25 juin 2021

Compliance : sur le vif

  Sous la direction scientifique de la professeure Emmanuelle Claudel, l'Association Droit et Commerce consacre son colloque annuel à ➡️📅 La concurrence dans tous ses états. Dans l'introduction qu'elle a prononcée retraçant toute l'évolution de ce Droit, Emmanuelle Claudel a souligné que le Droit de la concurrence prend distance avec ses notions de base, comme la notion de "marché".

En effet, dans un système économique et social dont il faut réajuster l'organisation, la notion de "filière" doit retrouver sa juste place en articulation avec la notion de "marché". Pour bien des objets, il est pertinent de penser non pas seulement en terme de "marché" mais en terme de filières. En effet la "filière" donne de la consistance à l'objet même. Par exemple les forêts ou bien l'alimentation, ce que la Commission européenne a fait (I).

Mais si l'on regarde donc plus concrètement l'espace économique, qu'on y voit des personnes et des choses, comme les produits agricoles et ce à quoi ils servent, c'est-à-dire à nourrir les êtres humains, alors il faut confier ce "but monumental" à des entreprises cruciales la tâche d'atteindre cela (II). Le Droit de la Compliance peut à l'avenir prendre cela en charge, en mettant à la fois de nouvelles obligations, mais aussi en desserrant le rapport si violent, par son indifférence même, entre concurrence et produits alimentaires.

 

 

I. PENSER NON PLUS SEULEMENT EN "MARCHES" MAIS EN FILIERE : L'EXEMPLE DE LA FERME A LA FOURCHETTE

On commence à l'affirmer pour la forêt mais aussi pour l'agriculture que la Commission européenne connecte désormais avec l'alimentation.  Ainsi l'alimentation ne doit pas être simplement conçue comme une succession de "marchés". En effet à ne les concevoir qu'ainsi, les marchés agricoles, qui devraient bénéficier des financements offerts par les marchés financiers sont du coup parfois happés par ceux-ci, qui peuvent littéralement affamer le monde plutôt que d'aider à le nourrir.

Aujourd'hui, l'on admet de penser l'agriculture en "filière" et, comme l'écrit la Commission européenne : De la ferme à la fourchette. En effet si l'agriculture est un "secteur" important c'est parce qu'il permet de nourrir la population. Ce fait de base a été souvent oublié, notamment parce que le Droit de la concurrence, prenant appui sur le commerce des produits et non sur les produits eux-mêmes (dont il ne mesure que la substituabilité, pour cerner les marchés pertinents) ne s'intéresse pas à ce pour quoi sont faites les choses. Il ne faut pas le lui reprocher, mais en échange, il ne peut prétendre dominer tout, puisqu'il ne s'intéresse qu'à cette part restreinte de notre vie.

La Commission européenne, qui se dégage de plus en plus de la notion neutre de marché pour aller vers les notions substantielles de produits et de ce pourquoi ils sont faits, de leurs résultats (heureux ou malheureux), est en train de mettre en place une politique industrielle et ce qui pourrait être une véritable politique agricole, qui ne soit pas faite que de subventions.

Elle consiste à dire qu'il faut concevoir une filière qui part des sols, de leur usage agricole et d'élevage pour aboutit à ce pourquoi cela est fait : nourrir la population.

Cela paraît simple, mais dans un Droit dominé par le Droit de la concurrence, qui lutta par exemple par les techniques de soutien des prix, c'est une façon nouvelle, parce que concrète, de concevoir.

Mais comment faire ?

Parce que la Régulation n'a pas à être pour autant à être administrée, le Droit de la Compliance peut être d'un grand apport, notamment à travers les marchés de gros.

 

II. INTERNALISER LES BUTS MONUMENTAUX DES FILIERES AGRICOLES DANS LEURS ENTREPRISES CRUCIALES

Plutôt que d'administrer les secteurs, il convient d'internaliser dans des entreprises cruciales les buts monumentaux qui concernent l'avenir du groupe social, par exemple nourrir la population.

