Base Documentaire : 07. Cours d'appel

Référence : Grenoble, 5 nov. 2020, I.D. c/ Société Corin France

Lire l'arrêt. 

Base Documentaire : Doctrine

Référence Complète : Europe Economics, Etat des lieux et perspectives des programmes de conformité, Etude réalisée pour le Conseil de la Concurrence, 2008.

 

Lire l'étude. 

18 octobre 2023

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

► Référence complète : Cass. Soc., 18 oct. 2023, n° 22-18.678

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25 avril 2023

Interviews

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche et M. Boissavy, "Enquêtes internes : une activité en plein développement pour les avocats", entretien avec Miren Lartigue, Gazette du Palais, 25 avril 2023.

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💬lire l'entretien

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 Présentation de l'entretien par le journal : "Inspirées des Anglo-saxons et boostées par la loi Sapin II du 9 décembre 2016, les enquêtes internes sont de plus en plus utilisées par les entreprises françaises pour vérifier la réalité de pratiques douteuses en leur sein, découvertes ou alléguées. Parce qu’il s’agit d’un nouveau champ d’activité pour les avocats, le Conseil national des barreaux (CNB) y a consacré une journée lors de son colloque organisé les 20 et 21 avril 2023 sur le thème « Avocat et droits de la défense dans les enquêtes internes et la justice négociée », qui a réuni 750 participants sur deux jours. Matthieu Boissavy et Marie-Anne Frison-Roche, qui ont participé à l’organisation de cet évènement, nous expliquent les contours de ce nouveau métier."

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► Questions posées : 

  • Quels sont la place et le rôle de l’avocat dans les enquêtes internes et pourquoi le CNB a-t-il souhaité organiser une journée consacrée à ce sujet ?
     
  • Quel est leur rôle dans la réception des alertes ?
     
  • Et dans l’enquête interne proprement dite ?
     
  • Quelle est la complémentarité de l’avocat avec le juriste interne ?
     
  • Quels sont outils utilisés pour le calcul des préjudices, la collecte et le traitement des données ?
     
  • Comment s’applique la déontologie de l’avocat ?
     
  • Et qu’en est-il des droits de la défense ?
     
  • Quelle est l'étendue du secret professionnel de l’avocat ?

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14 février 2023

Base Documentaire : 05.1. CEDH

► Référence complète : CEDH, Grande chambre, 14 février 2023, Halet c. Luxembourg, n° 21884/18.

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► Lire l'arrêt 

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► Voir l'arrêt de la 3ième section du 11 mai 2021 renversé par cet arrêt.

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Mise à jour : 1 septembre 2022 (Rédaction initiale : 4 novembre 2021 )

Publications

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 413-436.

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Si l'on reprend techniquement les outils juridiques de Compliance et qu'on les confronte au souci que le Droit doit avoir de la  Compétitivité des entreprises, il faut que ces instruments juridiques n'y nuisent pas parce que le Droit de la Compliance, en raison de ses ambitions immenses, ne peut fonctionner que par une alliance entre des volontés politiques aux grandes prétentions (sauver la planète) et les entités qui sont aptes à concrétiser celles-ci (les opérateurs économiques cruciaux) : la volonté politique puisant dans la puissance des entreprises, il serait contradictoire que les instruments juridiques mis en place par le Droit nuisent à l'aptitude des entreprises à affronter la compétition économique mondiale, ou pire favorisent des compétiteurs internationaux relevant de système juridiques n'intégrant pas ses instruments du Droit de la Compliance.  

À partir de ce principe, l'on peut porter une appréciation sur ces deux techniques que sont le lancement d'alerte et l'obligation de vigilance : les deux consistent à capter de l'information, ce qui leur donne une forte unicité et les insère dans la compétition mondiale pour l'information.

Si l'on prend tout d'abord le lancement d'alerte, il apparaît que le premier bénéficiaire de celui-ci est l'entreprise elle-même puisqu'elle découvre une faiblesse et peut donc y remédier. C'est pourquoi qu'au-delà du principe de protection du lanceur d'alerte par l'accès de celui-ci au statut légal conçu par la loi dite "Sapin 2", il est critiquable que toutes les incitations ne sont pas mises en place pour que le titulaire d'une telle information la transmette au manager et que la loi, même après la transposition de la directive européenne de 2019, continuera d'exiger l'absence de contrepartie, la figure "héroïque du lanceur d'alerte et le refus de sa rémunération privant l'entreprise d'un moyen d'information et d'amélioration.  Mais la législation française a au contraire développé la bonne incitation quant à la personne à laquelle l'information est transmise car en obligeant à transmettre d'abord au manager, la transmission externe intervenant si celui-ci ne fait rien, l'incitation est ainsi faite au responsable interne d'agir et de mettre fin au dysfonctionnement, ce qui accroît la compétitivité de l'entreprise. 

Plus encore et même si cela paraît contre-intuitif, l'obligation de vigilance accroît fortement la compétitivité des entreprises qui y sont soumises. En effet la Loi en les obligeant à prévenir et à lutter contre les atteintes aux droits humains et à l'environnement leur a tacitement donnés tous les pouvoirs nécessaires pour le faire, notamment le pouvoir de capter des informations sur des entreprises tierces, y compris (voire surtout) celles qui ne sont pas soumises à des obligations de transparence. En cela, les entreprises, en tant qu'elles sont à ce titre responsables personnellement, détiennent un pouvoir de supervision sur d'autres, pouvoir qui permet de mondialisation le Droit de la Compliance et qui, au passage, accroît leur propre puissance. C'est pourquoi l'obligation de vigilance est à bien des égard une aubaine pour les entreprises qui y sont soumises.  La reprise du mécanisme par la prochaine Directive européenne, elle-même indifférente au territoire, ne fera que renforcer ce pouvoir global des entreprises vigilantes sur des entreprises éventuellement étrangères qui en deviennent les sujets passifs.

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16 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Fr. Drummond & J. Icard, "Le nouveau cadre légal des lanceurs d’alerte", JCP E, n° 24, 16 juin 2022, étude 1213, pp. 19-21

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Cet article constitue l'avant-propos d'un dossier consacré à la transposition en droit français de la directive européenne 2019/1397 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

📙Consulter une présentation des autres articles du dossier : 

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► Résumé de l'article

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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16 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Th. Saupin, "L’articulation entre le dispositif commun et les dispositifs sectoriels, l’exemple du droit bancaire et financier", in Fr. Drummond & J. Icard (dir.), Le nouveau cadre légal des lanceurs d’alerteJCP E, n° 24, 16 juin 2022, étude 1216, pp. 35-39

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► Résumé de l'article (fait par l'auteure) : "La loi du 21 mars 2022, qui transpose la directive Lanceurs d’alerte, est venue renforcer la protection du lanceur d’alerte, elle tente également de l’articuler avec les dispositifs sectoriels existant dans les domaines bancaires et financiers.".

