08. Juridictions du fond

22 décembre 2023

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

► Référence complète : TA Paris, 4ième sect., 1ière ch., 22 décembre 2023, n° 2321828/4-1, Association Oxfam France et a. 

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🏛️lire le communiqué de presse du Tribunal administratif de Paris accompagnant la décision

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5 décembre 2023

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 Référence complète : Tribunal judiciaire de Paris, pôle social, 1ière chambre, 4ième section, 5 décembre 2023, n° RG 21/15827, La Poste.

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🏛️lire la décision

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📰lire le communiqué de presse accompagnant la décision

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7 juillet 2023

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 Référence complète : T.J. Paris, 7 juillet 2023, Arcom c/ Orange et autres

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🏛️lire le jugement

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🚧lire l'article de Marie-Anne Frison-Roche publié en 2021, "L'hypothèse de la catégorie des causes systémiques portées devant le juge", dans lequel elle propose la notion de "cause systémique"

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6 juillet 2023

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► Référence complète : TJ Paris, 5ème chambre, 2ème section, ordonnance du juge de la mise en état, 6 juillet 2023, n° RG 22/03403, TotalÉnergies

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28 février 2023

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

 Référence complète : Tribunal judiciaire de Paris, jugements de référé, 28 février 2023, n° RG 22/53943 et 22/53942, Total Ouganda

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5 mai 2021

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Référence complète : Paris, 5 mai 2021, Carrefour

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La société Carrefour Hypermarchés commande et achète des produits référencés par sa centrale de référencement, Carrefour Marchandises Internationales (CMI), notamment ceux de la la société I2C. Or, le responsable du référencement des produits de cette société s'était vu offrir des voyages par ce fournisseur (certes avant l'établissement de la Charte éthique).

Un audit avait révélé cela après l'adoption de la charte. Par conséquent, la société CMI a mis fin à sa relation commerciale avec ce fournisseur.

Contestée sur l'allégation du caractère brutal de la rupture des relations commerciale, la Cour estime que cela est justifié car la violation de la charte éthique pouvait fonder la rupture immédiate des relations commerciales, indépendamment de leur date en raison de leur gravité. 

 

- Voir dans le même rattachement à l'obligation de vigilance sur les manquements du fournisseur, justifiant la cessation immédiate de toutes relations commerciales : 

  • Paris, 13 mars 2019, Monoprix , n°17/21477 ; 
  • Paris, 24 mars 201, Promod, n°19/15565

 

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2 mars 2021

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Référence complète: Tribunal administratif de Paris, 4ième section, 1ère Chambre, Oxfam France, Notre Affaire à tous, Fondation pour la Nature et l’Homme et Greenpeace France, 3 février 2021, n°1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1

 

Lire le jugement

Lire le communiqué de presse du Tribunal administratif de Paris

25 février 2021

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11 février 2021

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Référence complète : Ord. Tribunal judiciaire de Nanterre, 1re ch., 11 févr. 2021, société Total. 

Sur ce litige de compétence, la loi est intervenue depuis pour donner compétence au Tribunal judiciaire de Paris. 

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Le tribunal judiciaire de Nanterre

 

Exposé du litige : 

La SA Total, devenue la SE Total, première entreprise française en termes de bénéfices cumulés sur dix ans, avec un chiffre d'affaires de près de 210 milliards de dollars en 2018 et plus de 104 000 salariés, est la société de tête, cotée sur le marché Euronext Paris, d'un groupe de 1 191 sociétés au 31 décembre 2018 dont les activités, déployées dans 130 pays, comprennent l'exploration et la production de pétrole et de gaz, le raffinage, la pétrochimie, la production d'électricité bas carbone et la distribution d'énergie sous diverses formes, dont les produits pétroliers et l'électricité, jusqu'au client final.

Elle est soumise à l'article L. 225-102-4 du code de commerce créé par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre et modifié par l'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 qui a instauré, pour chaque société qui emploie au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés elle-même et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, l'< obligation > d'élaborer, publier et mettre en oeuvre un plan comportant les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

La SE Total ayant publié le 15 mars 2018 son premier plan de < vigilance > inséré dans son document de référence pour l'année 2017, quatorze collectivités territoriales et cinq associations françaises ont, par courrier de leurs conseils du 22 octobre 2018, dénoncé ses insuffisances en matière de risques d'atteintes graves au système climatique directement induits par ses activités. En retour, par lettre du 14 janvier 2019, la SE Total soulignait la prise en compte adéquate de ces derniers.

Les échanges se poursuivaient mais n'aboutissaient, malgré l'organisation d'une réunion au siège de la SE Total le 18 juin 2019, à aucun règlement amiable du litige naissant. Aussi, par lettre de leur conseil du 19 juin 2019, les quatorze collectivités territoriales et cinq associations ont mis en demeure cette dernière de respecter les < obligations > édictées par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce en publiant dans un délai de trois mois un nouveau plan de < vigilance > conforme aux exigences légales.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 28 janvier 2020, l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitry-Le-François et la région Centre - Val de Loire ont assigné la SE Total devant le tribunal judiciaire de Nanterre sur le fondement des articles L. 225-102-4 du code de commerce et 1252 du code civil.

Dans ses dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SE Total demande in limine litis au juge de la mise en état au visa des articles L. 225-102-4 et L. 721-3 du code de commerce, 1252 du code civil et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement incompétent ;

- en conséquence, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

- condamner les demanderesses à payer solidairement à la SE Total la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les demanderesses aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Me Denis Chemla.

En réplique, dans leurs dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 15 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, les demanderesses demandent au juge de la mise en état, au visa des articles L. 225-102-4, L. 225-102-5 et L. 721-3 du code de commerce, 1240, 1246 à 1252 du code civil, L. 211-3 et suivants et L. 211-20 du code de l'organisation judiciaire et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevables et bien fondées les concluantes ;

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement compétent ;

- en conséquence, débouter la SE Total de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la SE Total à payer aux associations et aux collectivités demanderesses au principal la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SE Total aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Maîtres Sébastien Mabile et François de Cambiaire.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'ordonnance sera contradictoire conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

À titre liminaire, le juge de la mise en état constate que, si la commune de Champneuville ne figure pas sur la première page des dernières écritures des demanderesses, celle-ci ne s'est pas désistée de son instance ou de son action. Le mandat de son conseil n'a pas non plus été révoqué au sens des articles 418 et 419 du code de procédure civile. Aussi demeure-t-elle partie au litige, analyse que partage la SE Total qui la vise dans ses dernières conclusions.

1°) Sur l'exception d'incompétence matérielle

Moyens des parties

Au soutien de son exception d'incompétence matérielle, la SE Total expose que, dans le silence de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, l'application des dispositions de droit commun emporte la compétence exclusive du tribunal de commerce pour connaître des actions fondées sur la violation des < obligations > relatives au plan de < vigilance > car :

- l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce donne compétence exclusive au tribunal de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, peu important la qualité des parties, dès lors que les faits allégués se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales. Elle précise que ce lien, entendu largement, ne suppose aucun acte de gestion au sens strict et que la règle de droit applicable au fond est sans incidence sur son application, constat qui prive de pertinence l'invocation, d'ailleurs infondée, de la nature civile de l'< obligation > édictée par l'article L. 225-102-4 du code de commerce ;

- le plan de < vigilance > 2018, établi sous l'autorité du conseil d'administration de Total et soumis au vote de l'assemblée de ses actionnaires lors de l'adoption des comptes annuels et du rapport de gestion conformément à l'article L. 225-100 du code de commerce, constitue, en son élaboration et en son adoption, un acte de gestion, les actions mises en oeuvre, comme celles souhaitées par les demanderesses qui touchent à sa stratégie globale, affectant directement son fonctionnement quotidien (gestion des ressources humaines, gouvernance, sécurité des salariés et du personnel, choix des fournisseurs).

Elle ajoute que les demanderesses ne disposent pas d'un droit d'option à raison de leur qualité de non-commerçant et que l'arrêt dit Uber rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 novembre 2020 n'est pas transposable en ce qu'il portait sur une action en concurrence déloyale et fondait le droit d'option sur l'existence d'un acte mixte par accessoire ici inexistant, l'édiction du plan de < vigilance > constituant un acte de gestion unilatéral. Elle précise que les « sociétés commerciales » constituent des actes de commerce par la forme et que le plan de < vigilance >, en ce qu'il touche à son fonctionnement, est un acte de commerce par la forme, qualification emportant compétence du tribunal de commerce par application de l'article L. 721-3, 3°, du code de commerce.

