en tant que telle, la voie juridictionnelle de l'action en diffamation permet d'obtenir protection contre des pratiques de désinformation massive.

Même si des historiens se sont inquiétés de la faiblesse paradoxale  des Etats-Unis en raison de son système juridique (see 💻Snyder, T., The State of Our Democracy, 2021) des professeurs de droit d'Harvard sont intervenus pour expliquer que l'on ne pouvait pas soutenir n'importe quoi, l'action en diffamation permettant de réagir.

C'est notamment cette voie qui avait été utilisée en janvier 2021 contre Rudy Giuliani (➡️📝NYT, Rudy Giuliani sued by Dominion Voting Systems over False Election Claims) pour avoir déclenché une campagne virale de désinformation à propos de ce qui était présentée comme un résultat inexact dans les résultats de l'élection présidentielle.

C'est donc bien la "désinformation" qui est sanctionnée.

Elle a été également par les entreprises numériques systémique que sont Google, Twitter, Facebook et Instagram, qui ont désactivé les comptes de Donald Trump, l''autre acteur.

Mais en outre, Rudy Giuliani est un avocat.

A ce titre, ce qu'il fait engage l'honneur de sa profession. Il a donc vocation à faire l'objet de poursuite disciplinaires et fait l'objet 

C'est pourquoi la juridiction de l'Etat de New-York a pris conseil auprès d'un "comité déontologique".

Au regard notamment des conclusions de celui-ci, la juridiction étatique que les fausses déclarations faites ont terni l'entière réputation de la profession d'avocat. Cela a justifié sa suspension dans l'Etat de New-York. Cette suspension est temporaire (les poursuites proprement disciplinaires vont commencer).

Mais par ailleurs, la Cour estime que la conduite déontologiquement reprochable à "directement" accru les tensions qui ont conduit aux violences des événements du Capitol. 

En prenant une telle justification, la Cour opère la jonction d'une part avec l'autre personnage que Rudy Giuliani conseillait, Donald Trump, mais surtout avec la décision prise par les entreprises privées, qui ont suspendu les comptes de celui-ci.

Ainsi, au nom des mêmes principes, l'ordre public et le respect de la vérité, la juridiction en se connectant par sa motivation et aux entreprises qui avaient agi avant et à l'organe disciplinaire qui interviendra après, a montré la cohérence du système juridique américain.

 

II.  L'articulation dans le temps entre les entreprises cruciales, les juridictions et les professions

La difficulté vient plutôt de l'articulation dans le temps.

En effet, dans ce cas de Donald Trump qui, notamment juridiquement conseillé par Rudy Giulani, affirma que les élections avaient été volés, ce qui contribua à un début d'insurrection et des émeutes au Capitole, la question est le temps de réaction et la modalité de réaction.

Le premier type d'entités à réagir a été les entreprises digitales systémiques : Google, Twitter, Facebook.

La modalité a été la suppression des comptes de Donald Trump, avec comme justification l'incitation à la déstabilisation et à la guerre civile.

Contrôlant ainsi les "discours de haine", en Europe sur ordre de la loi, aux Etats-Unis en se prévalant d'une Corporate Social Responsabilité (CSR), 

En cela, l'entreprise est donc instituée "Juge et procureur d'elle-même" par le Droit de la Compliance, parce qu'elle est en position d'agir au bon moment, c'est-à-dire immédiatement (v. ➡️📅  colloque Journal of Regulation & Compliance et Faculté de Droit Lyon 3,  L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-même , in La juridictionnalisation de la Compliance, 2021).

Il est remarquable que, malgré toutes les critiques qu'on peut légitimement en faire (v. par ex. Heymann, J., La nature juridique de la "dite" Cour suprême de Facebook, in L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-mêmepréc.) cette juridictionnalisation fonctionne, dès l'instant que les principes processuels sont respectés (v.➡️📝Frison-Roche, M.-A., Le jugeant-jugé: articuler les mots et les choses pour surmonter l'éprouver conflit d'intérêts des entreprises instituées juges et procureurs d'elles-mêmes, in ➡️📕 La juridictionnalisation de la Compliance, 2022).

 

Mais in fine la décision est toujours revenir aux juridictions et les systèmes tiennent avant tout sur la probité des personnes, lesquelles s'ancrent le plus solidement dans des "professions".

Ce qui remarquable dans le cas présent, c'est que l'on a pu "attendre" le temps de la justice, parce que la sanction du conseiller - et sa neutralisation par une interdiction d'exercer - est moins urgente que la neutralisation de Donald Trump sur les réseaux sociaux. Leur pouvoir d' "influenceur n'est pas le même.

 

Il est pourtant remarquable que si la juridiction a pris soin de s'appuyer sur l'avis d'un "comité déontologique", elle n'a pourtant pas attendu la sanction disciplinaire proprement dite.

