Food for thoughts

Sept. 25, 2022

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Fonder la compliance", in Revue de l'ACE, La compliance, n° spéc. n°157, septembre 2022, p.17-31.

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► Résumé de l'article : L'article traite le sujet en 20 étapes 

  1. Pourquoi fonder les pratiques de compliance ? Pour des impératif pratiques 
  2. Fonder les pratiques de compliance pour rendre supportables, car compréhensibles, les pouvoirs et les charges concentrés dans les outils de Compliance 
  3. Fonder les pratiques de compliance pour maîtriser un savoir technique exponentiel 
  4. Fonder les pratiques pour y trouver la part du Droit 
  5. Fonder la Compliance sur les process d’efficacité 
  6. Rendre supportable la Compliance fondée sur les process d’efficacité par un mix de procédure et d’éthique
  7. Les professionnels de la Compliance fondée sur des process
  8. La place particulière de l’avocat et du juge dans la Compliance fondée sur des process
  9. Fonder la Compliance sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable
  10. L’aporie de la Compliance fondée sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable 
  11. Les charges engendrées de la Compliance fondée sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable 
  12. L’impraticabilité de la Compliance fondée sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable
  13. Fonder la Compliance sur des buts substantiels ponctuels
  14. Les professionnels de la Compliance impliquées par la Compliance fondée sur des buts substantiels ponctuels 
  15. Fonder la Compliance par des buts substantiels globaux et à venir
  16. Fonder la Compliance par les Buts Monumentaux, négatifs et positifs
  17. Les professionnels de la Compliance fondée sur les Buts Monumentaux
  18. La place particulière de la population concernée et de l'Etat dans la Compliance fondée sur les Buts Monumentaux
  19. La place particulière de l’avocat et du juge dans la Compliance fondée sur les Buts Monumentaux
  20. L'avenir du Droit de l'Avenir

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue, doté de références techniques supplémentaires et de liens hypertextes, ayant servi de base à cet article

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lire la revue dans son intégralité

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Sept. 23, 2022

Compliance: at the moment

 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Forêts en feu : effectivité de la sanction des auteurs, une logique de compliance environnementale à développer ?", NewsletterMAFR Law, Compliance, Regulation, 23 septembre 2022.

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Dans un article publié le 23 septembre 2023 par le Huffington Post, Feux de forêts : près de 50 personnes interpelées, il apparaît que les feux qui ont détruit des milliers d'hectare de forêt cet été ont, pour 90%, été causés par des êtres humains, pour 30% d'une façon volontaire, que la plupart des auteurs ont déjà été retrouvés, sont déjà l'objet d'une procédure de sanctions pénales, voire ont déjà sanctionnés.

L'on peut se féliciter de l'efficacité du Droit pénal, qui interdit ce comportement, puisque les autorités publiques, gendarmerie, police et magistrature, sont intervenir vite et bien en Ex Post : les auteurs ont été retrouvés et ont été ou seront punis, en application du Droit.

Mais si l'on prend la question des incendies de forêt sous l'angle non pas de l'effectivité du Droit, qui interdit de mettre le feu volontairement, l'acte violant cette interdiction conduisant en Ex Post à la condamnation de l'auteur, mais sous l'angle de l'efficience de la règle, l'on observe que le But qu'il faudrait atteindre serait qu'il n'y ait pas, ou moins, de feu de forêts.

C'est pour cela que les feux de forêts sont sanctionnés, parce que la personne qui brûle une forêt, comme celle qui pollue une rivière, affecte durablement le système dans lequel nous vivons. Et il est encore plus dur et plus long de faire renaître une forêt que de dépolluer les rivières.

Or, dans le cas des pyromanes et des incendiaires, l'auteur cause à lui seul beaucoup de dommages, lesquels sont très difficilement réparables, et dans l'ampleur et dans la durée, la durée (la reconstitution des sols, la pousse des arbres, l'écosystème) étant le souci systémique central : l'enjeu est systémique et se situe sur l'avenir. .

La logique juridique efficace devrait être celle de l'Ex Ante, qui repose sur l'efficience de la mesure : or, celle-ci est-elle applicable, à travers l'effectivité de la sanction ? Justement, non .... Les chiffres et les informations rappelés par cet article le montrent particulièrement bien.