C'est à ce titre qu'il faut concevoir les "marchés de gros", non pas seulement comme le fait le Droit de la concurrence, qui les qualifient comme des marchés entre les producteurs et les revendeurs, mais comme des entreprises qui sont, au sein de filières parfois vitales, sont en charge de superviser l'articulation entre l'amont et l'aval pour que le but soit concrétisé.

C'est pourquoi ces entreprises-là sont directement concernées par le Droit de la Compliance, dans sa définition non pas mécanique de respect de la réglementation qui leur est applicable (ce qui est notre obligation à tous) mais dans sa définition qui met la Compliance comme un au-delà du Droit de la concurrence (➡️📝Frison-Roche, M.-A., Droit de la Concurrence et Droit de la Compliance, 2018)  

Ainsi les marchés de gros en matière alimentaire ont un rôle décisif à jouer, comme l'a montré la société du marché de Rungis qui, dans le temps de la crise sanitaire, a participé à assurer la continuité d'approvisionnement (v. d'une façon plus générale Journal of Regulation & Compliance et Faculté de Droit de Montpellier , ➡️📅colloque Normes publiques et Compliance en temps de crise : les buts monumentaux à l’épreuveles contributions servant de base à ➡️📕  Les Buts Monumentaux de la Compliance , 2022).

L'internalisation de ces buts dans des entreprises résout l'aporie à laquelle sont confrontés les Etats dans leur intimité avec la notion de frontières.

En effet, si l'on adopte une définition des "marchés de gros" non plus à travers la définition du "marché" mais à travers la définition de "l'entreprise cruciale", laquelle est elle-même "régulée" (Frison-Roche, M.-A., ➡️📝Réguler les entreprises cruciales, 2014).

Les "marchés de gros", ce sont des entreprises où les détaillants vont s'approvisionner chaque jour, souvenir de ce que fût la place du marché, souvenir du temps où le marché est le lieu où les êtres humains se rencontraient, où l'échange étaient non pas entre les capitaux et les marchandises mais entre les personnes (Supiot, A., ➡️📕 Mondialisation ou Globalisation ?, 2019).

Ces entreprises sont regroupées dans une association mondiale : le World Union of Wholesale Markets. Il s'agit pour les entreprises de gros de se réunir pour faire en sortir que les filières fonctionner de l'entretien des sols jusqu'à la bouche des êtres humains.

Car il est si difficile de trouver un Régulateur mondial qui soit en matière agricole à la fois légitime et efficace (v. sur ces questions les travaux 

Il est possible qu'un Régulateur public soit plus légitime mais il est pour l'instant impossible à établir mondialement (v. d'une façon générale Collart-Dutilleul, Fr. et Le Dolley, E., dir.,➡️📕 Droit, économie et marchés de matières premières agricoles2013).

Dès lors, une alliance entre les Autorités politiques, qui se soucie de la santé publique et les entreprises cruciales, dont ces "marchés de gros" sont un exemple, par des "obligations de compliance" ainsi comprises est une perspective concrète. 

Il en résulte alors une obligation et un pouvoir de vigilance et de coordination, que l'on trouve déjà en matière bancaire (secteur où le Droit de la Compliance est plus mature qu'ailleurs) qui doit se développer, plutôt que d'être l'objet de la segmentation que, par nature, le Droit traditionnel de la concurrence engendre, marché par marché, marché contre marché.

___________

 s'inscrire à la Newsletter MaFR ComplianceTech®

21 juin 2021

Compliance : sur le vif

C'est dans sa rubrique "Risk and Compliance" que le Wall Street Journal par un article du 18 juin 2021,, présente le démarrage, depuis le 1ier juin 2021 du Parquet européen➡️📝 Europe’s Chief Prosecutor Has 300 Cases on Her Plate Already .