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16 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : S. Riancho, "Les sanctions des atteintes au lanceur d’alerte", in Fr. Drummond & J. Icard (dir.), Le nouveau cadre légal des lanceurs d’alerteJCP E, n° 24, 16 juin 2022, étude 1215, pp. 28-34

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 a procédé à une transformation du droit applicable aux lanceurs d’alerte, et entendu améliorer leur protection. C’est cette nouvelle protection, face aux atteintes dont les lanceurs d’alerte pourraient être victimes, qui fera l’objet d’un approfondissement dans les lignes à suivre.".

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16 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : M. Pellissier & S. Cheikh, "Du nouveau domaine de la protection du lanceur d’alerte et de quelques difficultés d’articulation avec les dispositifs de droit du travail", in Fr. Drummond & J. Icard (dir.), Le nouveau cadre légal des lanceurs d’alerteJCP E, n° 24, 16 juin 2022, étude 1214, pp. 22-28

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "Les modifications apportées au domaine de la protection du lanceur d’alerte seront présentées en portant une attention particulière à l’articulation du dispositif de droit commun et des dispositifs d’alerte intéressant le droit du travail.".

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16 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : J.-B. Barbièri, "Lanceur d’alerte et droit des sociétés", in Fr. Drummond & J. Icard (dir.), Le nouveau cadre légal des lanceurs d’alerteJCP E, n° 24, 16 juin 2022, étude 1217, pp. 40-44

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "Cette étude revient sur trois séries de questions soulevées par le nouveau statut du lanceur d’alerte issu de la loi du 21 mars dernier, à savoir les acteurs sociétaires bénéficiaires du statut de lanceur d’alerte et l’articulation du régime posé par la nouvelle loi avec des règles sociétaires et des dispositifs d’alerte existants.".

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7 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : F. Barrière, "Vers davantage d'alertes professionnelles : un nouveau paradigme à anticiper pour les entreprises", Revue des sociétés, 2022,  p. 327-334.

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 Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "La protection des lanceurs d'alerte a récemment été renforcée - par deux lois qui entreront en vigueur le 1er septembre 2022 -, à l'occasion de la transposition de la directive (UE) n° 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union, signe qu'un tel lanceur d'alerte est de nature à participer à la défense de l'intérêt général, voire d'être un participant clé de la démocratie contemporaine au niveau de chacun des États de l'Union européenne. Le droit français, tel qu'issu de la loi dite « Sapin 2 », semble l'avoir au demeurant en partie inspiré ; il est néanmoins modifié sur plusieurs aspects. La définition du statut d'alerte est élargie, les canaux de signalement ne sont plus hiérarchisés, les facilitateurs des opérations de signalement seront considérés, la liste de représailles prohibées est étendue, les mesures de protection au bénéfice du lanceur d'alerte sont renforcées, avec également un possible recours au Défenseur des droits ou encore une aide financière en cas de procédure « baillon » destinée à dissuader un lanceur d'alerte. Modifications de la définition du lanceur d'alerte, des procédures de signalement et des mesures de protection sont donc au coeur de la nouvelle législation. À côté des incitations, parfois obligations, des entreprises à s'auto-dénoncer auprès de certaines autorités (notamment étrangères mais également auprès du procureur en cas de suspicion de corruption internationale), existe maintenant une probabilité plus forte qu'une irrégularité au sein d'une entreprise fasse l'objet d'une alerte, du fait de ce cadre législatif renforcé. Signe d'un changement de paradigme, les entreprises auront à anticiper et gérer le risque d'alerte, d'autant plus que dorénavant une protection légale est accordée au lanceur d'alerte de faits illicites recueillis dans le cadre professionnel, sans qu'il n'ait à respecter un ordre de priorité interne dans le signalement effectué."

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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15 février 2022

Compliance : sur le vif

Mise à jour : 5 février 2022 (Rédaction initiale : 10 octobre 2021 )

Publications

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale, document de travail, oct. 2021 et février 2022.

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🎤 Ce document de travail a servi de base à une conférence, dans le colloque Effectivité de la Compliance et Compétitivité internationale, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et le Centre de recherche en Droit et en Économie de l'Université Panthéon-Assas (Paris II), se tenant le 4 novembre 2021, Salle des Conseils, Université Panthéon-Assas (Paris II). 

Il a été mis à jour en février 2022, car portant en grande partie sur le mécanisme du lancement d'alerte, tel que notamment organisé par la loi française du 9 décembre 2016, dite "Sapin 2", pour tenir compte des changements dans le mécanisme légal apporté par la loi du ... février 2022 transposant la directive européenne du 23 octobre 2019. 

🚧Il est corrélé à un second document de travail ayant pour thème : Le principe de Proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance, également préparé pour ce colloque.

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📝Ce document de travail mis à jour constitue aussi la base d'un article, Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale, qui sera publié

📕dans sa version française dans l'ouvrage Les buts monumentaux de la Compliancedans la collection 📚Régulations & Compliance

 📘dans sa version anglaise dans l'ouvrage Compliance Monumental Goalsdans  la collection 📚Compliance & Regulation

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► Introduction et Résumé du document de travail : Les "outils de la compliance" sont très divers 📎!footnote-2327. S'il a été choisi de traiter ici plus particulièrement le lancement d'alerte et l'obligation de vigilance, ces mécanismes-là plutôt que d'autres, et de les réunir tous deux bien qu'issus de lois différentes 📎!footnote-2328  - le lancement d'alerte étant issu de la loi dite "Sapin 2" de 2016, recopié du Droit américain tandis que l'obligation de vigilance, apparue dans la loi dite "Vigilance" de 2017 est une invention du législateur français désormais recopiée par d'autres -, c'est parce qu'ils présentent  une unité au regard du sujet spécifique ici retenu, à savoir "la compétitivité internationale", - compétitivité internationale des entreprises et compétitivité internationale de la zone économique et du système juridique dont elles relèvent économiquement, les deux étant indissociables  📎!footnote-2325 - : cette unicité vient du fait que ce sont deux mécanismes qui font sortir de l'information. 