Si l'on prend la perspective de prévention, la meilleure pour éviter les incendies, puisqu'un seul geste cause un très grand dégât, il apparaît dans les informations disponibles, rappelées dans l'article que :

【1】Les auteurs d'infractions à l'origine de feux systémiques ont des profils très variés, à la fois socialement et psychologiquement

【2】Les capacités des auteurs d'infractions à l'origine de feux systémiques à comprendre ce qu'ils font sont très variés, un nombre important n'ayant pas compris les conséquences de ce qu'ils faisaient

Or, si l'on prend une pollution de rivière, qui est de même dimension systémique, l'infraction à l'origine étant le plus souvent commise par une entreprise, ces deux éléments sont inverses :

【1】Les auteurs d'infractions à l'origine de pollutions systémiques ont un profil homogène : le plus souvent une entreprise ayant fait le plus souvent un calcul d'intérêt

【2】Les auteurs d'infractions à l'origine de pollutions systémiques ont une capacité importante à comprendre ce qu'ils font, le caractère volontaire s'intégrant dans une causalité économique

Il en résulte que :

【1】Concernant les feux de forêts, la méthode Ex Ante de l'éducation qui fonctionne bien pour les pollutions systémiques, si l'on apprend aux entreprises qu'il est de leur intérêt à long terme de préserver la nature (la Convention judiciaire d'intérêt public ayant été étendue aux délits en matière environnementale à cette fin) va à l'inverse fonctionner très mal pour les feux de forêts, parce qu'il n'y a pas un groupe social à cibler particulièrement et parce que les personnes qui passent à l'acte ne sont pas toujours aptes à bénéficier d'une campagne éducative

【2】La méthode consistant à faire payer l'auteur pour qu'il répare lui-même le dommage, qui fonctionne sur les entreprises polluantes, condamnées à replanter massivement, à dépolluer les rivières, etc., voire à en prendre soin activement à l'avenir, ne peut pas fonctionner car la personne isolée n'est pas une structure économique, n'en a pas les moyens : on la condamne donc, et c'est normal, au plus à deux ans de prison, ce qui ne fait pas repousser les arbres.

Que faire si l'on veut qu'il y ait une corrélation entre le dommage causé dans le passé, et le souci de prévenir d'une façon systémique son renouvellement ?

Comment intégrer un souci de Compliance, qui fonctionne bien en matière de pollutions engendrées par les entreprises, dans des destructions systémiques de la nature, dont les feux de forêts sont un parfait exemple ?

 

Certes l'affectation de 3000 gendarmes, décidée par le ministre de l'Intérieur, pour accélérer l'Ex Post est une solution.

Si l'on en revient à ce souci de l'Ex Ante, sans doute une pédagogie générale est bienvenue : c'est toujours la solution proposée pour tout, de la lutte contre la désinformation, de la lutte contre la haine, de la lutte contre les incendies volontaires. C'est vrai, l'éducation de tous pour que naisse le souci d'autrui est l'Alpha et l'Omega, et les danaïdes ne doivent jamais se décourager.

Il ne faut pas se contenter de l'effectivité du Droit pénal.

Il ne faut pas seulement se reposer sur l'éducation de tous à propos des biens communs et de l'avenir du monde, dès le plus jeune âge.

Il faut aussi plus techniquement diffuser largement cette remarquable efficacité de la détection de l'information.

Le Droit de la Compliance, dont le secteur bancaire et financier a été le premier secteur à recevoir la logique et à mettre en place les "outils de la compliance" qui y correspondent, est avant tout un droit de l'information. Or, ce que montre cet article, ce n'est pas tant l'efficacité des sanctions, car elles ne le sont guère (comment punir efficacement des personnes qui ne se rendent pas forcément compte de ce qu'elles font, avec quel type de peine, au regard des dégâts systémiques causés ?).

Ici, les preuves ont été retrouvées sous la cendre, reconstituées, croisées par différents modes de preuve, notamment scientifiques, menant à la personne.

Cette efficacité de collecte d'information a été rendue possible parce que les différentes autorités publiques ont travaillé ensemble : gendarmes, policiers, magistrats, et l'on se souvient à quel point la population et les entreprises, libérant de leur travail au sein de l'entreprise des spécialistes pour que ceux-ci se portent volontaire, aillent immédiatement sur place et aident les autorités publiques.

Cette alliance entre les Autorités publiques, les entreprises en position de le faire (les "opérateurs cruciaux") et la société civile, socle du Droit de la Compliance, produit de l'information.

Cela permet ensuite des procédures rapides.