Celle-ci viendra plus tard.

La justice elle-aussi, avant tout sensible au temps a donc prononcé pour l'avance : une suspension "provisoire". De la même façon que l'on a souvent dit que fermer un compte dans l'espace digital était une peine capitale, l'on peut considérer qu'une suspension professionnelle était, même sous forme "provisoire" une peine capitale pour un professionnel. 

L'on mesure ici que les professions, ici la profession d'avocat, sont centrales dans les mécanismes de Compliance.  Effectivement, plus les Etats seront fragilisés par leur rapport naturel avec la "frontière" et plus la notion technique de "profession", qui n'a pas ce rapport naturel, devra être développée.
Or, supervisée par le Juge, une profession a en son cœur la déontologie. Celle-ci même que le Juge a, par anticipation, pris comme base pour sanctionner pour l'avenir le conseiller d'un président immédiatement écarté par l'entreprise systémique. 

 

Ainsi, tant qu'entreprises cruciales, structures professionnelles et juridictionnelles s'ajustent sur le fond, l'ajustement dans le temps peut fonctionner, par anticipation et rétroaction.

 

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9 octobre 2020

Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation

Référence complète : Frison-Roche, M.-A.,Secret professionnel de l'avocat & mécanisme de filtre en équilibre avec la lutte contre le blanchiment d'argent: l'analyse constitutionnelle en faveur du secret des avocats (Attorney's Professional Secret & Filter mechanism in balance with fighting Money Laundering: constitutional analysis in favor of Attorney's Secret, in Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation), 9 octobre, 2020.

 

Résumé de la News :

Par son arrêt du 24 septembre 2020, la Cour constitutionnelle de Belgique a rendu un arrêt essentiel qui considère que :

  • le Droit de la Compliance qui impose aux opérateurs des obligations pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme est un Droit qui s'analyse à partir de ces buts ;
  • la loi de transposition est plus "large" que les textes européens transposés puisqu'elle s'ancre dans la Constitution;
  • les dispositions de la loi imposant la déclaration de soupçon à un employé de l'avocat ou à un Compliance Officer à propos d'une information couverte par le secret professionnel de l'Avocat, socle de la Démocratie, doivent donc être annulées.

Ce raisonnement est remarquable et très solide.
Il n'est pas propre à la Belgique.

 

Leçons à tirer 

  • l'interprétation constitutionnelle du Droit communautaire de la Compliance est autonome de ce Droit communautaire car il comprend plus fortement la protection de la personne, laquelle est le cœur du secret professionnel de l'avocat" ; en cela la Cour constitutionnelle rejoint par exemple le rapport du Comité économique et social européen du 18 septembre 2020 qui fonde l'Union européenne sur l'État de Droit ; 
  • le secret de l'avocat, même s'il est restreint à son activité de défense, dès l'instant que celle-ci est concerné, couvre totalement l'information, même si elle est détenue par une autre personne : c'est le critère de l'activité qui prévaut, à la fois pour la restriction (quant à l'activité) mais aussi pour l'élargissement (quant aux personnes) ; 
  • l'avocat n'est pas perçu comme un opposant dans la lutte contre le crime, mais comme un allié, puisque la Cour souligne l'absurdité de le sanctionner en l'obligeant à dénoncer alors qu'il a convaincu son client à renoncer à son projet criminel ; il faut cesser d'opposer protection des personnes et lutte contre la criminalité ;
  • le Droit constitutionnel est en train, comme aux États-Unis, de devenir majeur en Droit économique et financier.

 

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10 août 2015

Blog

Les deux arrêts que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendus le 3 juillet 2015 à propos de la transcription sur l'état civil français des filiations des enfants issus de convention de gestation pour autrui réalisées à l'étranger sont laconiques.

Pour les comprendre, on peut recourir à la technique traditionnelle consistant à en rechercher le sens, la valeur et la portée.

Pour les apprécier, on peut les lire d'une façon politique, consistant à se demander si la Haute Juridiction n'a pas pris la place du Législateur, jeu de pouvoirs.

Mais si la voie pour lire sous les quelques lignes qui composent ces deux arrêts n'était pas plus simplement encore de se reporter à l'audience qui s'est tenue le 19 juin 2015 ?

D'une façon plus générale, même devant la Cour de cassation les audiences sont instructives.

Celle du 19 juin 2015!footnote-207 le fût d'une façon exemplaire.

Il convient d'y prendre au passage une leçon de rhétorique. Rhétorique où l'habilité fût si grande dans ce qui était dit, autour de la proposition du Procureur général de vérifier la réalité biologique du lien entre l'homme et l'enfant qu'il déclenche comme son fils et sa fille. Rhétorique  qui attend son apogée en ce que jamais ne fût discutée la solution européenne de donner effet aux convention de GPA, qui ne fût contestée ni par le Procureur général ni par l’État français qui choisit de se taire.