Sur ordre de ces deux Lois, l'entreprise va non seulement cesser d'ignorer ce qu'elle recouvrait peut-être du mouchoir que Tartuffe lui tendait ou qu'une conception traditionnelle du Droit des sociétés lui permettait légitimement d'ignorer mais encore elle va désormais elle-même rechercher la vérité plus profondément et au loin, incitant ceux qui la détiennent à la lui transmettre (lanceurs d'alerte), allant elle-même au plus près de là où il y a un risque (devoir de vigilance, voire obligation de vigilance). En cela, sous une forme subjective, le personnage du lanceur d'alerte, et une forme objective, l'obligation de regarder, l'unité est très forte. 

Il ne s'agit pas ici d'examiner si cette révolution que le Droit de la Compliance provoque dans le système juridique est d'une part légitime 📎!footnote-2324 et d'autre part effective, mais d'essayer de mesurer ce qu'il en est au regard de la "Compétitivité internationale". 

Est-ce que ces deux mécanismes nouveaux, qui accroissent l'information sur ce qui se passe, handicapent l'entreprise en compétition avec des entreprises qui n'y sont pas soumises (c'est souvent présenté ainsi 📎!footnote-2331) ? ; est-ce que cela est neutre ? Ou est-ce que cela pourrait leur est favorable ?

Au-delà des généralités comme quoi il serait toujours profitable de respecter le Droit, comme il serait toujours coûteux de risquer une condamnation pour ne pas l'avoir fait, c'est plutôt par un examen de l'instrument technique pris en tant que tel et sous le seul angle économique que l'on peut avancer.

Le Droit de la Compliance sera donc ici examiné à travers ses deux instruments techniques précités pour mesurer si leur effectivité doit avoir aussi pour coût une compétitivité moindre des entreprises qui doivent les respecter et les mettre en oeuvre. S'il devait en être ainsi, dans un martyr de la vertu, l'on peut encore dans un second temps l'assumer, parce que les Autorités publiques, voire les entreprises, peuvent exprimer la prétention de défendre un certain modèle de société. Ce modèle de société devant être défendu "à tout prix", ou à tout le moins pouvant justifier un "certain prix". Mais même la première partie de l'assertion, - selon laquelle les mécanismes de l'alerte et de la vigilance sont économiquement défavorables pour les entreprises qui les mettent en place face à des compétiteurs internationaux non-astreints -, n'est pas acquise.

On entend certes souvent la plainte selon laquelle les Autorités publiques fixent, par ce qui serait un mélange de naïveté et de suffisance, des prétentions immenses, comme la protection des êtres humains, la solidarité, la transition énergétiques, l'évitement de la crise climatique tandis que ce serait les entreprises qui signeraient la facture correspondant à un tel menu.

Le principal reproche n'est pas le coût en soi mais le fait que le bénéfice ainsi produit bénéficie à tous alors que le coût n'est supporté que par quelque uns, les charges de compliance étant supportées par des opérateurs en compétition avec d'autres opérateurs qui non seulement ne contribuent pas à cette charge mais encore bénéficient des effets produits, par exemple en matière climatique. D'une façon générale, l'action contrainte de quelques entreprises assujetties produit des bénéfices communs bénéficiant à d'autres qui n'ont pas fait d'investissements, alors que tous sont compétiteurs.

Le Droit de la Compliance favorise donc des comportements de passagers clandestins, dans ce véhicule normatif au sein duquel un siège a donc été offert par le système juridique local aux entreprises étrangères en compétition avec les entreprises locales. 

Plus encore, cela dépasserait la distorsion de concurrence, si souvent dénoncée, pour aller vers le suicide concurrentiel. En effet, il n'y a pas seulement le fait de subir un coût que les autres ne subissent pas (distorsion de concurrence), il s'agit encore de fournir aux autres des informations sur soi-même, des informations sur ses faiblesses, ce dont bénéficient les autres, autres qui restent quant à eux opaques. Il faudrait alors dénoncer un système juridiquement masochiste... C'est en cela que l'on pourrait à tout le moins parler d'un "suicide concurrentiel". 

Mais ce constat ne doit pas être opéré d'une façon à ce point générale et abstraite. 

En effet, si l'on en reste ici à ce qui est commun au lancement d'alerte et à la vigilance, deux mécanismes juridiques qui suscitent et organisent l'émergence et la transmission adéquate de l'information pour l'exploitation pertinente de celle-ci, il faut distinguer d'une part la détection de l'information et d'autre part le partage de l'information. Si l'on détaille la façon dont le lancement d'alerte est organisé (I), la perspective de compétitivité est plutôt concernée non pas par l'extraction de l'information, mais plutôt par la façon dont elle est partagée. En effet, l'entreprise au sein de laquelle le législateur a imposé une possibilité de lancement d'alerte, l'entreprise découvrant ainsi des failles qu'elle ignorait, la puissance de l'entreprise en est au contraire confortée, ce qui la renforce dans la compétition internationale.

Certes si cela est su à l'extérieur, ce partage de l'information entre l'interne et l'externe peut constituer une faiblesse, sauf à ce que les tiers accordent à l'entreprise une récompense pour une telle démocratie interne, ce qui ne semble pas avéré. Mais la perspective de cet effet négatif externe constitue une incitation pour l'entreprise à régler elle-même, et précocement, toute difficulté qui vient à sa connaissance avant qu'elle ne soit portée à la connaissance de tous, ce qui rejoint le But Monumental de la Compliance : cela validait en 2016 le choix législatif d'une alerte d'abord en interne, c'est-à-dire confidentielle, puis dans un second temps seulement la possibilité de faire une alerte externe lorsque les responsables internes n'avaient pas agi d'une façon efficiente.

Le fait que la législation évolue en 2022 pour ne plus imposer l'alerte interne avant l'alerte externe a pu paraître pour beaucoup la principale modification de la loi : en réalité, elle ne modifie pas cette incitation sur l'entreprise à favoriser l'alerte interne, au contraire. La mise en place d'une option, l'informé pouvant dès le départ choisir entre l'alerte interne ou l'alerte externe incite l'entreprise à l'inciter à préférer la première à la seconde. Ce n'est qu'en cas d'échec de l'un et/ou de l'autre que la façon de la "divulgation publique", c'est-à-dire la communication aux médias, est possible. 

La perspective est opposée lorsqu'on examine le devoir de vigilance. S'il s'agit toujours pour l'entreprise d'extraire de l'information qu'elle ne connaissait pas, la différence fondamentale est que l'information pertinente dont il s'agit n'est pas directement en son sein, mais soit dans ses filiales soit dans les entreprises auxquelles elle a "donné des ordres", c'est-à-dire, pour s'exprimer plus trivialement encore, chez des tiers qui souvent dépendent d'elle et dont elle répond personnellement.