Comme dans la Compliance bancaire et financière, les systèmes bancaires et financiers étant pareillement "enflammés" par des abus de marché commis par des êtres humains, abus qui sont soit prévenus, soit immédiatement détectés et dénoncés aux autorités publiques, le Droit de la Compliance ayant pour objet de "prévenir et détecter" ces comportements pour protéger le système dans son ensemble et le préserver à l'avenir, il s'agit de perfectionner un système d'information (la loi dite "Sapin 2" n'étant qu'un exemple de cela).

C'est pourquoi dans les peines prononcées lorsqu'un "feux systémique" a été produit, même par quelqu'un qui n'a pas compris ce qu'il faisait, il ne s'agit pas tant de le punir mais peut-être de concevoir, à titre complémentaire une "peine de conformité", telle qu'elle existe en Droit de la Compliance, non pas à travers une Convention judiciaire d'intérêt public puisque l'auteur n'a pas les moyens de cela, mais peut-être à travers un travail d'intérêt général.

Parce que les forêts sont tout autant systémiques que les rivières mais que ceux qui les détruisent les unes ne sont pas du tout ceux qui détruisent les autres, il faut réfléchir à importer les solutions efficientes de la compliance environnementale fonctionnant pour les seconds aux premiers, puisque les punir n'est pas très efficient et les surveiller est impossible.

Sept. 21, 2022

Publications

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 Full Reference: M.-A. Frison-Roche, "Compliance, the new legal way for human values: towards an Ex-Ante responsability", in Homenagem aoe Professor Arnoldo Wald, A Evoluçào do Direito no Século XXI, 2022, pp. 977-983.

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► Article Summary:  For the first time, the future is the first question for the Humanity. The classical legal conception of Tort Law concerns the Past, the philosophical conception of Hans Jonas, a Responsability for the Future, an Ex-Ante Responsability must become a legal notion. 

Traditionally, the Legislator takes decision for the Future and the Judges takes ones for the Past, but now in front of the possible disparition of human beings on this planet, global and catastrophic perspective, all legal perspectives need to be used, breaking the classical repartition, in the priority of the future.  To do something, the Responsability must be put on everyone in a legal force, not only on the classical subject of Law and because of past behaviors, but because the operators, States, firms, or individuals, are "in position" to do so. 

This new "Ex-Ante Responsability" is an essential part of the Compliance Law, very new branche of Law, with an extraterritorial effect, to find immediate and active solutions for the future. Because the issue is global, international Arbitration is in position to apply the conception, because international arbitrators are the global judges.

This new conception of legal Ex-Ante Responsability, declared by courts, expressed human values, such as the concerns for the others, in concordance withe the humanist tradition of European and American Law, Compliance being not at all to obey regulations but to concretise an alliance a Monumental Goal, here for the preservation of human beings in the future, and the powers and the legal duties of corporate and people to do so. 

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📝 read the article 

Sept. 15, 2022

Conferences

 

► Full Reference: Frison-Roche, M.A., Régulation et Compliance, expression des missions d'un Ordre, in📅 Ordre des Géomètres-experts, Une profession face aux défis de la société, Le Havre, September 15, 2022. 

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📅 read the general of the manifestation de la manifestation (in French)

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🎥watch the one-minute video summarizing the twenty-minutes intervention (in French)

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🚧 read English Presentation of the Working Paper which has been the basis of this conference

 

► English Summary of this intervention: Professional orders should not present themselves as exceptions, however legitimate they may be, in relation to a principle, which would be the competitive system, but as the expression of a principle. This principle is expressed by two branches of Law whose importance is constantly growing in European Law, liberal branches which are based on the conception of economic life and the definition of company, turned towards the future: the Regulatory Law and Compliance Law, two branches of Law both related and distinct.

Indeed, and this is the topic of the first part, Competition Law conceives professional orders as exceptions since these "corporations" constitute structural agreements. French domestic legal system both consolidates the professional orders by backing them up to the State, which would sub-delegate its powers to them, but involves them in the questioning by the European Union of the States and their tools. Most often the temptation is then to recall with a kind of nostalgia the times when the professional orders were the principle but, except to ask for a restoration, the time would be no more.

A more dynamic approach is possible, in accordance with the more general evolution of Economic Law. Indeed, the Professional Order is the expression of a profession, a little-exploited concept in Economic Law, over which the Order exercises the function of "Second-level Regulator", the public authorities exercising the function of "First-level Regulator". The Banking and Financial Regulatory Law is built in this way and operates thank to that, at national, European, and global level. This is what should be linked.

