8 octobre 2012

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Dans un arrêt du 25 septembre 2012, la Cour européenne des droits de l'homme fait la balance entre deux "droit à"

par Marie-Anne Frison-Roche

Parmi les droits subjectifs, les "droits à" se sont multipliés. A travers la technique de l'accouchement sous X, le droit reconnaît le droit d'abandonner son enfant, qui est un substituer du droit à interrompre sa grossesse.

Mais l'enfant abandonné, puis adopté, peut saisir un juge en revendiquant son "droit à" connaître ses origines, en obligeant l’État à lui révéler sa mère biologique.

Le droit national qui s'y refuse, ici le droit italien, viole-t-il un droit de l'homme ?

Oui, car, selon cet arrêt rendu le 25 septembre 2012, un tel refus absolu est disproportionné et excède les marges dont disposent les États.

La multiplication des droits subjectifs non seulement peut poser problème dans le rapport entre les droits subjectifs et le droit objectif, mais encore dans le rapport entre les différents droits subjectifs.

En effet, il arrive que la prérogative de l'un entre en contradiction avec la prérogative de l'autre.

Dans un tel cas, le juge peut hiérarchiser les prérogative, par exempe si l'une a valeur constitutionnelle et l'autre n'a que valeur de principe légal, le droit subjectif constitutionnel s'imposant alors au titre de la hiérarchie des normes.

Mais il arrive aussi que les droits subjectifs opposés soient au même niveau de la hiérarchie des normes. Le juge doit alors les mettre en équilibre, les mettre en balance.

 

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La Cour européenne des droits de l'homme y procéde fréquemment en matière de droits de l'homme, ces droits subjectifs naturels.

Ainsi, une femme est née sous X et a été adoptée. Sa situation est régie par le droit italien. A 69 ans, elle apprend que le même jour, dans la même ville, une autre petite fille est née et a été également adoptée, mais celle-ci a été adoptée par adoption simple tandis qu'elle a été adoptée par adoption plénière.

Or, le droit italien permet en cas d'adoption simple que l'enfant, s'il en fait la demande, connaisse l'identité de ses parents biologiques mais l'exclut en cas d'adoption plénière. En outre, les parents ayant procédé à l'adoption simple de l'autre enfant empêchèrent tout contact entre les deux soeurs.

L'intéressée saisit pourtant un tribunal pour connaître l'identité de sa mère, malgré le dispositif légal italien, au nom du droit de l'homme dont elle serait titulaire, celui de connaître ses origines.

Ayant épuisé toutes les voies de recours internes, puisque la Cour de cassation italienne a rejeté son action, elle saisit la Cour de justice des droits de l'homme.

 

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La Cour souligne que la loi italienne a certes eu souci de l'intérêt de la femme à conserver l'anonymat lors de la grossesse et de l'accouchement, et qu'il y va aussi de l'intérêt général d'éviter des avortements et des abandons clandestins d'enfants.

Mais la Cour "doit rechercher si, en l'espèce, un juste équilibre a été ménagée dans la pondération des droits et des intérêts concurrents, à savoir, d'un côté, celui de la requérante à connaître ses origines et de l'autre, celui de la mère à garder son anonymat.".

Or, pour mieux le mesurer la Cour confronte le droit positif italien au droit positif français. En France, la loi du 22 janvier 2002 organise la levée du secret de l'identité de la mère (principe de réversibilité du secret), si celle-ci en est d'accord.

Ainsi, le droit français permet à des enfants, devenus adultes ou lorsqu'ils apprennent qu'ils ont été adoptés, de se "construire" s'ils obtiennent, en passant par un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles qui détient les informations, le consentement de la mère biologique.

La Cour européenne estime que le droit français a donc eu garder ce juste équilibre entre deux droits.

Le droit italien, qui interdit toute connaissance des origines, dès l'instant que l'accouchement a eu lieu sous X, est disproportionné et n'assure pas ce juste équilibre. C'est pourquoi la situation qu'il engendre est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, l'Italie ayant excédé les marges d'appréciation dont les Etats disposent en ces matières.

 

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On observe notamment que le droit comparé est une méthode intégrée dans le raisonnement juridictionnel.  

 

Pour lire l'arrêt de la 2ième section de la Cour européenne des droits de l'homme, n°33783/09, Godelli c/ Italie , cliquer ici.

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