La perspective peut alors s'inverser.

En effet, dans la perspective de la compétitivité internationale, il ne s'agit plus de veiller à ne pas diminuer la compétitivité internationale de l'entreprise quant à l'information extraite, en cantonnant celle-ci à l'intérieur de l'entreprise (comme dans le lancement d'alerte) ; tout au contraire, il s'agit d'activer la puissance que recèle le devoir de vigilance pour extraire des informations dans des entités qui sont pourtant sous un autre ciel juridique que celui dont relève l'entreprise obligée par le devoir de vigilance (II).

Dès lors, le devoir de vigilance, puisqu'il implique de par la Loi, pour l'entreprise assujettie, toute la puissance nécessaire afin de remplir le devoir imposé 📎!footnote-2329, permet à cette entreprise d'obtenir des informations, voire d'imposer, notamment par une clause contractuelle📎!footnote-2465 à son tour au nom de sa propre responsabilité personnelle des obligations de compliance à des partenaires économiques qui sont pourtant sujets de droit de systèmes juridiques qui ne prévoient pas de telles contraintes. Le contrat aura au passage transformé le devoir général en obligation particulière.

 

C'est ainsi que la compétitivité internationale est accrue grâce aux pouvoirs que leur confère le système juridique par des obligations qui leur donnent des pouvoirs de capter des informations en leur sein et au-delà d'elles-mêmes, pouvoirs qui excèdent largement les frontières juridiques des systèmes de droit dont elles sont les sujets. 

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Lire ci-dessous les développements⤵️

1

Les oppositions qui se sont exprimées face à la loi du 23 mars 2017 sur la vigilance ont été formulées le plus souvent sur ce thème. 

2

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2023.

3 décembre 2021

Conférences

► Référence complète: Frison-Roche, M.A., La protection des lanceurs d'alerte et le Droit de la Compliance, Université d'Orléans, 3 décembre  2021. 

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📅 Lire le programme de ce colloque

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► Consulter les slides de la conférence

► Présentation de la conférence : La transposition en Droit français de la Directive européenne du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du Droit de l'Union ne révolutionne en rien le dispositif tel qu'il a été conçu par la loi dite "Sapin 2". Soit parce que celle-ci, qui avait consacré un chapitre complet au personnage, saisi non pas en tant que tel mais à travers sa protection, avait donc anticipé le texte européen, la Loi n'ayant donc plus rien à achever. Le titre reste d'ailleurs presque le même que celui du chapitre de la loi dite "Sapin 2 :  Proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerteavec une proposition de loi organique concernant l'office accru du Défenseur des droits

Cette sorte d'appréciation en marge de la copie de la précédente loi ("c'est bien, mais peu mieux faire"....) écarte tout vrai changement. Soit parce que s'il y avait eu quelque chose à changer, ce n'était pas tant concernant la protection du lanceur d'alerte que plutôt de ce qui avait été suggéré par beaucoup 📎!footnote-2305 lors des travaux de la Commission Gauvain-Marleix 📎!footnote-2307, à savoir d'aligner le lanceur d'alerte européen sur ce qu'il est aux Etats-Unis, en ce qu'il reçoit récompense de l'information qu'il transmet et en ce qu'il la transmet directement à l'Autorité publique qui est en charge d'en faire usage.

En effet, décidemment le singulier sied si peu à ce personnage qu'il faille toujours parler "des lanceurs d'alerte" et non pas du lanceur d'alerte 📎!footnote-2306 .... Parce que sans doute l'on ne comprend pas tout à fait pourquoi il est fait, ni pourquoi il agit. 

Dans un Droit de la Compliance, entièrement construit sur les Buts, cela est particulièrement troublant. 

En effet, il est acquis que, de la même façon que la cartographie des risques est l'élément objectif du Droit de la Compliance, le lanceur d'alerte est son élément subjectif : le personnage qui est là pour faire sortir de l'information. 

En cela le Droit de la Compliance est le prolongement du Droit de la Régulation, lequel lutte contre l'asymétrie d'information (ce qui n'est pas l'objet du Droit de la Concurrence). Le Droit de la Compliance est d'autant plus un Droit centré sur l'information que c'est ainsi qu'il peut atteindre les Buts Monumentaux pour lesquels tous ces instruments, objectifs et subjectifs, sont institués, et dans lesquels sa normativité réside. Ainsi l'entreprise détecte l'information, rassemble l'information, diffuse l'information, etc.

Elle la fait circuler à l'intérieur, elle invite les parties prenantes extérieures à y participer, elle communique des informations internes à des agents externes de légalité. Elle le fait parce qu'elle y est contrainte, le Droit de la Compliance étant empreint d'ordre public de direction, puisque c'est pour la prévention des crises systémiques globales que ce système contraignant s'abat sur les "opérateurs cruciaux", entreprises en position de concrétiser ces buts. Ce n'est que par surabondance que leur raison d'être ou leur responsabilité sociétale peuvent venir reprendre à leur charge ces directives formulées par les Autorités publiques qui les supervisent.

Le lanceur d'alerte est donc celui qui va dans une entreprise, soit rétive, soit incapable, extraire ou transmettre une information, soit à la bonne source, soit au bon destinataire, soit lui appliquer le bon traitement. Il est donc essentiel au traitement de l'information pour que le But Monumental soit rempli.

Le lancement d'alerte au sein de Facebook est particulièrement illustratif de cela. Puisque c'est au sein de l'opérateur crucial obligé par le Droit de lutter contre la désinformation et les discours de haine que l'information apparait donc comme quoi l'entreprise ne l'a pas forcément comme premier souci. La discussion semble s'engager pour savoir si, d'une part, cela est normal ou pas et si, d'autre part, la lanceuse d'alerte est animée ou non de "bons sentiments".

Mais revenons sur le texte européen et sa transposition, par rapport à l'esprit de ce qu'est le Droit de la Compliance, notamment conçu aux États-Unis en Droit financier.  La loi dite "Sapin 2" avait posé que le lanceur d'alerte doit être "désintéressé" et agir de bonne foi. Il avait été suggéré que cette exigence de désintéressement soit supprimée et la seule exigence de bonne foi, par ailleurs présumée, maintenue. Mais la conception moralisatrice du lanceur d'alerte continue de prévaloir : il y a donc deux catégories, le lanceur d'alerte qui agit par amour du Droit, du Juste et du Bon (et qu'on aime) et le chasseur de prime qui agit par amour de l'argent ou par haine de celui qu'il dénonce (et que l'on n'aime pas). Voilà donc notre pluriel explicité...