Enfin, la SE Total explique que, identiques aux demandes principales, poursuivant exactement les mêmes fins et également liées à son fonctionnement, les demandes dites complémentaires n'affectent pas la détermination de la compétence faute de relever de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les règles opposées touchant exclusivement à la concentration territoriale des juridictions spécialisées dans la réparation du préjudice écologique.

En réplique, les demanderesses exposent que le tribunal judiciaire est, faute d'attribution spéciale de compétence à une autre juridiction, compétent sur le fondement de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire à raison de la nature civile du devoir de < vigilance >, cette nature découlant des objectifs de la loi (régulation des activités des entreprises envers les tiers), de sa consécration par le Conseil constitutionnel le 23 mars 2017, des travaux parlementaires et des effets et de l'objet (prévention des risques en matières environnementale, d'atteinte aux droits humains et d'atteintes à la santé et à la sécurité des personnes qui sont autant de matière relevant la compétence exclusive du tribunal judiciaire) de la norme de comportement dont le plan de < vigilance > est le support.

Subsidiairement, elles contestent tout lien direct du plan de < vigilance > avec la gestion de la SE Total. Soulignant la nécessité d'interpréter cette notion strictement à raison du caractère dérogatoire de la compétence commerciale, elles soutiennent que ce lien suppose l'accomplissement, ici absent, d'un acte par les organes de gestion de la société et que les engagements pris par la SE Total impliquent toutes les composantes de la société ainsi que toutes les parties prenantes et ont des conséquences dommageables pour les tiers qui excèdent celles des actes de gestion.

Elles invoquent en outre un droit d'option tiré de leur qualité de non-commerçant et de la nature mixte des actes pris en application des < obligations > tenant au devoir de < vigilance >. Et, s'appuyant sur l'arrêt Uber, elles opposent un droit d'option général fondé sur leur qualité indépendamment de l'existence d'un acte mixte.

Enfin, elles prétendent que leurs demandes complémentaires, en ce qu'elles sont fondées distinctement et de manière autonome sur l'article 1252 du code civil, relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Appréciation du juge de la mise en état

En application de l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au litige conformément à son article 55, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l'exception soient d'ordre public.

Et, en vertu des articles 75 et 76 du même code, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée, le juge pouvant, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

L'article L. 225-102-4, II, du code de commerce précise que l'action qu'il ouvre à toute personne justifiant d'un intérêt à agir relève de la « juridiction compétente ». Les seuls éléments pertinents tirés des travaux parlementaires invoqués par les parties, qui ne mentionnent jamais une juridiction dont la compétence serait exclusive, résident dans :

- la précision apportée en ces termes par le député Dominique Potier dans le rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : « Le plan de < vigilance > est rendu public et annexé au rapport mentionné à l'article L. 225-102 du code de commerce. Toute personne justifiant d'un intérêt à agir peut demander, éventuellement en référé, à la juridiction civile ou commerciale d'enjoindre à la société d'établir le plan de < vigilance >, d'en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en oeuvre » (p. 69). La suppression de cette référence n'a été motivée que par la nécessité de faire jouer les règles normales d'attribution de compétence pour éviter l'exclusion « d'autres juridictions potentiellement compétentes selon les cas particuliers » (p. 36, 71 et 75) ;

- le tableau comparatif dressé en page 57 du rapport (n° 74) au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre présenté par le sénateur Christophe-André Frassa qui révèle que le texte du projet de loi comprenait la même option entre la « juridiction civile ou commerciale » qui a été remplacée par les termes généraux « juridiction compétente ». Cette substitution n'est pas expliquée autrement par l'avis fait au nom de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) que par l'absence de nécessité « de déroger aux règles de compétence juridictionnelle de droit commun en précisant que seules les juridictions civiles ou commerciales sont compétentes » (p. 27), l'avis n° 2627 fait au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) précisant pour sa part qu'il était inutile d'alourdir le texte par une précision relative à la juridiction compétente (p. 25).

Aussi, quoique ces éléments ne soient pas en faveur de la compétence exclusive invoquée par la SE Total et laissent ouverte la possibilité d'une compétence concurrente du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce, les travaux parlementaires ne permettent de faire aucun départage clair et renvoient, comme la lettre du texte, aux règles de compétence d'attribution de droit commun.

Aux termes des articles L. 211-3 et 4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction, et a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements.

Ainsi, le tribunal judiciaire a plénitude de juridiction au sens où tout litige non attribué expressément à une autre juridiction relève de sa compétence. Il se distingue du tribunal de commerce qui est une juridiction d'exception dont la compétence d'attribution est au contraire nécessairement explicitement prévue par la loi et est d'interprétation stricte. Et, si, demanderesse à l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce, la SE Total doit prouver que le litige relève de sa compétence exclusive, les collectivités territoriales et associations demanderesses, défenderesses à l'incident, peuvent se satisfaire d'une compétence concurrente.

En application de l'article L. 721-3 du code commerce, les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il est acquis que, aucune des demanderesses n'ayant la qualité de commerçant, le 1° est sans pertinence dans le litige.

Bien qu'elle consacre l'essentiel de son argumentation à l'application du 2°, la SE Total soulève incidemment la compétence exclusive du tribunal de commerce sur le fondement du 3° (§ 96 de ses écritures) au motif que le plan de < vigilance > est un acte de commerce par la forme en ce qu'il est lié au fonctionnement de la société.

Ce moyen manque en droit car l'élaboration d'un plan de < vigilance >, peu important son impact effectif sur l'organisation interne de la SE Total et sa stratégie commerciale, est décorrélée de toute production ou fourniture de marchandises et étrangère à toute spéculation sur la valeur du travail d'autrui ou d'un produit quelconque : elle n'est pas un acte de commerce par nature défini aux articles L. 110-1 et 2 du commerce (négoce, industrie, services portant sur des activités de spectacles ou des opérations financières, intermédiaires ou des marchandises, activités maritimes). Elle n'est pas non plus un acte de commerce par la forme telle la lettre de change visée par l'article L. 110-1, 10°, du code de commerce. Et, le fait que la SE Total, société par actions, soit commerciale par la forme par application de l'article L. 210-1 du code de commerce n'implique en rien que tous ses actes soient commerciaux par accessoire. Le plan de < vigilance > est un acte unilatéral légalement obligatoire et de nature civile ainsi que le confirme, outre son objet, la qualification retenue dans les travaux parlementaires de la loi.

Le caractère civil de l'< obligation > litigieuse n'impliquant aucune compétence exclusive du tribunal judiciaire en l'absence de prévision légale ou réglementaire spéciale conformément à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, et les effets de l'acte critiqué n'étant pas érigés par la loi en critère de détermination de la compétence d'attribution d'une juridiction judiciaire, le seul chef de compétence pertinent est l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce.

L'article L. 721-3 du code de commerce a été créé à droit constant (art. 86 de la loi d'habilitation n° 2004-1343 du 9 déc. 2004 de simplification du droit) par l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 abrogeant l'article L. 411-4 du code de l'organisation judiciaire antérieurement créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 pour combler rétroactivement (art. 127, III) le vide laissé par l'abrogation involontaire de l'article 631 du code de commerce issu de la loi de la loi du 17 juillet 1856. Quoique la nature de cette dernière intervention législative impliquât une codification à droit constant, l'article L. 721-3, 2°, n'a pas repris les termes exacts de l'article auquel il redonnait vie en ne retenant que les « contestations relatives aux sociétés commerciales » sans référence à l'existence d'une contestation entre associés.

Le droit positif a alors connu, sur le fondement de cette modification législative, un double élargissement de la compétence commerciale aux litiges portant sur une cession de titres d'une société commerciale peu important la nature civile ou commerciale de la cession, qui n'a pas à être une cession de contrôle, et la qualité de non-commerçant de la partie défenderesse (en ce sens, Com. 27 oct. 2009, n° 08-20.384). Dans ce cadre, il est acquis que relèvent de la compétence du tribunal de commerce les actions portant sur des faits qui se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales.