Sous couvert d'opposition, voire d'éclats, ce fût en réalité une unisson qui marqua une audience où aucune voix n'a soutenu le principe d'indisponibilité des corps, le fait que les femmes ne sont pas à vendre et les enfants ne peuvent être cédés. En sortant de l'audience, le sort des femmes et des enfants était scellé.

30 janvier 2015

Enseignements : Participation à des jurys de thèses

► Référence  : Frison-Roche, M.-A., rapporteure et membre du jury de la thèse de Wilfried Bigenwald, La responsabilité des ordres professionnels du fait de leurs membres : fondement et régimeUniversité Aix-Marseille III,  30 janvier 2015. 

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Le travail de thèse a été débutée sous la direction de Christian Atias et poursuivi sous la direction de Frédéric Rouvière

Résumé de la thèse : La thèse a pour principal objectif d'imaginer que sur le seul fondement du principe général de la responsabilité du fait d'autrui, selon l'article 1384, al.1 du Code civil, un ordre professionnel pourrait être responsabilité du fait des fautes commises par ses membres au détriment de leurs clients.

Ainsi, non seulement la situation de ces clients en serait renforcée par un mécanisme s'apparentant à une garantie, par une responsabilité de second rang, mais encore la responsabilité de l'ordre inciterait celui-ci à exercer sur ses membres une discipline qui doit s'accroître, une action de formation, etc., qui donnera à l'ordre toute la place qui doit prendre à l'avenir.

► Autres membres du jury :   

  • Lombard, F., S., professeure l’Université d'Avignon, rapporteur
  • Ricci, J.-Cl, professeur l’Université Université Aix-Marseille III, directeur de la thèse ; 
  • Rouvière, F., professeur à l’Université Université Aix-Marseille III, directeur de la thèse; 
  • Robert, J.-H., professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), directeur de l'Institut de criminologie. 

 

► Lire le résumé et la table des matières  de la  thèse

 

Au terme de la soutenance, le candidat a obtenu le titre de docteur en droit. 

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9 octobre 2014

Publications

L'avocat s'est construit, se définit et continuera de se définir par sa déontologie, dont l'Ordre est le concepteur et le gardien.

Cette déontologie a en son coeur l'indépendance de l'avocat, une indépendance qui le marque et le distingue.

Cette force explique l'intimité qui existe entre l'avocat et l'Ordre auquel il appartient et dont il dépend, les règles que l'Ordre lui applique devant lui demeurer intimes.

Cela n'empêche en rien que le droit a une valeur économique et que le cabinet d'avocat est une entreprise, rendant un service et supportant des coûts. Plus encore, la rentabilité de cette entreprise est d'autant plus nécessaire que l'avocat doit, par devoir et donc par nature, assurer des tâches qui ne sont pas rentables, comme l'aide au plus faible.

C'est pourquoi les enjeux de la profession d'avocat sont les mêmes que les enjeux des Ordres : il s'agit de développer l'esprit d'entreprise dans tous les cabinets d'avocats, que l'Europe les porte et que les technologies les aide. De la même façon, les Ordres doivent permettre aux avocats de demeurer ce qu'ils sont par essence sans en mourir économiquement, c'est-à-dire ceux qui défendent et conseillent en échange de rien ni dépendre de personne. Cela nécessite un dialogue renouvelé aussi bien avec les compagnies d'assurance qu'avec les pouvoirs publics, l'aide juridictionnelle autant aussi bien question d'argent que question de valeur fondamentale.

3 octobre 2013

Conférences

Lire l'intervention.

 

L'ensemble des travaux  a donné lieu à la publication d'un ouvrage, paru aux Éditions Dalloz, dans la collection "Thèmes et Commentaires", Avocats et Ordres du 21ième  siècle.

3 octobre 2013

Organisation de manifestations scientifiques

La Conférence Générale des Bâtonniers a consacré l’année 2013 à élaborer un travail collectif sur l’organisation ordinale de la profession d’avocat, son état actuel et son avenir. 4 commissions ont plus particulièrement travaillé sur les questions de la dématérialisation, de l’Europe, de la valorisation de la prestation de l’avocat et les rapports entre l’avocat et l’entreprise. Ces thèmes ont été choisis par la Conférence en ce qu’ils sont les plus actuels, les plus problématiques et ce sur quoi il faut que les structures ordinales décident pour l’avenir.

Les rapports ont été soumis à l’ensemble des Conseils des Ordres via le site de la Conférence avant la tenue des États Généraux, durant lesquels ils seront présentés et débattus.Cette journée d'États Généraux est le résultat de tout ce travail.