La Securities and Exchange Commission - SEC , autorité fédérale américaine des marchés financiers n'aime pas particulièrement ceux que l'on n'aime pas, les méchants haineux rapaces, mais elle lutte contre l'asymétrie d'information et c'est pour lutter contre les abus de marché dont la source même est à l'intérieur des entreprises, ce qui causa la crise de 1929 puis la Seconde Guerre Mondiale qu'elle fut elle-même instituée : chaque année, un de ses départements, qui a pour titre ..., fait le classement des récompenses attribuées aux whistleblowers , en mettant en premier celui qui a gagné le plus en lui apportant l'information d'un abus de marché, ce qui prévient une crise systémique financière. Car pour le Régulateur financier, il ne fait pas de doute que le lanceur d'alerte est un agent de la légalité qui doit servir à prévenir les crises systémiques, et doit être incité à la saisir, et à la saisir directement. 

Le Législateur français reste au milieu du gué. Pour l'instant, il change la formulation mais pas trop. Il faudrait simplement que le lanceur d'alerte ne reçoive pas de "contrepartie financière directe".  Ainsi l'amour de la Loi ou du prochain ("désintéressement")  ne serait plus requis. S'il n'y a plus d'argent, la haine pour l'entreprise, le ressentiment, cette triste passion si bien dénoncée par Rousseau serait donc autorisée. C'est vrai, c'est souvent cela qui anime la personne qui lance l'alerte. Tandis que le filtre consistant à l'obliger à saisir l'entreprise même que par un "acte citoyen" (expression utilisée par la proposition de loi) est conservé, la proposition de loi organique accroissant un peu l'aide apportée par le Défenseur des droits. 

Donc, le pas n'a pas été franchi. Parce qu'on continue à ne pas admettre ce qu'est le prix de l'information. Ce sont donc de toutes petites améliorations que le prochain état du Droit va apporter.

Après avoir ainsi examiné la réforme qui n'a pas eu lieu et qui aurait tiré conséquence de l'articulation du statut du lanceur d'alerte avec le Droit de la Compliance, en tant que celui-ci est un Droit de l'information pertinente pour atteindre des Buts Monumentaux (I),  il est donc possible d'examiner la petite réforme qui va avoir lieu sans se soucier de l'information pertinente et en améliorer un peu deci delà les lanceurs d'alerte, dont la définition est un peu élargie, dans les relais externes dont ils bénéficient sans que cela ne brise leur obligation d'en parler d'abord à l'intérieur ce qui ôte la dimension directement systémique à leur action, dans l'aide financière dont ils ont soudainement le bénéfice quand à la fin des fins l'entreprise agit contre eux "en représailles" (II).

Il ne me semble pas que pour l'instant, dans un système juridique national qui sera peu changé, le lanceur d'alerte soit un personnage ni très efficace ni très choyé  par le Droit français. 

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1

V. par exemple Frison-Roche, M.-A., 🏛️ Evaluation de la loi dite "Sapin 2" au regard d'une Europe de la Compliance, Audition par la mission d'évaluation de la loi dite Sapin 2", février 2021. 

3

Sur cette observation, Frison-Roche, M.-A., 📝L'impossibilité unicité de la catégorie des lanceurs d'alerte, 2020. 

4 novembre 2021

Publications

► Référence complète : M.A. Frison-Roche, "Assessment of whistleblowing and the obligation of vigilance regarding International Competitiveness, in M.-A. Frison-Roche (ed.), Compliance Monumental Goals, series "Compliance & Regulation", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, 2023, p. 

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► Article Summary: Taking up the legal tools of Compliance and confronting them with the concern that Law must have for the Competitiveness of companies, it is necessary that these legal instruments not harm it because Compliance Law, because of its immense ambitions, can only function through an alliance between political wills with great pretensions (save the planet) and the entities which are able to achieve these goals (the crucial economic operators : the political drawing on the compagnies" power, it would be contradictory for the legal instruments put in place by Law to harm the ability of companies to face global economic competition, or worse to favor international competitors acting under legal systems which do not integrate Compliance obligations.  

From this principle, it is possible to assess these two legal techniques of whistleblowing and vigilance obligation: both consist in capturing Information, which gives them a strong uniqueness and fits them into the global competition for Information.

Taking the whistleblowing, its first beneficiary is the company itself since the firm discovers a weakness and can therefore remedy it. Therefore, beyond the principle of protection of the whistleblower by their access to the legal statute, for instance the one conceived by the French 2016 law known as "Sapin 2", it is questionable that all the incentives are not put in place so that the holder of such information transmits it to the manager. It is not the European solution, even after the European Directive of 2019, national legal systems continuing to require the absence of financial compensation, the "heroic figure of the whistleblower and the refusal of their remuneration depriving the company of Information and improvement. First to the manager, with external transmission taking place if the latter does nothing, the internal manager is thus encouraged to act and put an end to the dysfunction, which increases the competitiveness of the company.

But the French legislation has on the contrary developed the right incentive as to the person to whom the information is transmitted because by obliging to transmit first to the manager, the external transmission intervening if the internal management does nothing, the incentive is thus made to the internal manager to act and put an end to the dysfunction, this legal solution increasing the competitiveness of the company.

Even more, and even if it seems counter-intuitive, the obligation of vigilance increases the competitiveness of the obliged companies. Indeed, Law by obliging them to prevent and fight against violations of human rights and the environment has tacitly given them all the necessary powers to do so, notably the power to collect Information on third-party companies, including (and even above all) those which are not subject to transparency obligations. In this respect, companies, as far as they are personally responsible, hold supervisory power over others, a power which allows to globalize Compliance Law and which, in the process, increases the Companies' own power. Therefore, the obligation of vigilance is in many respects a boon for the companies which are subject to it. The resumption of the mechanism by the next European Directive, itself indifferent to the territory, will only strengthen this global power of vigilant companies over possibly foreign companies which become its passive subjects.

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🚧 read the bilingual Working Paper, basis for this article 

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📘 consulter la présentation de l'ouvrage, Compliance Monumental Goals, dans lequel l'article est publié

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► lire les presentations des autres contributions de Marie-Anne Frison-Roche dans cet ouvrage : 

📝Compliance Monumental Goals, beating heart of Compliance Law

📝Definition of Principe of Proportionality and Definition of Compliance Law,

📝 Role and Place of Companies in the Creation and Effectiveness of Compliance Law in Crisis

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4 novembre 2021

Base Documentaire : Soft Law

Référence complète : CE, Avis sur une proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, 4 novembre 2021.