Cette notion a été entendue extensivement en jurisprudence et en doctrine pour recouvrir toutes les situations qui mettent en cause l'existence ou l'application du pacte social (expression utilisée par Com. 6 déc. 1966). Sont ainsi couverts les différends relatifs à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution d'une société commerciale ainsi qu'à la constitution du capital social et à la qualité d'associé (souscription d'actions et cessions de parts). Le fonctionnement de la société commerciale a lui-même été défini dans un sens large pour ne pas se limiter aux litiges portant sur la nomination, la révocation et la responsabilité des dirigeants sociaux mais pour intégrer tous les contentieux en lien direct avec la gestion, qui ne s'exprime pas nécessairement dans un acte de gestion, de la société (en ce sens, Com. 27 oct. 2009 déjà cité et Com. 14 nov. 2018, n° 16-26.115 et les commentaires doctrinaux produits en pièces 11 et 13 en demande à l'incident, le critère organique opposé par les demanderesses - p. 22 de leurs écritures et pièce 15 - n'étant en revanche pas posé et étant contraire à l'extension opérée au titre des cessions de titres).

C'est à l'aune de cette acception large, qui est de droit positif malgré le principe d'interprétation stricte de la compétence de la juridiction d'exception, que doit être apprécié le lien entre les < obligations > imposées à la SE Total par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce.

En vertu de cette disposition, toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de < vigilance >.

Le plan comporte les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité.

Le plan de < vigilance > et le compte rendu de sa mise en oeuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport de gestion mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

Ainsi que l'ont relevé le juge des référés du tribunal judiciaire et la cour d'appel de Versailles confirmant sa décision dans un litige très voisin dont les parties débattent (Ord. du 20 janv. 2020, n° 19/02833, et arrêt du 10 déc. 2020, n° 20/01692), par-delà les arguments formels tirés, d'une part, de l'insertion des dispositions nouvelles à la section 3 « Des assemblées d'actionnaires » du chapitre V « Des sociétés anonymes » du titre II « Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales du Livre II « Des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique » et, d'autre part, de l'inclusion du plan de < vigilance > dans le rapport de gestion prévu par l'article L. 225-100 du code de commerce en particulier pour encadrer sa publicité, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > affectent directement et significativement l'activité de la SE Total, et partant, sa gestion en lui imposant :

- d'élaborer des « procédures d'évaluation » des risques dans ses relations avec ses filiales, sous-traitants et fournisseurs, un « mécanisme d'alerte et de recueil de signalements » et un « dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité ». L'exécution de ces < obligations > complémentaires commande la création de postes dédiés et d'instruments de suivis, de contrôle et de dialogue régulièrement mis à jour avec les partenaires identifiés : elle affecte directement la gestion quotidienne de son personnel (tâches et temps de travail) par la SE Total et les activités de ses salariés ainsi que ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs ;

- des actions d'atténuation ou de prévention de risques préalablement cartographiés qui ont une incidence directe sur les choix stratégiques de la SE Total qui ne peuvent plus être opérés dans une stricte logique économique mais en intégrant des éléments antérieurement conçus comme exogènes : désormais gérée, en application de l'article 1833 du code civil, « dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), elle doit intégrer dans ses orientations stratégiques des risques d'atteintes aux droits humains et à l'environnement et, de fait, au regard de la nature de son activité, procéder à des abandons ou des réorientations substantielles.

De fait, sans que l'incident ne soit le lieu de l'examen de la suffisance des mesures prises, le document de référence 2018 de la SE Total (extraits en pièce 13) témoigne des modifications adoptées par cette dernière dans son organisation interne et son fonctionnement (élaboration de guides et d'un code de conduite, création d'outils d'autoévaluation et d'analyse des risques, conclusions d'accords dans le cadre d'une « organisation dédiée » en matière de droits humains ; création d'un pôle spécifique pour intégrer les enjeux climatiques dans la stratégie du groupe et évolution des critères de rémunération variable du président-directeur général pour prendre en compte le respect des objectifs fixés en la matière qui impose par ailleurs des actions stratégiques et des investissements propres ; normalisation de l'activité des fournisseurs...). Et, aux termes de leur assignation, les demanderesses entendent imposer à la SE Total, à travers la modification de son plan de < vigilance >, des réductions de sa production de gaz et de pétrole qui sont de nature à modifier radicalement son activité commerciale.

Ainsi, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > sont en lien direct avec la gestion de la SE Total, critère qui fonde la compétence du tribunal de commerce. Pour autant, ce constat ne commande pas à lui seul l'incompétence du tribunal judiciaire, la loi ne précisant pas que la compétence définie par l'article L. 721-3 du code de commerce, en particulier en 2°, soit exclusive. Ce caractère demeure ainsi à déterminer et touche à la question du droit d'option invoqué par les demanderesses.

Celles-ci s'appuient à ce titre sur l'arrêt Uber rendu par la Cour de cassation le 18 novembre 2020 (n° 19-19.463). Le litige, introduit devant le tribunal d'instance, opposait des chauffeurs de taxis parisiens et le syndicat de leurs sociétés coopératives à la société Uber à qui ils imputaient des actes de concurrence déloyale tenant à la création et à la commercialisation d'une application UberPop permettant la mise en relation des particuliers entre eux, les uns pouvant bénéficier des véhicules détenus par d'autres. Sur appel interjeté contre le jugement du tribunal d'instance qui avait écarté sa compétence au profit du tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce, la cour d'appel de Paris, retenant au même visa un droit d'option général appartenant à tout demandeur non-commerçant (qu'elle qualifie de « principe fondamental » en p. 98), a infirmé le jugement par arrêt du 16 mai 2019. La Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre cet arrêt au motif, qui mérite une citation intégrale à raison de sa généralité également soulignée par le sommaire de l'arrêt largement publié, que « après avoir rappelé que la compétence des juridictions consulaires peut être retenue lorsque les défendeurs sont des personnes qui n'ont ni la qualité de commerçant ni celle de dirigeant de droit d'une société commerciale dès lors que les faits qui leur sont reprochés sont en lien direct avec la gestion de cette société, c'est à bon droit que l'arrêt énonce que, toutefois, lorsque le demandeur est un non-commerçant, il dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce et qu'ayant constaté que les demandeurs n'avaient pas la qualité de commerçant, il en déduit qu'ils disposaient d'une option de compétence leur permettant de saisir valablement le juge civil d'une action en concurrence déloyale dirigée contre une société commerciale et deux de ses salariés ».

Contrairement à ce que soutient la SE Total, qui occulte par ailleurs le fait que tous les arrêts antérieurement rendus en la matière impliquaient des demandeurs commerçants et qu'ils ne statuaient pas sur le caractère exclusif de la compétence du tribunal de commerce, le fait que le litige porte sur des actes de concurrence déloyale ne fait pas obstacle à sa transposition au débat car la théorie de l'acte mixte, qui fonde une option de compétence au profit du demandeur non-commerçant et qui a été utilisée pour étendre la compétence commerciale aux personnes non-commerçantes défenderesses, n'a pu être mobilisée par la Cour : elle ne vaut qu'en matière contractuelle pour les actes conclus entre un commerçant et un non-commerçant. Or, un acte de concurrence déloyale est un fait juridique. Et, si la concurrence déloyale a pu intégrer la compétence du tribunal de commerce en ce qu'elle était un accessoire d'un acte de commerce, il est désormais acquis que le plan de < vigilance > n'en est pas un. En outre, ce fondement prétorien n'a de sens que lorsque la compétence est fondée sur l'article L. 721-3, 1°, du code de commerce en ce qu'il se réfère exclusivement à la qualité des parties à l'acte. Il n'en a plus sur le fondement de son 2°, plus objectif et indifférent à cette dernière puisqu'il s'appuie exclusivement sur l'objet du litige.

Par ailleurs, le fait que ce litige porte sur des faits de concurrence déloyale quand celui dont est saisi le tribunal relève de l'article L. 225-102-4 du code de commerce n'est en rien décisif. En effet, le II de ce texte prévoit une action en cessation de l'illicite qui est, au même titre que la réparation, une fonction de la responsabilité civile délictuelle. Le cadre juridique est ainsi le même, constat qui n'est pas de nature à induire des compétences distinctes en application des articles [L. 225-102-4 et L. 225-102-5] qui soumettent tous deux dans les mêmes termes à « la juridiction compétente » l'action qu'ils ouvrent. Et, l'option a été retenue alors que le litige présentait, à raison des faits de concurrence déloyale dans lesquels certains auteurs ont vu des actes objectivement commerciaux par accessoire, une commercialité nettement plus marquée que l'actuelle instance.

Le fondement d'une telle option, posée en toute généralité par la Cour de cassation, découle en réalité de la nature de la juridiction commerciale et de l'esprit qui a présidé à sa création, et qui demeure pour partie, ainsi que de l'objet de la contestation relative à la société commerciale.