 

Cette insertion présume que c'est par une perspective de Compliance qu'il faut appréhender cet organe si nouveau, pour comprendre et anticiper son action.

dans ce sens :

➡️ 📧 Frison-Roche, M.-A., Entrée en scène du Parquet européen : l'entreprise étant devenue elle-même Procureur privé, allons-nous vers une alliance de tous les procureurs ? juin 2021

➡️ 💬  Frison-Roche, Le Parquet Européen est un apport considérable au Droit de la Compliance", juin 2021 

 

I. UNE ACTION QUI VA SE CONCENTRER SUR LES MOYENS UTILISES POUR PORTER ATTEINTE AUX INTERETS FINANCIERS DE L'UNION

 

La publication du Wall Street Journal prend la forme d'un entretien avec la Procureure européen. Les réponse de celle-ci confirment également le lien consubstantiel entre Parquet européen et Droit de la Compliance. 

Il est remarquable que celle-ci se libère immédiatement de la perspective  souhaite un traitement de nombreux cas, notamment dans le secteur de la santé, de l'infrastructure et des infrastructures ("Our expectation is to hove more cases, especially in the healthcare system, in public procurement, infrastructure, and also in agriculture".

Or, le Règlement communautaire de 2017 ayant institué le Parque européen lui avait donné comme "mandat" de poursuivre les infractions portant atteinte aux "intérêts financiers de l'Union", sans n'être plus entravé par la lourdeur des procédures de coopérations entre les Etats alors que ces infractions sont le plus souvent transfrontalières.

Mais l'on pouvait penser que, prenant sciemment le moyen (corruption, blanchiment d'argument) pour le but, le Parquet européen allait immédiatement poursuivre non plus tant seulement la défense des intérêts financiers de l'Union (certes intérêts financiers endommagés par la corruption ou le blanchiment) mais ces faits eux-mêmes : ainsi le Parquet européen s'articule avec les Autorités européennes de Supervision, notamment bancaire et financière, qui luttent en Ex Ante contre ces infractions et les préviennent.

 

 

II. UNE ACTION QUI SE CONCENTRE SUR LES SECTEURS JURIDIQUEMENT NON REGULES EN EX ANTE PAR DES AUTORITES SECTORIELLES DE REGULATION

 

Plus encore, l'on remarquera que la Procureure européenne visent trois secteurs économiques qui ne sont pas des "secteurs régulés" au sens juridique du terme, c'est-à-dire sur lesquels ne veillent pas une Autorité sectorielle de Régulation et/ou de Supervision : la santé, les infrastructures et l'agriculture.  

Ainsi, la puissance du Droit de la Régulation, qui tient dans son Ex Ante, et sa faiblesse, qui tient à l'existence prérequise d'une Autorité sectorielle prérequise, est compensée : l'action du Parquet n'est pas limité à des secteurs juridiquement régulés.

Alors que les Autorités de concurrence sont contraintes de par leur mandat (➡️ 📅 La concurrence dans tous ses états, juin 2021 ) à protéger l'état concurrentiel des marchés, un Parquet peut se saisir de toute infraction sans avoir à déterminer ni marché ni secteur. 

Ce que vise la Procureur européenne, à savoir Santé, Infrastructures et Agriculture, ont été sans doute abîmés à la fois par la seule primauté de la perspective concurrentielle et par un Droit pénal bridé par une coopération interétatique difficile, alors même qu'ils ne font pas l'objet d'une Régulation Ex Ante supranationale.

Le Parquet européen a vocation à améliorer directement cela. 

________

 

► s'inscrire à la Newsletter MaFR ComplianceTech®

 

 

 

21 avril 2016

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Mélanges en l'honneur de Jehan de Malafosse, LexisNexis, 2016, 513 p.

Lire le sommaire.

11 février 2016

Base Documentaire : 02. Lois

Lire la Loi

La loi nouvelle modifie le Code de l'environnement.