 

 

Lire l'avis.

5 octobre 2021

Compliance : sur le vif

23 juin 2021

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : D. Latour, "Internal investigations within companies", in M.-A. Frison-Roche (ed.), Compliance Jurisdictionalisation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître. 

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Jurisdictionalisation, dans lequel cet article est publié

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 Summary of the article () : 

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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11 mai 2021

Base Documentaire : 05.1. CEDH

Référence complète : CEDH, 3ième sect., 11 mai 2021, Halet c. Luxembourg, n° 21884/18.

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► Lire l'arrêt 

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► Voir l'arrêt de Grande chambre du 14 février 2023 qui casse cette décision.

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1 décembre 2020

Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation

Référence complète: Frison-Roche, M.-A., Nouveau rapport de la SEC au Congrès à propos de son programme concernant les lanceurs d'alerte: ce qui est commun entre les conceptions américaine et européenne (New SEC Report to Congress about Whistleblower Program: what is common between American and European conception), Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation, 1er décembre 2020

Lire par abonnement gratuit d'autres news de la Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation

 

Résumé de la news

Comme chaque année depuis l'adoption de la loi Dodd-Frank, la SEC (Securities and Exchange Commission) et principalement son "bureau des lanceurs d'alerte" (OWB) a remis au Congrès des Etats-Unis un rapport traitant du succès de son programme concernant les lanceurs d'alerte, principalement estimé à partir de l'ampleur des récompenses financières accordées à ceux-ci au cours de l'année. Ce rapport fait notamment état du montant record versé aux lanceurs d'alerte, de la qualité de l'information récoltée grâce à cela et de l'efficacité de la SEC dans la protection des lanceurs d'alerte. 

Si les américains conditionnent l'efficacité du mécanisme de lanceurs d'alerte à la rémunération de ceux-ci, les européens opposent la figure du "lanceur d'alerte éthique" qui partage des informations par simple amour du droit à celle du "chasseur de primes", uniquement motivé par l'appât du gain financier et privilégient la première, comme peuvent le montrer la loi française Sapin II de 2016 (qui ne propose aucune rétribution financière aux lanceurs d'alerte) ou le Public Interest Disclosure britannique de 1998 (qui admet simplement une compensation financière des pertes liées au lancement de l'alerte).

Cependant, les conceptions américaines et européennes ne sont pas si éloignées. Comme les Etats-Unis, l'Europe a un profond souci pour l'effectivité juridique, bien que, du fait de leurs traditions juridiques différentes, les américains favorisent l'effectivité des droits tandis que les européens privilégient l'effectivité du droit. Si elle place l'effectivité au centre de ses préoccupations, l'Europe devrait donc concevoir avec de moins en moins d'aversion la possibilité d'inciter financièrement les lanceurs d'alerte. D'autre part, les Etats-Unis et l'Europe partagent la volonté commune de protéger aux mieux les lanceurs d'alerte et si la rétribution monétaire devait permettre une meilleure protection, alors l'Europe ne devrait donc pas s'en priver, comme le montrent les récentes déclarations du Défenseur des droits français. Il n'est donc pas exclu que les deux systèmes convergent dans un futur proche. 

16 novembre 2020

Base Documentaire : Soft Law

Référence complète: US Securities and Exchanges Commission (SEC), Whistleblower Program Annual Report to Congress, 16 novembre 2020

Lire le rapport (en anglais)

 

Consulter, pour aller plus loin sur la question des lanceurs d'alerte: 

28 mai 2020

Publications

Référence complète: Frison-Roche, M.-A., L'impossible unicité juridique de la catégorie des "lanceurs d'alertes", in Chacornac, J. (dir.), Lanceurs d'alertes, regards comparatistes, Publications du Centre français de droit comparé, mai 2020, Volume 21, p.13-31. 

 

Lire l'article

Lire la présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

 

Lire le document de travail bilingue ayant servi de base au présent article.

 

Consulter la présentation de la conférence, "Les lanceurs d'alertes : glose", notamment les slides, lors du colloque organisé par la Centre français du droit comparé le 23 novembre 2018 sous la direction de Jérôme Chacornac

 

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Introduction de l'article

"Les lanceurs d'alerte". Voilà bien une expression nouvelle. Qui remporte un plein succès. A peine entendue une fois, on l'entend partout...

Un thème non pas de cours ou de contrôle de connaissances, mais plutôt un sujet de conversation quotidienne. Car c'est chaque jour qu'on nous en parle, en termes plus ou moins gracieux. Par exemple le Président Donald Trump le 1ier octobre 2019 a déclaré à la presse "vouloir interroger" le lanceur d'alerte qui l'aurait illégitimement dénoncé et n'aurait pas, selon lui, le droit de dissimuler son identité, preuve en cela selon lui du caractère mensonger de ses affirmations à son encontre, tandis que l'avocat de celui-ci indique le 6 octobre 2019 qu'il ne parle pas au nom d'un seul lanceur d'alerte ainsi pris à partie mais d'une pluralité de personnes ayant donné des informations à l'encontre du Président des Etats-Unis. Même les scénaristes les plus imaginatifs n'auraient pas écrit des rebondissements aussi brutaux ni  aussi rapides. Spectateurs, on attend le prochain épisode, espérant secrètement l'escalade. 

Et justement si l'on va au cinéma,  c'est encore d'un lanceur d'alerte dont on nous raconte le dévouement et le succès, voire le drame, au bénéfice de la société globale, et notamment de la démocratie, puisque les secrets sont combattus au bénéfice de la vérité. Ainsi, The Secret Man désigne Mark Felt comme le premier lanceur d'alerte. Revenant  vers ce que l'on présente souvent comme étant un média plus "sérieux"!footnote-1391, l'on écoute France-Culture et voilà encore conté le récit  d'une historienne ayant travaillé comme archiviste sur des événements que le pouvoir politique aurait voulu tenir cachés en détruisant éventuellement leurs traces mais que son métier conduisit à conserver : la voilà expressément présentée aux auditeurs studieux comme un "lanceur d'alerte" .... Tandis que la même radio tente de retrouver celui qui pourrait bien être, comme dans une sorte de concours le "premier des lanceurs d'alerte" !footnote-1727?.... Cette réécriture de l’Histoire peut se défendre car finalement que firent d'autre Voltaire pour Calas, ou Zola pour Dreyfus ? 

