5 août 2014

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Un décret du 1ier août vient organiser la procédure de sanction devant l'ARCEP après l'annulation de celle-ci par le Conseil constitutionnel pour violation du principe d'impartialité

par Marie-Anne Frison-Roche

Le pouvoir politique a souvent du mal, ou met bien du temps, à entendre les principes du droit, tels que les expriment les juges.

Ainsi, il était bien certain que la procédure de sanction organisée devant l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP), en tant que l'instruction et le jugement n'étaient pas suffisamment distinctes froissaient le principe constitutionnel d'impartialité.

Cela était acquis depuis environ 15 ans. Pourtant, l'organisation perdurait.

Il a suffi qu'un opérateur se fasse sanctionner. Il utilisa la procédure de Question Prioritaire de Constitutionnalité (Q.P.C.) et la décision Numéricable  du 5 juillet 2013 du Conseil constitutionnel vînt déclarer toute la procédure de sanction devant l'ARCEP anticonstitutionnelle, mettant ainsi en difficulté le régulateur.

Il fallu attendre l'0rdonnance du 12 mars 2014 et enfin le décret du 1ier août 2014 pour remettre d'aplomb la procédure de sanction, en rendant cette fois-ci étanches au sein de la Commission des règlements des différents de l'ARCEP les services de l'Autorité en charge de l'instruction de ceux qui se chargent de juger.

Le grand magistrat Pierre Drai avait coutume de dire : "Ne pas respecter le droit coûte cher".

L'on voit ici que cela est vrai aussi pour le Gouvernement qui écrit lois et règlements. Ainsi, pendant des mois, le régulateur a été sans pouvoir, à la grande joie des opérateurs, que l'on sait tacticiens, voire turbulents.

Lire le Décret du 1ier août 2014.

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On dit souvent le droit imprévisible. Les opérateurs s'y plaignent fréquemment, soulignant à quel point la sécurité juridique leur est précieuse, évoquant parfois leur "droit à la sécurité juridique.

Mais ici, la situation est inverse.

C'est dès 1999 que par une jurisprudence retentissante, la Cour de cassation, par son arrêt Oury, a posé que l'absence de distinction nette entre l'organe d'instruction et l'organe de jugement était incompatible avec le principe européen d'impartialité, conçu dans son sens objectif. Certes sur le moment, cela a surpris. Mais depuis 1999, la règle a été assimilée. D'autant plus qu'elle a été réaffirmé à de nombreuses reprises, par exemple à propos de la Commission bancaire, devant laquelle la procédure était pareillement organisée, la confusion des fonctions entre les mains des mêmes personnes ayant justifié la condamnation de la France dans l'arrêt Dubus  de la Cour européenne des droits de l'Homme. Ainsi, en 1999, le Gouvernement français réforma la COB, l'Autorité des Marchés Financiers adopta le même schéma de distinction. De la même façon, tirant les conséquences de l'arrêt Dubus, l'organisation de l'ACP (devenue depuis ACPR) distingue nettement l'organe d'instruction et l'organe de jugement.

Mais pour l'ARCEP, l'ancienne organisation demeurait et certaines analyses très subtiles affirmaient que cela était soutenable.

Mais lorsque les principes fondamentaux de procédure sont en jeu, il faut aller au plus simple. Et lorsqu'on analysait simplement la situation, la méconnaissance du principe d'impartialité était visible.

Comme au jeu de quilles, le premier opérateur qui jugeait opportun, parce qu'il était condamné lourdement par l'ARCEP, d'atteindre le Conseil constitutionnel pour lui soumettre le cas, tira le gros lot, c'est-à-dire sa soustraction à toute sanction, puisque les textes sur lesquels sa sanctions avait été prononcée furent atteints par le prononcé d'inconstitutionnalité que fît le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 juillet 2013, Numéricable.

Le président de l'ARCEP fît des déclarations dans la presse pour se plaindre, non pas de la décision elle-même, mais du fait qu'il était désormais sans pouvoir. Mi-juin, le régulateur ne pouvait toujours pas travailler, dans un secteur qui évolue très vite, le Président s'en plaignant auprès du Parlement le 18 juin 2014.

En effet, un régulateur sans pouvoir est un régulateur mort, dans des systèmes régulés dans lesquels, quels qu'ils soient, la répression semble désormais le maître-mot.

Et c'est donc plus d'un an après que, après l'Ordonnance du 4 mars 2014 sur l'économie numérique qui ne pose que des principes très généraux sur les pouvoirs de l'ARCEP dans ses articles 2 à 4, que ce décret d'organisation de la procédure de sanction est adopté, le 1ier août 2014.

 

Ce ne sont pas des délais satisfaisants.

N'oublions que la sécurité juridique est la première valeur économique que le droit peut offrir.

 

 

 

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