Le tribunal de commerce, ainsi qu'il a été rappelé, est une juridiction d'exception inspirée de créations régionales puis instituée à Paris au XVIe siècle à l'initiative du chancelier Michel de l'Hospital pour satisfaire le besoin « d'une justice des marchands, rendue par les marchands, pour les marchands ». Si la compétence commerciale a été élargie, notamment à l'occasion de la loi du 15 mai 2001, et adaptée aux évolutions du commerce, cette idée persiste ainsi qu'en témoigne la structure du tribunal de commerce, juridiction consulaire composée de magistrats non-professionnels élus : il est une juridiction de pairs dont la compétence est essentiellement justifiée par la plus grande rapidité corrélée à un moindre coût du traitement des affaires ainsi que par la connaissance technique des usages et habitudes du commerce et du fonctionnement concret des sociétés commerciales dont sont dotés ses membres.

Or, si le plan de < vigilance > affecte incontestablement le fonctionnement de la SE Total, il excède très largement, par sa raison d'être et les risques dont il est destiné à prévenir la réalisation, le strict cadre de la gestion de la société commerciale. Ainsi, personne ne conteste, et les travaux préparatoires de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 l'affirment, que les dispositions de l'article L. 225-102-4 du code de commerce ont été votées car il n'était plus possible de tolérer « que se perpétuent les formes les plus manifestes d'esclavage moderne, les comportements les plus irrespectueux de la dignité des travailleurs et que l'on espérait disparus avec le XIXe siècle, l'exploitation la plus irresponsable des ressources naturelles et de l'environnement », et que, à défaut d'« incarner le "Grand soir" de la responsabilité environnementale », la loi nouvelle « poursui[vait] l'objectif plus modeste, mais aussi plus réaliste, d'ouvrir la voie et de montrer au monde que l'action est possible, que l'économie n'a pas entièrement, comme d'aucuns le prétendent, pris le pouvoir sur la politique » (introduction du rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre). Il est ainsi certain, au regard de la nature des atteintes à cartographier, surveiller et prévenir, au-delà du cercle déjà étendu des travailleurs oeuvrant directement ou indirectement pour la SE Total, que le plan de < vigilance > d'une telle entreprise touche directement la Société en son ensemble, impact qui constitue sa raison d'être, et relève de la responsabilité sociale de la SE Total, de manière plus évidente encore que l'action objet de l'arrêt Uber.

La lettre de l'article L. 225-102-4 du code de commerce révèle que la préservation des droits humains et de la Nature en général ne peut se contenter d'un « management assurantiel » et ouvert évoqué dans les travaux parlementaires et de la normalisation par le marché qu'induit la présentation du plan de < vigilance > en assemblée d'actionnaires mais commande un contrôle judiciaire. Et, celui-ci ne peut passer que par un contrôle social fort permis par la publicité du plan de < vigilance > et par une définition lâche de l'intérêt à agir, l'action étant très largement ouverte (« toute personne justifiant d'un intérêt à agir »). Ici, les associations et collectivités territoriales demanderesses ne mettent pas en oeuvre un intérêt de nature commerciale mais exclusivement la part de l'intérêt général qu'elles représentent et qui est précisément celle qui déborde de la dimension commerciale de la gestion de la SE Total. Sur celle-ci, l'exclusivité de la compétence du tribunal de commerce n'est, à raison des critères qui en fondent l'intervention, pas justifiée, constat qui explique sans doute la référence faite dans les travaux parlementaires à l'alternative entre juridictions civile et commerciale qui a été abandonnée au profit d'une formule neutre ne l'excluant pas.

Dès lors, la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l'absence de prévision d'une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l'engagement direct de la responsabilité sociale de la SE Total très au-delà du lien effectivement direct avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesses fondent à leur bénéfice un droit d'option, qu'elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu'elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce.

En conséquence, l'exception d'incompétence opposée par la SE Total sera rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens relatifs aux demandes complémentaires.

2°) Sur les demandes accessoires

Succombant à l'incident, la SE Total, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer aux demanderesses la somme de 6 000 € à charge pour elles de se la répartir à parts égales.

Les dépens seront en revanche réservés à l'examen des demandes au fond.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort mise à disposition des parties au greffe le jour du délibéré,

Rejette l'exception d'incompétence matérielle opposée par la SE Total ;

Rejette la demande de la SE Total en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SE Total à payer à l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitry-Le-François et la région Centre - Val de Loire la somme globale de six mille euros (6 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour elles de se répartir ce montant à parts égales ;

Réserve à l'examen du litige au fond par le tribunal les demandes des parties au titre des dépens ;

Conformément aux articles 780 et 781 du code de procédure civile, l'affaire et les parties sont renvoyées à l'audience de mise en état du 11 mars 2021 à 10 heures pour conclusions au fond de la SE Total et fixation d'une date prévisible de clôture et de plaidoiries [...].LE TRIBUNAL JUDICIAIRE : EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Total, devenue la SE Total, première entreprise française en termes de bénéfices cumulés sur dix ans, avec un chiffre d'affaires de près de 210 milliards de dollars en 2018 et plus de 104 000 salariés, est la société de tête, cotée sur le marché Euronext Paris, d'un groupe de 1 191 sociétés au 31 décembre 2018 dont les activités, déployées dans 130 pays, comprennent l'exploration et la production de pétrole et de gaz, le raffinage, la pétrochimie, la production d'électricité bas carbone et la distribution d'énergie sous diverses formes, dont les produits pétroliers et l'électricité, jusqu'au client final.

Elle est soumise à l'article L. 225-102-4 du code de commerce créé par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre et modifié par l'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 qui a instauré, pour chaque société qui emploie au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés elle-même et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, l'< obligation > d'élaborer, publier et mettre en oeuvre un plan comportant les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

La SE Total ayant publié le 15 mars 2018 son premier plan de < vigilance > inséré dans son document de référence pour l'année 2017, quatorze collectivités territoriales et cinq associations françaises ont, par courrier de leurs conseils du 22 octobre 2018, dénoncé ses insuffisances en matière de risques d'atteintes graves au système climatique directement induits par ses activités. En retour, par lettre du 14 janvier 2019, la SE Total soulignait la prise en compte adéquate de ces derniers.

Les échanges se poursuivaient mais n'aboutissaient, malgré l'organisation d'une réunion au siège de la SE Total le 18 juin 2019, à aucun règlement amiable du litige naissant. Aussi, par lettre de leur conseil du 19 juin 2019, les quatorze collectivités territoriales et cinq associations ont mis en demeure cette dernière de respecter les < obligations > édictées par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce en publiant dans un délai de trois mois un nouveau plan de < vigilance > conforme aux exigences légales.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 28 janvier 2020, l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitry-Le-François et la région Centre - Val de Loire ont assigné la SE Total devant le tribunal judiciaire de Nanterre sur le fondement des articles L. 225-102-4 du code de commerce et 1252 du code civil.

Dans ses dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SE Total demande in limine litis au juge de la mise en état au visa des articles L. 225-102-4 et L. 721-3 du code de commerce, 1252 du code civil et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement incompétent ;

- en conséquence, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

- condamner les demanderesses à payer solidairement à la SE Total la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les demanderesses aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Me Denis Chemla.

En réplique, dans leurs dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 15 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, les demanderesses demandent au juge de la mise en état, au visa des articles L. 225-102-4, L. 225-102-5 et L. 721-3 du code de commerce, 1240, 1246 à 1252 du code civil, L. 211-3 et suivants et L. 211-20 du code de l'organisation judiciaire et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevables et bien fondées les concluantes ;

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement compétent ;

- en conséquence, débouter la SE Total de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la SE Total à payer aux associations et aux collectivités demanderesses au principal la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SE Total aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Maîtres Sébastien Mabile et François de Cambiaire.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'ordonnance sera contradictoire conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

À titre liminaire, le juge de la mise en état constate que, si la commune de Champneuville ne figure pas sur la première page des dernières écritures des demanderesses, celle-ci ne s'est pas désistée de son instance ou de son action. Le mandat de son conseil n'a pas non plus été révoqué au sens des articles 418 et 419 du code de procédure civile. Aussi demeure-t-elle partie au litige, analyse que partage la SE Total qui la vise dans ses dernières conclusions.