C'est aussi un sujet de discussion législative puisqu'aux Etats-Unis la loi Dodd-Frank  de 2010 a inséré dans la loi de 1934 qui instaura la Securities & Exchanges Commission un dispositif complet de rétribution et de rémunération des lanceurs d'alerte, tandis qu'après avoir élaboré en 2012 des lignes souples mais directrices à ce propos!footnote-1698, la Commission européenne a le 20 novembre 2018 publié le texte de ce qui deviendra une Directive ayant pour objet de donner un statut européen  unifié au personnage, dans le dispositif progressivement élaboré pour protéger celui qui a été présenté en 2018 comme celui "ne peut pas être puni pour avoir fait ce qui est juste".

En Europe, la Directive  tout d'abord approuvée par une Résolution du Parlement  européen le 16 avril 2019 sur la protection des personnes dénonçant des infractions au Droit de l'Union  puis adoptée le 7 octobre 2019 (Directive du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, intitulé différent on le notera, devra être transposée dans les deux prochaines années dans les législations des Etats-Membres. L'objet n'en est pas général, puisque seules les "violations du Droit de l'Union" sont visées mais le personnage du "lanceur d'alerte" quant à lui est plus globalement visé : il est "entier"!footnote-1699.

Bref, le lanceur d'alerte est une vedette!footnote-1390.  Une sorte de personnage historique, couvert de coups et de gloire, allant de Voltaire à Snowden, l'un comme l'autre trouvant à s'incarner sur les écrans!footnote-1681 ....,

Consacré par la loi, qui lui associe un régime juridique de protection à tel point que, tel une tunique de Nessus, c'est ce régime juridique qui va définir le personnage et non l'inverse.  Lorsqu'on lit la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite "Sapin 2", l'on remarque que le Législateur fait grand cas de ce personnage, puisqu'il lui consacre son chapitre II !footnote-1682  : "De la protection des lanceurs d'alerte", et que c'est par sa protection même qu'il lui ouvre formellement et à grands battants la porte du Droit. 

Mais pourquoi un pluriel ? Certes quand on lit les considérants de la Directive communautaire du 7 octobre 2019 sur la protection des lanceurs d'alerte!footnote-1702, il ne s'agit que d'une énumération de tous les sujets à propos desquels il est une bonne idée de les protéger, ce qui incite donc à ne voir dans ce pluriel que l'indice de cette liste non limitative des sujets dont il est de bon aloi qu'on nous alerte, signe de l'absence de définition de qui doit nous alerte. La lecture de la loi française dite "Sapin 2" rend moins sévère mais plus perplexe. En effet, de cette pluralité visée par le titre du chapitre consacré aux "lanceurs d'alerte", il n'est plus question dans la suite de la loi, dans la définition même qui suit, l'article 6 qui ouvre ce chapitre consacré aux "lanceurs d'alerte" offrant au lecteur immédiatement un singulier puisqu'il débute ainsi : "Un!footnote-1684 lanceur d'alerte est une personne ...". Nulle mention de diversité. L'art de l'écriture législatif aurait pourtant même requis que l'article qualificatif ne soit pas seulement singulier mais qu'il ne soit pas encore indéfini. Stendhal s'il avait encore daigné avoir la Loi pour livre de chevet aurait voulu trouver comme début de chapitre une phrase comme : "Le!footnote-1683 lanceur d'alerte est une personne ...".

Ainsi semblent se contredire au sein de la loi "Sapin 2 le titre même qui présente le personnage, en ce qu'il utilise un pluriel défini (les) tandis que l'article de définition qui le présente est au singulier indéfini (un)....

Voilà une première raison pour ne plus avancer que d'une façon très prudente, dans ce "pas à pas" que constitue une lecture au mot à mot : une glose. Celle-ci consiste à prendre au pied de la lettre l'expression-même. La seconde raison de ce choix technique est que la glose convient bien à une introduction d'ouvrage collectif, permettant ainsi à des développements plus ciblés de prendre place dans d'autres contributions, sur les techniques, les difficultés et les limites de cette protection, ou sur l'historique de celle-ci, ou les raisons de la venue dans le Droit français de ces lanceurs d'alerte et la façon dont ils se développent, ou non, ailleurs. 

Je vais donc me contenter de reprendre à la lettre cette expression déjà juridique : Les (I) lanceurs (II) d'alerte (III).

15 avril 2020

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète: Chacornac, J. (dir.), Lanceurs d'alerte: regards comparatistes,  Editions de la Société de Législation Comparée, Vol. 21, avril 2020, 192 p.

Cet ouvrage fait suite au colloque organisé par le Centre français de droit Comparé le 23 novembre 2018

 

Lire la quatrième de couverture

Lire la table des matières

Lire la présentation de l'article de Marie-Anne Frison-Roche : L'impossible unicité de la catégorie des lanceurs d'alerte, qui constitue l'introduction de l'ouvrage. 

 

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Mise à jour : 8 octobre 2019 (Rédaction initiale : 22 novembre 2018 )

Publications

Ce document de travail a servi de base à une conférence faite pour le Centre de droit comparé, le 23 novembre 2018.

Actualisé, il sert de base à l'article de présentation générale de l'ouvrage Les lanceurs d'alerte : regards comparatifs , paru en mai 2020 sous la direction de Jérôme Chacornac, dans la collection du Centre  de Législation comparée

 

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"Les lanceurs d'alerte". Voilà bien une expression nouvelle. Qui remporte un plein succès. A peine entendue une fois, on l'entend partout...

Un thème non pas de cours ou de contrôle de connaissances, mais plutôt un sujet de conversation quotidienne. Car c'est chaque jour qu'on nous en parle, en termes plus ou moins gracieux. Par exemple le Président Donald Trump le 1ier octobre 2019 a déclaré à la presse "vouloir interroger" le lanceur d'alerte qui l'aurait illégitimement dénoncé et n'aurait pas, selon lui, le droit de dissimuler son identité, preuve en cela selon lui du caractère mensonger de ses affirmations à son encontre, tandis que l'avocat de celui-ci indique le 6 octobre 2019 qu'il ne parle pas au nom d'un seul lanceur d'alerte ainsi pris à partie mais d'une pluralité de personnes ayant donné des informations à l'encontre du Président des Etats-Unis. Même les scénaristes les plus imaginatifs n'auraient pas écrit des rebondissements aussi brutaux ni  aussi rapides. Spectateurs, on attend le prochain épisode, espérant secrètement l'escalade. 