Le nouvel article L.541-4 du Code de l'environnement  vise les priorités de la lutte contre le gaspillage,  .

1. La prévention du gaspillage alimentaire

2. L'utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation

3. La valorisation destinée à l'alimentation animale

4. L'utilisation à des fins de compost pour l'agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation.

L'article suivant (article L.541-5) pose que  "les distributeurs du secteur alimentaire assurent la commercialisation de leurs denrées alimentaires ou leur valorisation conformément à cette hiérarchie".  Ils ne peuvent délibérément rendre leurs invendus impropres à la consommation.

La loi pose qu'une stipulation contractuelle ne peut s'opposer au "don de denrées alimentaires vendeurs sous marque de distributeur par un opérateur du secteur alimentaire à un association caritative habilitée

 

2 décembre 2013

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Quelle (s) autorité (s) de régulation pour les marchés de matières premières agricoles ?, in COLLART DUTILLEUL, François et LE DOLLEY, Erik (dir.), Droit, économie et marchés de matières premières agricoles, coll. "Droit et Économie", Lextenso éditions - L.G.D.J., 2013, p.267-283.

____

Lire une présentation générale du volume dans lequel la contribution s'insère.

Lire l'article.

 

Lire le résumé de l'article ci-dessous.

21 novembre 2013

Base Documentaire : Doctrine

Références complètes : Collart Dutilleul, F. et Hugou, B., Problématiques juridiques des marchés à terme de matières premières agricoles, in Collart Dutilleul, F. et Le Dolley, É. (dir.), Droit, économie et marchés de matières premières agricoles, coll. "Droit et Économie", L.D.G.J - Lextenso éditions, 2013, p.3-15.

 

Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article via le drive  de Sciences po, dossier "MAFR - Régulation".

20 mars 2013

Conférences

Dans un colloque très complet de deux journées, cette intervention particulière porte sur les autorités de régulation, telles qu’elles sont en train d’être mises en place, et telles qu’il convient de les concevoir. Mais cette perspective institutionnelle ne doit pas conduire à avoir une vision désincarnée du sujet. En effet, et en premier lieu, c’est sans doute, avant tout, la matière agricole, parce qu’elle nourrit les êtres humains, qui doit être considérée pour construire le système d’autorité de régulation, et non pas seulement le fait qu’il s’agit de matières premières, parmi d’autres matières premières, encore moins des produits financiers, sous prétexte que la financiarisation a été l’élément déclencheur du besoin de régulation. En second lieu, la question est de savoir si l’autorité doit être mondiale, nationale ou régionale. On peut espérer pouvoir construire des autorités régionales. Cela rejoint l’espoir que l’on met dans l’Europe, une Europe qui ne soit pas seulement concurrentielle et qui, dépassant les politiques étatiques, ne se réduise pourtant pas au marché.

Lire le programme du colloque.

Accéder aux slides de la conférence.

Accéder à l'article publié à la suite de la conférence;

Lire la présentation générale de l'ouvrage publié par la suite dans la collection "Droit et Economie".

7 mars 2006

Conférences

Référence complète : CERUTTI, Guillaume et FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Conclusions, in La régulation des marchés agricoles, Ministère de l’Économie, 7 mars 2006, Paris.

7 mars 2006

Organisation de manifestations scientifiques

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne (dir.), Quelle régulation pour les marchés agricoles ?, colloque Chaire Régulation, DGCCRF, 7 mars 2006.

12 octobre 2005

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Appliquer le droit de la régulation au secteur agricole, Revue Lamy Concurrence, n°4, août/octobre 2005, 126-130.

Accéder à l’article.

16 juillet 2004

Publications

référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, L’alimentation peut-elle être un bien universel ? Revue Paysans, n°286, juillet 2004, pp.25-33.

11 mars 2004

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, La régulation appliquée au secteur agricole, in Agriculture, nouveaux marchés, nouvelles règles, revue Agriculteurs de France, 2004.