1°) Sur l'exception d'incompétence matérielle

Moyens des parties

Au soutien de son exception d'incompétence matérielle, la SE Total expose que, dans le silence de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, l'application des dispositions de droit commun emporte la compétence exclusive du tribunal de commerce pour connaître des actions fondées sur la violation des < obligations > relatives au plan de < vigilance > car :

- l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce donne compétence exclusive au tribunal de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, peu important la qualité des parties, dès lors que les faits allégués se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales. Elle précise que ce lien, entendu largement, ne suppose aucun acte de gestion au sens strict et que la règle de droit applicable au fond est sans incidence sur son application, constat qui prive de pertinence l'invocation, d'ailleurs infondée, de la nature civile de l'< obligation > édictée par l'article L. 225-102-4 du code de commerce ;

- le plan de < vigilance > 2018, établi sous l'autorité du conseil d'administration de Total et soumis au vote de l'assemblée de ses actionnaires lors de l'adoption des comptes annuels et du rapport de gestion conformément à l'article L. 225-100 du code de commerce, constitue, en son élaboration et en son adoption, un acte de gestion, les actions mises en oeuvre, comme celles souhaitées par les demanderesses qui touchent à sa stratégie globale, affectant directement son fonctionnement quotidien (gestion des ressources humaines, gouvernance, sécurité des salariés et du personnel, choix des fournisseurs).

Elle ajoute que les demanderesses ne disposent pas d'un droit d'option à raison de leur qualité de non-commerçant et que l'arrêt dit Uber rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 novembre 2020 n'est pas transposable en ce qu'il portait sur une action en concurrence déloyale et fondait le droit d'option sur l'existence d'un acte mixte par accessoire ici inexistant, l'édiction du plan de < vigilance > constituant un acte de gestion unilatéral. Elle précise que les « sociétés commerciales » constituent des actes de commerce par la forme et que le plan de < vigilance >, en ce qu'il touche à son fonctionnement, est un acte de commerce par la forme, qualification emportant compétence du tribunal de commerce par application de l'article L. 721-3, 3°, du code de commerce.

Enfin, la SE Total explique que, identiques aux demandes principales, poursuivant exactement les mêmes fins et également liées à son fonctionnement, les demandes dites complémentaires n'affectent pas la détermination de la compétence faute de relever de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les règles opposées touchant exclusivement à la concentration territoriale des juridictions spécialisées dans la réparation du préjudice écologique.

En réplique, les demanderesses exposent que le tribunal judiciaire est, faute d'attribution spéciale de compétence à une autre juridiction, compétent sur le fondement de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire à raison de la nature civile du devoir de < vigilance >, cette nature découlant des objectifs de la loi (régulation des activités des entreprises envers les tiers), de sa consécration par le Conseil constitutionnel le 23 mars 2017, des travaux parlementaires et des effets et de l'objet (prévention des risques en matières environnementale, d'atteinte aux droits humains et d'atteintes à la santé et à la sécurité des personnes qui sont autant de matière relevant la compétence exclusive du tribunal judiciaire) de la norme de comportement dont le plan de < vigilance > est le support.

Subsidiairement, elles contestent tout lien direct du plan de < vigilance > avec la gestion de la SE Total. Soulignant la nécessité d'interpréter cette notion strictement à raison du caractère dérogatoire de la compétence commerciale, elles soutiennent que ce lien suppose l'accomplissement, ici absent, d'un acte par les organes de gestion de la société et que les engagements pris par la SE Total impliquent toutes les composantes de la société ainsi que toutes les parties prenantes et ont des conséquences dommageables pour les tiers qui excèdent celles des actes de gestion.

Elles invoquent en outre un droit d'option tiré de leur qualité de non-commerçant et de la nature mixte des actes pris en application des < obligations > tenant au devoir de < vigilance >. Et, s'appuyant sur l'arrêt Uber, elles opposent un droit d'option général fondé sur leur qualité indépendamment de l'existence d'un acte mixte.

Enfin, elles prétendent que leurs demandes complémentaires, en ce qu'elles sont fondées distinctement et de manière autonome sur l'article 1252 du code civil, relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Appréciation du juge de la mise en état

En application de l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au litige conformément à son article 55, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l'exception soient d'ordre public.

Et, en vertu des articles 75 et 76 du même code, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée, le juge pouvant, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

L'article L. 225-102-4, II, du code de commerce précise que l'action qu'il ouvre à toute personne justifiant d'un intérêt à agir relève de la « juridiction compétente ». Les seuls éléments pertinents tirés des travaux parlementaires invoqués par les parties, qui ne mentionnent jamais une juridiction dont la compétence serait exclusive, résident dans :

- la précision apportée en ces termes par le député Dominique Potier dans le rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : « Le plan de < vigilance > est rendu public et annexé au rapport mentionné à l'article L. 225-102 du code de commerce. Toute personne justifiant d'un intérêt à agir peut demander, éventuellement en référé, à la juridiction civile ou commerciale d'enjoindre à la société d'établir le plan de < vigilance >, d'en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en oeuvre » (p. 69). La suppression de cette référence n'a été motivée que par la nécessité de faire jouer les règles normales d'attribution de compétence pour éviter l'exclusion « d'autres juridictions potentiellement compétentes selon les cas particuliers » (p. 36, 71 et 75) ;

- le tableau comparatif dressé en page 57 du rapport (n° 74) au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre présenté par le sénateur Christophe-André Frassa qui révèle que le texte du projet de loi comprenait la même option entre la « juridiction civile ou commerciale » qui a été remplacée par les termes généraux « juridiction compétente ». Cette substitution n'est pas expliquée autrement par l'avis fait au nom de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) que par l'absence de nécessité « de déroger aux règles de compétence juridictionnelle de droit commun en précisant que seules les juridictions civiles ou commerciales sont compétentes » (p. 27), l'avis n° 2627 fait au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) précisant pour sa part qu'il était inutile d'alourdir le texte par une précision relative à la juridiction compétente (p. 25).

Aussi, quoique ces éléments ne soient pas en faveur de la compétence exclusive invoquée par la SE Total et laissent ouverte la possibilité d'une compétence concurrente du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce, les travaux parlementaires ne permettent de faire aucun départage clair et renvoient, comme la lettre du texte, aux règles de compétence d'attribution de droit commun.

Aux termes des articles L. 211-3 et 4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction, et a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements.

Ainsi, le tribunal judiciaire a plénitude de juridiction au sens où tout litige non attribué expressément à une autre juridiction relève de sa compétence. Il se distingue du tribunal de commerce qui est une juridiction d'exception dont la compétence d'attribution est au contraire nécessairement explicitement prévue par la loi et est d'interprétation stricte. Et, si, demanderesse à l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce, la SE Total doit prouver que le litige relève de sa compétence exclusive, les collectivités territoriales et associations demanderesses, défenderesses à l'incident, peuvent se satisfaire d'une compétence concurrente.

En application de l'article L. 721-3 du code commerce, les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il est acquis que, aucune des demanderesses n'ayant la qualité de commerçant, le 1° est sans pertinence dans le litige.

Bien qu'elle consacre l'essentiel de son argumentation à l'application du 2°, la SE Total soulève incidemment la compétence exclusive du tribunal de commerce sur le fondement du 3° (§ 96 de ses écritures) au motif que le plan de < vigilance > est un acte de commerce par la forme en ce qu'il est lié au fonctionnement de la société.

Ce moyen manque en droit car l'élaboration d'un plan de < vigilance >, peu important son impact effectif sur l'organisation interne de la SE Total et sa stratégie commerciale, est décorrélée de toute production ou fourniture de marchandises et étrangère à toute spéculation sur la valeur du travail d'autrui ou d'un produit quelconque : elle n'est pas un acte de commerce par nature défini aux articles L. 110-1 et 2 du commerce (négoce, industrie, services portant sur des activités de spectacles ou des opérations financières, intermédiaires ou des marchandises, activités maritimes). Elle n'est pas non plus un acte de commerce par la forme telle la lettre de change visée par l'article L. 110-1, 10°, du code de commerce. Et, le fait que la SE Total, société par actions, soit commerciale par la forme par application de l'article L. 210-1 du code de commerce n'implique en rien que tous ses actes soient commerciaux par accessoire. Le plan de < vigilance > est un acte unilatéral légalement obligatoire et de nature civile ainsi que le confirme, outre son objet, la qualification retenue dans les travaux parlementaires de la loi.

Le caractère civil de l'< obligation > litigieuse n'impliquant aucune compétence exclusive du tribunal judiciaire en l'absence de prévision légale ou réglementaire spéciale conformément à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, et les effets de l'acte critiqué n'étant pas érigés par la loi en critère de détermination de la compétence d'attribution d'une juridiction judiciaire, le seul chef de compétence pertinent est l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce.