Et justement si l'on va au cinéma,  c'est encore d'un lanceur d'alerte dont on nous raconte le dévouement et le succès, voire le drame, au bénéfice de la société globale, et notamment de la démocratie, puisque les secrets sont combattus au bénéfice de la vérité. Ainsi, The Secret Man désigne Mark Felt comme le premier lanceur d'alerte. Revenant  vers ce que l'on présente souvent comme étant un média plus "sérieux"!footnote-1391, l'on écoute France-Culture et voilà encore conté le récit  d'une historienne ayant travaillé comme archiviste sur des événements que le pouvoir politique aurait voulu tenir cachés en détruisant éventuellement leurs traces mais que son métier conduisit à conserver : la voilà expressément présentée aux auditeurs studieux comme un "lanceur d'alerte" .... Tandis que la même radio tente de retrouver celui qui pourrait bien être, comme dans une sorte de concours le "premier des lanceurs d'alerte" !footnote-1727?.... Cette réécriture de l’Histoire peut se défendre car finalement que firent d'autre Voltaire pour Calas, ou Zola pour Dreyfus ? 

C'est aussi un sujet de discussion législative puisqu'aux Etats-Unis la loi Dodd-Frank  de 2010 a inséré dans la loi de 1934 qui instaura la Securities & Exchanges Commission un dispositif complet de rétribution et de rémunération des lanceurs d'alerte, tandis qu'après avoir élaboré en 2012 des lignes souples mais directrices à ce propos!footnote-1698, la Commission européenne a le 20 novembre 2018 publié le texte de ce qui deviendra une Directive ayant pour objet de donner un statut européen  unifié au personnage, dans le dispositif progressivement élaboré pour protéger celui qui a été présenté en 2018 comme celui "ne peut pas être puni pour avoir fait ce qui est juste".

En Europe, la Directive  tout d'abord approuvée par une Résolution du Parlement  européen le 16 avril 2019 sur la protection des personnes dénonçant des infractions au Droit de l'Union  puis adoptée le 7 octobre 2019 (Directive 2019/78 (UE) du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, intitulé différent on le notera, devra être transposée dans les deux prochaines années dans les législations des Etats-Membres. L'objet n'en est pas général, puisque seules les "violations du Droit de l'Union" sont visées mais le personnage du "lanceur d'alerte" quant à lui est plus globalement visé : il est "entier"!footnote-1699.

Bref, le lanceur d'alerte est une vedette!footnote-1390.  Une sorte de personnage historique, couvert de coups et de gloire, allant de Voltaire à Snowden, l'un comme l'autre trouvant à s'incarner sur les écrans!footnote-1681 ....,

Consacré par la loi, qui lui associe un régime juridique de protection à tel point que, tel une tunique de Nessus, c'est ce régime juridique qui va définir le personnage et non l'inverse.  Lorsqu'on lit la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite "Sapin 2", l'on remarque que le Législateur fait grand cas de ce personnage, puisqu'il lui consacre son chapitre II : "De la protection des!footnote-1682 lanceurs d'alerte", et que c'est par sa protection même qu'il lui ouvre formellement et à grands battants la porte du Droit. 

Mais pourquoi un pluriel ? Certes quand on lit les considérants de la Directive communautaire du 7 octobre 2019 sur la protection des lanceurs d'alerte!footnote-1702, il ne s'agit que d'une énumération de tous les sujets à propos desquels il est une bonne idée de les protéger, ce qui incite donc à ne voir dans ce pluriel que l'indice de cette liste non limitative des sujets dont il est de bon aloi qu'on nous alerte, signe de l'absence de définition de qui doit nous alerte. La lecture de la loi française dite "Sapin 2" rend moins sévère mais plus perplexe. En effet, de cette pluralité visée par le titre du chapitre consacré aux "lanceurs d'alerte", il n'est plus question dans la suite de la loi, dans la définition même qui suit, l'article 6 qui ouvre ce chapitre consacré aux "lanceurs d'alerte" offrant au lecteur immédiatement un singulier puisqu'il débute ainsi : "Un!footnote-1684lanceur d'alerte est une personne ...". Nulle mention de diversité. L'art de l'écriture législatif aurait pourtant même requis que l'article qualificatif ne soit pas seulement singulier mais qu'il ne soit pas encore indéfini. Stendhal s'il avait encore daigné avoir la Loi pour livre de chevet aurait voulu trouver comme début de chapitre une phrase comme : "Le!footnote-1683 lanceur d'alerte est une personne ...".

Ainsi semblent se contredire au sein de la loi "Sapin 2 le titre même qui présente le personnage, en ce qu'il utilise un pluriel défini (les) tandis que l'article de définition qui le présente est au singulier indéfini (un)....

Voilà une première raison pour ne plus avancer que d'une façon très prudente, dans ce "pas à pas" que constitue une lecture au mot à mot : une glose. Celle-ci consiste à prendre au pied de la lettre l'expression-même. La seconde raison de ce choix technique est que la glose convient bien à une introduction d'ouvrage collectif, permettant ainsi à des développements plus ciblés de prendre place dans d'autres contributions, sur les techniques, les difficultés et les limites de cette protection, ou sur l'historique de celle-ci, ou les raisons de la venue dans le Droit français de ces lanceurs d'alerte et la façon dont ils se développent, ou non, ailleurs. 

Je vais donc me contenter de reprendre à la lettre cette expression déjà juridique : Les (I) lanceurs (II) d'alerte (III).

Voir ci-dessous les développements.

 

1

Sur le fait  plus général que le cinéma est sans doute le média qui restitue le plus sérieusement l'état du Droit, v. Frison-Roche, M.-A., Au coeur du Droit, du cinéma et de la famille : la vie, 2016. 

2

L'histoire du premier lanceur d'alerte, France Culture, septembre 2019. 

4

Or, précisément l'usage si courant de la pluralité ("les lanceurs d'alerte") fait douter de l'unicité du personnage. Sur cette question, v. toute la première partie des développements de la présente étude, qui conduit à conclure plutôt qu'au-delà de la multitude des cas particuliers, il existe plutôt deux sortes de lanceurs d'alertes. V. infra I. 

6

Ainsi, les péripéties de Snowden ont été portées à l'écran par Oliver Stone en 2016, Snowden. Sur la question de savoir si ce film "restitue" fidèlement ou non le cas, Schetizer, P., Le film Snowden est-il à la hauteur de la réalité ?, 2017. Cet article est favorable au lanceur d'alerte, et au film qui nous raconte avec émotion son cas, notamment parce que (sic), c'est plus aisé que de lire le Washington Post. 

7

Souligné par nous. 

8

Sur cette directive, v. les développements infra. 

9

Souligné par nous. 

10

Souligné par nous.