Il s'est agi ici de "modérer" les échanges et les débats de l’ensemble de la journée, avant que le président de la Conférence Jean-Luc Forget n’en fasse la synthèse.

Lire la présentation générale de la manifestation, telle qu'elle a été publiée par la suite dans la presse.

Se reporter à l'intervention de synthèse faite par Marie-Anne Frison-Roche.

L'ensemble de ce travail a abouti à un ouvrage : Frison-Roche, M.-A. et Forget, J.-L. (dir.), Avocat et Ordre du XXIième siècle, 2014.

 

9 juillet 2013

Publications

 Référence complète : Frison-Roche, M.A., La déontologie dans un monde ouvert et concurrentiel, in Servir le public au XXième siècle : les institutions ordinales plus utiles que jamais, CLIO, 2013, p.56-61.

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Lire l’intégralité de la publication.

Lire l'article de synthèse rédigé par les organisateurs.

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lire ci-dessous la contribution proprement dite, constituant la synthèse des travaux ⤵️

31 décembre 2012

Blog

L'impartialité du juge est la première exigence de notre État de droit. Elle a valeur constitutionnelle. L'impartialité est tout à la fois un principe et un droit subjectif, puisque, du fait notamment de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, "chacun a [droit à un tribunal impartial".

A partir de là, on écrit article sur article, on proclame déclaration sur déclaration, on affirme qu'on confère à chacun la protection de ce droit fondamental. 

Mais ensuite, quand on arrive sur le terrain, les choses peuvent se retourner, et d'une terrible façon.

En effet, dans cette affaire, l'avocat Maître Alexis Dubruel tenta la récusation de ce juge en formant le 31 octobre 2012 une requête en ce sens devant la Cour d'appel de Lyon. An affirmant que le juge était partial du seul fait que son patronyme est "Lévy" et que le père d'une des parties a pour prénom "Moïse", il montra son antisémitisme et demanda à la justice de l'endosser. 

28 février 2011

Interviews

Référence complète : La gouvernance en question, Journal des Bâtonniers, n°9 novembre-décembre-janvier 2010-2011, p. 12-13.

Cet entretien porte sur l’organisation présente et future des ordres d’avocats. Après avoir défini leur rôle de gouvernance et de régulation de la profession, est examiné le rapport de l’avocat au marché et la conséquence de l’Ordre défini comme garant d’une crédibilité professionnelle, basée sur une déontologie, qui assoit la confiance, valeur première sur un marché. Sont ensuite examinés les débats actuels de dimension des ordres, de mutualisation des moyens, etc.

Accéder à l'interview.

Accéder à une présentation plus générale.

 

Lire une présentation plus détaillée ci-dessous.

 

3 septembre 2010

Conférences

C’est à partir de l’identité de l’avocat, telle qu’elle est actuellement et telle que les avocats veulent eux même qu’elle se profile que la profession doit se dessiner et se gouverner.

Par un mouvement en retour, la gouvernance de la profession s’appuie sur la notion très particulière de profession, groupe de personnes qui se reconnait comme appartenant à un ensemble distinct des acteurs atomisés de la société générale ou du marché par l’adhésion, à un ensemble de valeur, notamment déontologique.

Ainsi, les ordres et les structures d’enseignement doivent inculquer aux jeunes avocats l’idée même de leur identité et le sentiment d’appartenance à une profession, laquelle ne les conduit en rien à être hors marché, mais bien au contraire à constituer par ses valeurs morales de crédibilité un tiers de confiance.

Les ordres sont donc des sortes de régulateurs de la profession mettant en équilibre une organisation interne la plus efficace possible et une action économique externe la plus bénéfique possible tant que cela ne porte pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux car avant tout l’avocat a pour identité d’être, comme le juge, celui qui défend le faible et, y compris contre l’État les droit et libertés fondamentaux.

Regarder les slides ayant servi de support à la conférence.

Cette conférence à servi de support à un entretien dans Le Journal des Bâtonniers de novembre-decembre-janvier 2010 :  lire l'article,

Lire ci-dessous un développement du thème.

23 juin 1999

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Secrets professionnels, collection "Essais", Édition Autrement, 1999.

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Présentation générale de l'ouvrage : Le secret professionnel, obligation de se taire et droit au silence, se heurte à l’évolution de la société parfois dépassée par les technologies qui lui font oublier les libertés des individus. Il s’oppose au mythe de la société de l’information, et à celui de la transparence. Le secret professionnel a pour but de réconcilier les personnes avec la société, et il donne au professionnel un rôle de garant de la démocratie, "ce système qui laisse vivre l’individu dans le collectif". Les frontières entre le public et le privé nécessitent une détermination sociale, mais elles sont fluctuantes dans l’histoire et selon les cultures