L'article L. 721-3 du code de commerce a été créé à droit constant (art. 86 de la loi d'habilitation n° 2004-1343 du 9 déc. 2004 de simplification du droit) par l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 abrogeant l'article L. 411-4 du code de l'organisation judiciaire antérieurement créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 pour combler rétroactivement (art. 127, III) le vide laissé par l'abrogation involontaire de l'article 631 du code de commerce issu de la loi de la loi du 17 juillet 1856. Quoique la nature de cette dernière intervention législative impliquât une codification à droit constant, l'article L. 721-3, 2°, n'a pas repris les termes exacts de l'article auquel il redonnait vie en ne retenant que les « contestations relatives aux sociétés commerciales » sans référence à l'existence d'une contestation entre associés.

Le droit positif a alors connu, sur le fondement de cette modification législative, un double élargissement de la compétence commerciale aux litiges portant sur une cession de titres d'une société commerciale peu important la nature civile ou commerciale de la cession, qui n'a pas à être une cession de contrôle, et la qualité de non-commerçant de la partie défenderesse (en ce sens, Com. 27 oct. 2009, n° 08-20.384). Dans ce cadre, il est acquis que relèvent de la compétence du tribunal de commerce les actions portant sur des faits qui se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales.

Cette notion a été entendue extensivement en jurisprudence et en doctrine pour recouvrir toutes les situations qui mettent en cause l'existence ou l'application du pacte social (expression utilisée par Com. 6 déc. 1966). Sont ainsi couverts les différends relatifs à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution d'une société commerciale ainsi qu'à la constitution du capital social et à la qualité d'associé (souscription d'actions et cessions de parts). Le fonctionnement de la société commerciale a lui-même été défini dans un sens large pour ne pas se limiter aux litiges portant sur la nomination, la révocation et la responsabilité des dirigeants sociaux mais pour intégrer tous les contentieux en lien direct avec la gestion, qui ne s'exprime pas nécessairement dans un acte de gestion, de la société (en ce sens, Com. 27 oct. 2009 déjà cité et Com. 14 nov. 2018, n° 16-26.115 et les commentaires doctrinaux produits en pièces 11 et 13 en demande à l'incident, le critère organique opposé par les demanderesses - p. 22 de leurs écritures et pièce 15 - n'étant en revanche pas posé et étant contraire à l'extension opérée au titre des cessions de titres).

C'est à l'aune de cette acception large, qui est de droit positif malgré le principe d'interprétation stricte de la compétence de la juridiction d'exception, que doit être apprécié le lien entre les < obligations > imposées à la SE Total par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce.

En vertu de cette disposition, toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de < vigilance >.

Le plan comporte les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité.

Le plan de < vigilance > et le compte rendu de sa mise en oeuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport de gestion mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

Ainsi que l'ont relevé le juge des référés du tribunal judiciaire et la cour d'appel de Versailles confirmant sa décision dans un litige très voisin dont les parties débattent (Ord. du 20 janv. 2020, n° 19/02833, et arrêt du 10 déc. 2020, n° 20/01692), par-delà les arguments formels tirés, d'une part, de l'insertion des dispositions nouvelles à la section 3 « Des assemblées d'actionnaires » du chapitre V « Des sociétés anonymes » du titre II « Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales du Livre II « Des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique » et, d'autre part, de l'inclusion du plan de < vigilance > dans le rapport de gestion prévu par l'article L. 225-100 du code de commerce en particulier pour encadrer sa publicité, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > affectent directement et significativement l'activité de la SE Total, et partant, sa gestion en lui imposant :

- d'élaborer des « procédures d'évaluation » des risques dans ses relations avec ses filiales, sous-traitants et fournisseurs, un « mécanisme d'alerte et de recueil de signalements » et un « dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité ». L'exécution de ces < obligations > complémentaires commande la création de postes dédiés et d'instruments de suivis, de contrôle et de dialogue régulièrement mis à jour avec les partenaires identifiés : elle affecte directement la gestion quotidienne de son personnel (tâches et temps de travail) par la SE Total et les activités de ses salariés ainsi que ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs ;

- des actions d'atténuation ou de prévention de risques préalablement cartographiés qui ont une incidence directe sur les choix stratégiques de la SE Total qui ne peuvent plus être opérés dans une stricte logique économique mais en intégrant des éléments antérieurement conçus comme exogènes : désormais gérée, en application de l'article 1833 du code civil, « dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), elle doit intégrer dans ses orientations stratégiques des risques d'atteintes aux droits humains et à l'environnement et, de fait, au regard de la nature de son activité, procéder à des abandons ou des réorientations substantielles.

De fait, sans que l'incident ne soit le lieu de l'examen de la suffisance des mesures prises, le document de référence 2018 de la SE Total (extraits en pièce 13) témoigne des modifications adoptées par cette dernière dans son organisation interne et son fonctionnement (élaboration de guides et d'un code de conduite, création d'outils d'autoévaluation et d'analyse des risques, conclusions d'accords dans le cadre d'une « organisation dédiée » en matière de droits humains ; création d'un pôle spécifique pour intégrer les enjeux climatiques dans la stratégie du groupe et évolution des critères de rémunération variable du président-directeur général pour prendre en compte le respect des objectifs fixés en la matière qui impose par ailleurs des actions stratégiques et des investissements propres ; normalisation de l'activité des fournisseurs...). Et, aux termes de leur assignation, les demanderesses entendent imposer à la SE Total, à travers la modification de son plan de < vigilance >, des réductions de sa production de gaz et de pétrole qui sont de nature à modifier radicalement son activité commerciale.

Ainsi, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > sont en lien direct avec la gestion de la SE Total, critère qui fonde la compétence du tribunal de commerce. Pour autant, ce constat ne commande pas à lui seul l'incompétence du tribunal judiciaire, la loi ne précisant pas que la compétence définie par l'article L. 721-3 du code de commerce, en particulier en 2°, soit exclusive. Ce caractère demeure ainsi à déterminer et touche à la question du droit d'option invoqué par les demanderesses.

Celles-ci s'appuient à ce titre sur l'arrêt Uber rendu par la Cour de cassation le 18 novembre 2020 (n° 19-19.463). Le litige, introduit devant le tribunal d'instance, opposait des chauffeurs de taxis parisiens et le syndicat de leurs sociétés coopératives à la société Uber à qui ils imputaient des actes de concurrence déloyale tenant à la création et à la commercialisation d'une application UberPop permettant la mise en relation des particuliers entre eux, les uns pouvant bénéficier des véhicules détenus par d'autres. Sur appel interjeté contre le jugement du tribunal d'instance qui avait écarté sa compétence au profit du tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce, la cour d'appel de Paris, retenant au même visa un droit d'option général appartenant à tout demandeur non-commerçant (qu'elle qualifie de « principe fondamental » en p. 98), a infirmé le jugement par arrêt du 16 mai 2019. La Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre cet arrêt au motif, qui mérite une citation intégrale à raison de sa généralité également soulignée par le sommaire de l'arrêt largement publié, que « après avoir rappelé que la compétence des juridictions consulaires peut être retenue lorsque les défendeurs sont des personnes qui n'ont ni la qualité de commerçant ni celle de dirigeant de droit d'une société commerciale dès lors que les faits qui leur sont reprochés sont en lien direct avec la gestion de cette société, c'est à bon droit que l'arrêt énonce que, toutefois, lorsque le demandeur est un non-commerçant, il dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce et qu'ayant constaté que les demandeurs n'avaient pas la qualité de commerçant, il en déduit qu'ils disposaient d'une option de compétence leur permettant de saisir valablement le juge civil d'une action en concurrence déloyale dirigée contre une société commerciale et deux de ses salariés ».

Contrairement à ce que soutient la SE Total, qui occulte par ailleurs le fait que tous les arrêts antérieurement rendus en la matière impliquaient des demandeurs commerçants et qu'ils ne statuaient pas sur le caractère exclusif de la compétence du tribunal de commerce, le fait que le litige porte sur des actes de concurrence déloyale ne fait pas obstacle à sa transposition au débat car la théorie de l'acte mixte, qui fonde une option de compétence au profit du demandeur non-commerçant et qui a été utilisée pour étendre la compétence commerciale aux personnes non-commerçantes défenderesses, n'a pu être mobilisée par la Cour : elle ne vaut qu'en matière contractuelle pour les actes conclus entre un commerçant et un non-commerçant. Or, un acte de concurrence déloyale est un fait juridique. Et, si la concurrence déloyale a pu intégrer la compétence du tribunal de commerce en ce qu'elle était un accessoire d'un acte de commerce, il est désormais acquis que le plan de < vigilance > n'en est pas un. En outre, ce fondement prétorien n'a de sens que lorsque la compétence est fondée sur l'article L. 721-3, 1°, du code de commerce en ce qu'il se réfère exclusivement à la qualité des parties à l'acte. Il n'en a plus sur le fondement de son 2°, plus objectif et indifférent à cette dernière puisqu'il s'appuie exclusivement sur l'objet du litige.

