1 octobre 2001

Publications

Publication : monographie dans une publication juridique

📝L’erreur du juge

par Marie-Anne Frison-Roche

â–ş RĂ©fĂ©rence complète : Frison-Roche, M.-A., L’erreur du juge, RTD civ., 2001, pp.819-832.

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►Résumé de l'article : Le principe est que le juge ne commet pas d'erreur, ou plutôt qu'on ne peut, en droit, se prévaloir des erreurs commises par les magistrats, hors voies de recours légalement organisés. Cela préserve à la fois la paix sociale et l'indépendance de la magistrature. Mais ces raisons ne sont pas de marbre car les erreurs judiciaires peuvent ébranler les sociétés, il suffit d'évoquer l'affaire Dreyfus, et le lien entre le procès et la vérité se satisfait mal de la règle. Il faut donc pouvoir rouvrir pour mieux refermer la blessure, admettre le désordre pour garantir la sécurité juridique et la confiance dans le système juridictionnel.

Le principe de rĂ©fĂ©rence demeure pourtant celui de l'incontestabilitĂ© de l'erreur du juge. En effet, l'apprĂ©ciation substantielle d'une apprĂ©hension inexacte des faits par le juge est exclue par le mĂ©canisme de la "vĂ©ritĂ© judiciaire", qui, par le pouvoir d'artificialitĂ© du droit, prend ses distances par la vĂ©ritĂ© scientifique des faits. L'indivisibilitĂ© de l'acte de juger permet que la puissance normative du dispositif couvre l'erreur d'apprĂ©ciation logĂ©e dans les motifs qui soutiennent celui-ci.  En outre, le procès est un mĂ©canisme violent conçu pour arrĂŞter la violence en ce qu'il tranche et qu'il met fin Ă  la dispute pr le juge. Dès lors, si l'impartialitĂ© du juge est par ailleurs garantie, la survenance du jugement lui-mĂŞme exclut tout regard sur ce qui serait une erreur, car le jugement arrĂŞte la recherche de la vĂ©ritĂ© pour produire son inverse, qu'est la "vĂ©ritĂ© lĂ©gale".

Certes, le droit positif a toujours prĂ©vu des amĂ©nagements Ă  la règle, mais cela ne fait que confirmer la règle. Ainsi, l'erreur de plume peut ĂŞtre corrigĂ©e a posteriori , mais c'est prĂ©cisĂ©ment parce que la plume a glissĂ© et qu'elle n'a pas traduit la pensĂ©e du juge qui rĂ©digeait. De la mĂŞme façon, l'erreur qui ouvre droit Ă  la rĂ©vision tient dans la dĂ©couverte de faits nouveaux postĂ©rieurement au jugement. En cela, il ne s'agit pas au sens strict d'une erreur du juge, mais seulement d'une inexacte reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© qui n''est pas de son fait.

Mais il convient d'aller plus loin et le droit positif va dans ce sens, en ouvrant davantage les cas de révision. En effet, les erreurs judiciaires ne sont plus supportées car l'institution juridictionnelle ne peut faire ainsi fi de sa consubstantionalité avec la vertu de justice.

En effet, le lĂ©gislateur a aujourd'hui tendance Ă  changer ses lois alors qu''il admet avoir fait une erreur d'analyse des rĂ©alitĂ©s, alors qu'il n'est pas contraint par celles-ci, Ă©tant dotĂ© d'un pouvoir normatif pur. Le juge devrait a fortiori  y ĂŞtre contraint. En outre, il y a une obligation morale Ă  y procĂ©der car l'erreur judiciaire, surtout en matière pĂ©nale, produit de terribles dommages, qu'il faut rĂ©parer.

Dans ce mouvement, le droit civil admet des jugements civils toujours révisables, notamment en droit de la famille. Plus encore, même si l'on accueille avec moins de restriction le recours en révision, il faudrait ne pas le cantonner à la survenance de découverte de faits nouveaux mais admettre l'hypothèse d'erreur manifeste, même s'il faudrait assortir une telle action, si largement ouverte quant au fond, d'un filtre procédural.

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