16 octobre 2017

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Une leçon probatoire : l'arrêt de la CJUE Intell du 6 septembre 2017

par Marie-Anne Frison-Roche

L'arrêt rendu le 6 septembre 2017 par la Cour de Justice de l'Union européenne dans le cas Intell c/ Commission Européenne est exemplaire. Il constitue une leçon de droit, un trame de la façon dont une autorité de sanction doit fonctionner : leçon de procédure, au point de contact entre la forme et le fond que constitue la preuve. C'est en cela que le Droit économique, si inspiré par les théories économiques soit-il, doit satisfaire les principes directeurs du droit les plus fondamentaux comme les plus simples, par exemple : l'Autorité ne peut condamner sans preuve. En effet l'Autorité qui sanctionne se rapproche de la figure du juge, l'entreprise poursuivie se rapproche de celle d'une personne poursuivie, titulaire de droits de la défense et du droit de contredire.

D'une concision et d'une clarté de rédaction à faire rougir la doctrine française qui ne cesse de vanter ces qualités dont on cherche parfois trace dans nos décisions nationale de justice, la CJUE exprime 3 idées claires et nettes.

1. En préalable, la CJUE, réunie en Grande chambre, rappelle que l'Autorité de concurrence n'est pas une Autorité de régulation.

Elle pose que sur un marché concurrentiel, la "concurrence par les mérites" permet à une entreprise de vouloir activement atteindre une position dominante, l'éviction des compétition moins efficace étant un bienfait pour les consommateurs, leur présence sur le marché ayant pas à être protégée.

2. En deuxième lieu, la CJUE reprend la construction entre les objets de preuve, leur pertinence, les charges de preuves et le contradictoire.

  • La CJUE affirme que l'Autorité de concurrence doit donc démontrer l'objet ou l'effet, effectif ou potentiel, anticoncurrentiel de la pratique.
  • L'Autorité peut pour cela recourir à des "tests", comme ici le test AEC (As Efficient Competitor), mais si elle prend appui sur les résultats de celui-ci et si ces résultats sont contestés par l'entreprise, elle ne peut pas condamner celle-ci sans avoir répondu aux critiques méthodologiques ainsi formulées.

3. En troisième lieu, la CJUE continue de veiller au respect des droits de la défense, principe de procédure par lequel la personne menacée par la décision peut faire valoir ses arguments, articulation donc entre le système probatoire et le fond du dossier.

 

Et c'est pourquoi au terme de cette leçon, la condamnation a été magistralement annulée.

 

 

 

 

1. En préalable, la CJUE, réunie en Grande chambre, rappelle que l'Autorité de concurrence n'est pas une Autorité de régulation.

Elle pose que sur un marché concurrentiel, la "concurrence par les mérites" permet à une entreprise de vouloir activement atteindre une position dominante, l'éviction des compétition moins efficace étant un bienfait pour les consommateurs, leur présence sur le marché ayant pas à être protégée.

En cela, l'autorité de concurrence n'a pas à sanctionner la "dominance", n'a pas à protéger les "concurrents" ou à faciliter les nouveaux entrants. Elle n'a pas à favoriser la concurrence ; elle doit garder la concurrence, ce qui n'est pas la même chose : les compétiteurs d'un opérateurs qui domine et adopte une stratégie pour accroître cette position n'ont pas à être protégés en soi.

Le traitement de la dominance relève du Droit de la Régulation sectorielle, consistant à favoriser en soi les compétiteurs de l'opérateur dominant.

Mais il est vrai que le Droit de la concurrence et le Droit de la Régulation ont bien des points de contact, surtout dans l'Union européenne, dans la perspective de laquelle le Droit de la concurrence est conçu comme un outil de construction d'un espace commun. En outre, lorsque le marché pertinent, ici les microprocesseurs, se trouve être un marché qui concerne aussi les télécommunications et le numérique, lesquels sont des secteurs régulés.

C'est pourquoi la CJUE va rappeler qu'une entreprise en position dominante a une "responsabilité particulière" de faire en sorte que son comportement ne produise pas un effet dommageable sur le marché.

Mais c'est ici qu'intervient le mécanisme non pas des objets de preuve que cela de la charge de preuve.

 

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