Par ailleurs, le fait que ce litige porte sur des faits de concurrence déloyale quand celui dont est saisi le tribunal relève de l'article L. 225-102-4 du code de commerce n'est en rien décisif. En effet, le II de ce texte prévoit une action en cessation de l'illicite qui est, au même titre que la réparation, une fonction de la responsabilité civile délictuelle. Le cadre juridique est ainsi le même, constat qui n'est pas de nature à induire des compétences distinctes en application des articles [L. 225-102-4 et L. 225-102-5] qui soumettent tous deux dans les mêmes termes à « la juridiction compétente » l'action qu'ils ouvrent. Et, l'option a été retenue alors que le litige présentait, à raison des faits de concurrence déloyale dans lesquels certains auteurs ont vu des actes objectivement commerciaux par accessoire, une commercialité nettement plus marquée que l'actuelle instance.

Le fondement d'une telle option, posée en toute généralité par la Cour de cassation, découle en réalité de la nature de la juridiction commerciale et de l'esprit qui a présidé à sa création, et qui demeure pour partie, ainsi que de l'objet de la contestation relative à la société commerciale.

Le tribunal de commerce, ainsi qu'il a été rappelé, est une juridiction d'exception inspirée de créations régionales puis instituée à Paris au XVIe siècle à l'initiative du chancelier Michel de l'Hospital pour satisfaire le besoin « d'une justice des marchands, rendue par les marchands, pour les marchands ». Si la compétence commerciale a été élargie, notamment à l'occasion de la loi du 15 mai 2001, et adaptée aux évolutions du commerce, cette idée persiste ainsi qu'en témoigne la structure du tribunal de commerce, juridiction consulaire composée de magistrats non-professionnels élus : il est une juridiction de pairs dont la compétence est essentiellement justifiée par la plus grande rapidité corrélée à un moindre coût du traitement des affaires ainsi que par la connaissance technique des usages et habitudes du commerce et du fonctionnement concret des sociétés commerciales dont sont dotés ses membres.

Or, si le plan de < vigilance > affecte incontestablement le fonctionnement de la SE Total, il excède très largement, par sa raison d'être et les risques dont il est destiné à prévenir la réalisation, le strict cadre de la gestion de la société commerciale. Ainsi, personne ne conteste, et les travaux préparatoires de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 l'affirment, que les dispositions de l'article L. 225-102-4 du code de commerce ont été votées car il n'était plus possible de tolérer « que se perpétuent les formes les plus manifestes d'esclavage moderne, les comportements les plus irrespectueux de la dignité des travailleurs et que l'on espérait disparus avec le XIXe siècle, l'exploitation la plus irresponsable des ressources naturelles et de l'environnement », et que, à défaut d'« incarner le "Grand soir" de la responsabilité environnementale », la loi nouvelle « poursui[vait] l'objectif plus modeste, mais aussi plus réaliste, d'ouvrir la voie et de montrer au monde que l'action est possible, que l'économie n'a pas entièrement, comme d'aucuns le prétendent, pris le pouvoir sur la politique » (introduction du rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre). Il est ainsi certain, au regard de la nature des atteintes à cartographier, surveiller et prévenir, au-delà du cercle déjà étendu des travailleurs oeuvrant directement ou indirectement pour la SE Total, que le plan de < vigilance > d'une telle entreprise touche directement la Société en son ensemble, impact qui constitue sa raison d'être, et relève de la responsabilité sociale de la SE Total, de manière plus évidente encore que l'action objet de l'arrêt Uber.

La lettre de l'article L. 225-102-4 du code de commerce révèle que la préservation des droits humains et de la Nature en général ne peut se contenter d'un « management assurantiel » et ouvert évoqué dans les travaux parlementaires et de la normalisation par le marché qu'induit la présentation du plan de < vigilance > en assemblée d'actionnaires mais commande un contrôle judiciaire. Et, celui-ci ne peut passer que par un contrôle social fort permis par la publicité du plan de < vigilance > et par une définition lâche de l'intérêt à agir, l'action étant très largement ouverte (« toute personne justifiant d'un intérêt à agir »). Ici, les associations et collectivités territoriales demanderesses ne mettent pas en oeuvre un intérêt de nature commerciale mais exclusivement la part de l'intérêt général qu'elles représentent et qui est précisément celle qui déborde de la dimension commerciale de la gestion de la SE Total. Sur celle-ci, l'exclusivité de la compétence du tribunal de commerce n'est, à raison des critères qui en fondent l'intervention, pas justifiée, constat qui explique sans doute la référence faite dans les travaux parlementaires à l'alternative entre juridictions civile et commerciale qui a été abandonnée au profit d'une formule neutre ne l'excluant pas.

Dès lors, la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l'absence de prévision d'une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l'engagement direct de la responsabilité sociale de la SE Total très au-delà du lien effectivement direct avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesses fondent à leur bénéfice un droit d'option, qu'elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu'elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce.

En conséquence, l'exception d'incompétence opposée par la SE Total sera rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens relatifs aux demandes complémentaires.

2°) Sur les demandes accessoires

Succombant à l'incident, la SE Total, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer aux demanderesses la somme de 6 000 € à charge pour elles de se la répartir à parts égales.

Les dépens seront en revanche réservés à l'examen des demandes au fond.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort mise à disposition des parties au greffe le jour du délibéré,

Rejette l'exception d'incompétence matérielle opposée par la SE Total ;

Rejette la demande de la SE Total en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SE Total à payer à l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitr

y-Le-François et la région Centre - Val de Loire la somme globale de six mille euros (6 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour elles de se répartir ce montant à parts égales ;

Réserve à l'examen du litige au fond par le tribunal les demandes des parties au titre des dépens ;

Conformément aux articles 780 et 781 du code de procédure civile, l'affaire et les parties sont renvoyées à l'audience de mise en état du 11 mars 2021 à 10 heures pour conclusions au fond de la SE Total et fixation d'une date prévisible de clôture et de plaidoiries [...].

17 septembre 2019

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

4 juin 2018

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Référence complète : Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, Ordonnance de validation de la Convention judiciaire d'intérêt public, Société Générale, 4 juin 2018.

Lire l'Ordonnance.

7 février 2018

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2016 et le 10 novembre 2017, Mme X., représentée par Maître Rineau, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la délibération du 5 février 2016 par laquelle le conseil municipal de la ville de Nantes a approuvé les termes de la convention pluriannuelle de financement 2016-2018 conclue avec l'association Centre Lesbien, Gay, Biet Transidentitaire (LGBT) de Nantes et autorisé le maire à signer cette convention ;
2°) d'enjoindre à la commune de Nantes d'émettre un titre de recette à fin de remboursement de la subvention de 22 000 € allouée au Centre LGBT de Nantes en application de cette convention dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes une somme de 3 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que : la requête est recevable ; la délibération est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'est pas établi, d'une part, que la note explicative de synthèse prévue par les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales était jointe à la convocation adressée aux membres du conseil municipal et, d'autre part, que les membres du conseil municipal ont préalablement consenti à la transmission dématérialisée de la convocation, de l'ordre du jour et du dossier de séance de la réunion lors de laquelle la délibération a été adoptée ; la délibération méconnaît les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en ce qu'elle approuve une convention allouant une
subvention pluriannuelle sur la période 2016-2018 sans en définir le montant pour les années 2017 et 2018 ; l'attribution de cette subvention ne répond pas à un intérêt public local suffisant ; l'attribution de cette subvention à une association intervenant au profit d'une catégorie de population seulement
méconnaît le principe d'égalité ; l'attribution de cette subvention méconnaît le principe de neutralité en ce qu'elle est versée à une association
menant des actions à caractère politique et apportant son soutien à la gestation pour autrui, pratique illicite pénalement sanctionnée ; l'attribution de la subvention contrevient aux dispositions des articles 227-12 et 121-7 du code pénal.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 28 novembre 2017, la commune de Nantes, représentée par Maître Reveau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 € soit mise à la charge de Mm e X. et de M. Y. sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que : la requête est irrecevable en ce que la requérante ne pouvait exercer qu'un recours de pleine juridiction dirigécontre la convention d'attribution de la subvention litigieuse et non un recours en excès de pouvoir dirigé contre la
délibération du conseil municipal autorisant sa signature ;subsidiairement, la requérante, qui ne justifie pas de sa qualité de contribuable local, est dépourvue d'intérêt pour agir ;les autres moyens soulevés par Mme X. ne sont pas fondés.
Par une intervention, enregistrée le 31 mai 2016, M Y., représenté par M e Rineau, demande que le tribunal fasse
droit aux conclusions de la requête de Mm e X. et qu'une somme de 1 000 € soit mise à la charge de la commune de
Nantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il se réfère aux moyens exposés dans la requête de Mm e X.
Un mémoire présenté pour Mm e X. a été enregistré le 21 décembre 2017

Vu les pièces du dossier ;
Vu :
le code général des collectivités territoriales ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. Dardé,
les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
les observations de Me Veauvy, avocat de M m e X. et de M. Y. et de M e Cemier, substituant M e Reveau, avocat de la commune de Nantes.
Une note en délibéré, présentée par Mm e X., a été enregistrée le 1e r janvier 2018.
1. Considérant que, par une délibération du 5 février 2016, le conseil municipal de la commune de Nantes a décidé d'accorder à l'association Centre LGBT une subvention de fonctionnement de 22 000 € au titre de l'année 2016, d'approuver les termes d'une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens avec cette association, et d'autoriser le maire à signer cette convention ; que cette convention a été signée le 12 février 2016 par le maire et le président de l'association ; que Mm e X. demande l'annulation de la délibération du 5 février 2016 ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Nantes :
2. Considérant, en premier lieu, que l'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire ; que, toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la délibération du 5 février 2016 par laquelle le conseil municipal a décidé d'accorder à l'association Centre LGBT de Nantes une subvention d'un montant de 22 000 € au titre de l'année 2016, dont les conditions d'attribution sont définies par une convention de subvention pluriannuelle,
constitue un acte administratif unilatéral, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation pour excès de pouvoir ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que la requérante ne pouvait utilement exercer à l'encontre de cette délibération qu'un recours de pleine juridiction contre la convention d'attribution de la subvention
litigieuse dans les termes de la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » du 4 avril 2014 du Conseil d’État, doit être écartée ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mm e X. justifie de sa qualité de contribuable de la ville de Nantes par la production d'un avis de taxe foncière ; que cette qualité suffit à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour former un recours en annulation pour excès de pouvoir à l'encontre de la délibération attaquée;
Sur l'intervention de M. Y. :
5. Considérant que M. Y., en sa qualité, non contestée, de contribuable de la ville de Nantes, a intérêt à l'annulation
de la délibération du 5 février 2016 ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales :
« Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » ;
7. Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives spéciales autorisant expressément la commune àaccorder des concours financiers, celle-ci ne peut accorder une subvention à une association qu'à la condition qu'elle soit justifiée par un intérêt public communal et ne soit attribuée ni pour des motifs politiques ni pour apporter un soutien à l'une des parties dans un conflit collectif du travail ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 2.13 de ses statuts, l'association Centre LGBT s'est notamment donné pourmission « la lutte, sous toutes ses formes légales, pour l'accès à l'égalité des droits personnels et sociaux des personnes homosexuelles, transsexuelles et bisexuelles » ; qu'il ressort des pièces du dossier que cet objectif s'est notamment traduit, dans une période proche de la décision d'attribution de la subvention litigieuse, par la
publication sur le site internet de l'association Centre LGBT de Nantes de communiqués de presse et d'appels à manifestation en faveur de l'élargissement des conditions d'accès à la procréation médicalement assistée et, dans le cadre des débats ayant précédé l'adoption de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, ainsi que par la contribution de l'association à l'organisation, le 27 novembre 2015, d'une réunion d'information sur la « gestation pour autrui », qui a fait l'objet d'un communiqué sur le site internet de l'association, annonçant notamment la présence aux débats d'un couple ayant recouru récemment à la GPA (gestation pour autrui) ; qu'eu égard à ces prises de position publiques adoptées ou relayées par l'association Centre LGBT de Nantes, notamment en faveur de la GPA, contraire à l'ordre public français et pénalement réprimée, l'attribution de la subvention litigieuse par la ville de Nantes ne peut être regardée comme exempte de tout motif politique ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que la délibération attaquée est entachée d'illégalité ;
que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu d'annuler la délibération attaquée du 5 février 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; que selon l'article L. 911-3 du même code :  « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. » ;
10. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de la délibération attaquée, le présent jugement implique nécessairement le reversement par l'association Centre LGBT de Nantes de la somme de 22 000 € de subvention attribuée au titre de l'année 2016 ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre à la commune de Nantes de procéder au
recouvrement de cette somme dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mm e X. qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Nantes demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Nantes une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par Mm e X. et non compris dans les dépens ;
12. Considérant que M. Y., intervenant, n'a pas la qualité de partie à l'instance ; que, par suite, il ne peut utilement solliciter, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la mise à la charge de la ville de Nantes des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1e r : L'intervention de M. Y. est admise.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune de Nantes du 5 février 2016 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Nantes de procéder au recouvrement de la somme de 22 000 (vingt-deux
mille) € attribuée à l'association Centre LGBT dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent
jugement.
Article 4 : La commune de Nantes versera à Mm e X. une somme de 1 500 (mille cinq cents) € en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Nantes et par M. Y. tendant à l'application de l'article L.
761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mm e X. à M. Y., à la commune de Nantes et à l'association Centre
Lesbien Gay Bi et Transidentitaire de Nantes.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

 

21 décembre 2017

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Référence complète :

 

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15 mars 2017

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Référence complète : Paris, 15 mars 2017, Altice N.V. S.A.

 

Lire l'arrêt.

23 septembre 2016

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Lire la première partie de l'arrêt.

Lire la seconde partie de l'arrêt.

25 septembre 2015

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Ici, l'instance devant les juges du fond se développe en même temps que les décisions de justice se sont successivement développées.

Ainsi, en 2010, les époux M., français qui résident au Vietnam, ont déclaré au consulat général français d'Hô Chi Minh une enfant comme étant née d'une "mère porteuse", en demandant qu'elle soit déclarée comme étant leur fille, et font également état d'une mention sur l'état civil de Bombay d'un acte de naissance de la même enfant, les mentionnant comme "parents d'intention".

Le Tribunal de Grande Instance de Nantes annule l'acte de naissance litigieux par un jugement du 22 mai 2014 en posant qu'il est entaché de fraude en ce qu'il est l'aboutissement d'une convention de gestation pour autrui, ce qui constitue une fraude à la loi française et une violation de l'ordre public international.

Les époux forment appel en se prévalant et des arrêts de la CEDH du 26 juin 2014, imposant la transcription pour la filiation entre l'enfant et son père biologique, dans l'indifférence de la gestation pour autrui dont l'enfant est issu, et ajoutant que l'enfant a la possession d'état d'enfant à l'égard de sa "mère d'intention" ce qui justifie d'une façon autonome l'établissement d'un lien de filiation maternelle à l'égard de celle-ci.

La Cour d'appel de Rennes, dans son arrêt du 28 septembre 2015, rejette ces arguments et confirme l'annulation prononcée par le Tribunal de Grande instance de Nantes, tout en changeant la motivation de la décision.

 

Lire ci-dessous le détail de l'arrêt.

 

8 février 2013

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11 décembre 2012

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24 juin 2004

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7 mars 2000

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

8 juillet 1981

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Référence complète : TGI Paris, Licra c/ R. Faurisson, 8 juillet 1981

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Lire le jugement.

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► Présentation du jugement :  Dans cette affaire, Robert Faurisson, se prévalant de travaux d’histoire critique, soutint la thèse comme quoi les chambres à gaz n’avaient jamais existé dans le prétendu génocide des juifs. La LICRA l’attaqua en responsabilité civile devant le juge.

Celui-ci posa que l’historien a une liberté pleine et entière d’exposer selon ses vues personnelles les faits historiques, mais que toute liberté est liée à l’acceptation d’une responsabilité. Or, le fait de récuser systématiquement tout argument contraire à sa thèse fait que cet auteur a manqué aux obligations de neutralité intellectuelle qui s’imposent au chercheur et justifient sa responsabilité scientifique.

Ce jugement arrive à retenir une responsabilité pour faute, sans pour autant affirmer une "vérité historique".

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