The Professional Orders therefore have the primary function of spreading a "Culture of Compliance" among the professionals they supervise and beyond them (clients and stakeholders). This culture of Compliance is developed regarding the missions which are concretized by the professionals themselves.

Therefore, the second part of the Working Paper deals with the legal evolution of the notion of "Mission" which has become central in Economic and General Law, through the technique of the mission-based company. However, there are multiple points of contact between the raison d'être, the company with a mission and Compliance Law as soon as the latter is defined by the concrete and overly ambitious goals that it pursues. : the Monumental Goals.

Each structure, for example the French Ordre des Géomètres-Experts, is legitimate to set the Monumental Goal that it pursues and that it inculcates, in particular the conception of territory and the living environment, joining what unites all the Monumental Goals of Compliance: concern for others. The French Ordre des Géomètres-Experts, is adequate because it has a more flexible relationship, both tighter and broader, with the territory than the State itself.

By instilling this in professionals, the Professional Order develops in the practitioner an "ex ante responsibility", which is a pillar of Compliance Law, constituting both a charge and a power that the practitioner exercises, and of which the Professional Order must be the supervisor.

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► to go further ⤵️ 

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Sept. 1, 2022

Thesaurus : Doctrine

 Full Reference: Ch. Huglo, "À quelles conditions le droit climatique pourrait-il constituer un but monumental prioritaire ?" ("Under what conditions could Climate Law constitute a priority Monumental Goal?"), in M.-A. Frison-Roche (ed.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and Dalloz, 2022, p.169-174.

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📕read a general presentation of the book, Les Buts Monumentaux de la Compliance, in which this article is published

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► Summary of the article (done by the Journal of Regulation & Compliance): The author considers that the service that Compliance renders to Society can indeed be considered as "Monumental" and, confronting Compliance with the issue of Climate, considers that Climate Law must become not only a "Monumental Goal", but also be the first. He underlines the deep obstacles to even pose this idea, obstacles of two orders, the first being the fact that Law has rather focused on past pollution, while the stake is also the measurement of the future impact and the prevention.  The second is that the many texts and declarations have no direct binding force. It is therefore the courts which today, because of their independence and the place that Science takes in the adversarial debate that takes place before them, Civil Society bringing them the question of the Climate to which they are obliged de jure  to answer , take the decisions on the basis of which the "climate justice" is built. 

In this, Climate Law invested by Courts joins Compliance Law in the objectives pursued, putting knowledge, prevention and action to preserve what climate issue puts at stake today: Human Dignity.

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Aug. 24, 2022

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : E. Vergès, G. Vial, O. Leclerc, Droit de la preuve, 2ième éd., Thémis Droit, PUF, 2022, 780 p.

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Aug. 18, 2022

Compliance: at the moment

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., "La responsabilité systémique, réponse judiciaire à la crise des opioïdes", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 18 août 2022.

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Les jugements se succèdent aux Etats-Unis. Comme le rapporte un article paru dans le New-York Times du 17 août 2022, CVS, Walgreen and Walmart Must Pay $650.5 Million in Ohio Opioid case, "A federal judge ordered the big pharmacy chains to bear partial responsibility for the deadly drug crisis.".

L'article relate le jugement rendu par un juge fédéral de l'Ohio, qui condamne des chaînes de pharmacies, jugement contre lequel celles-ci font appel.

Il y a des milliers de cas certains jugés, d'autres en attente, certains ayant abouti contre des laboratoires, d'autres contre des chaines de pharmacies, certains ayant abouti à des condamnations, d'autres non. Les condamnations déjà prononcées ont fait l'objet d'appel de la part des entreprises condamnées, ici des chaines de pharmacies, antérieurement des laboratoires pharmaceutiques.

Ce qui est qualifiée de "crise des opioïdes" renvoie à la prescription massive d'opioïdes, initialement simplement anti-douleurs puis drogues consommées massivement par des personnes non atteintes de douleurs, produits pourtant prescrits par des médecins et vendus par des "drugstores" et autres pharmacies, ce qui a entraîné de nombreux morts par overdose, chacun sachant que les posologies n'étaient pas suivies, des "moulins à réduire en poudre les pilules étant facilement disponibles sur Internet, les consommateurs ne souffraient pas de pathologies justifiant ces prises trouvant très facilement médecins et pharmaciens pour s'approvisionner en toute légalité. Mais personne n'a eu de rôle causal direct dans ce système où tout était conforme à la réglementation car les Autorités de régulation, notamment celles en charge des médicaments ne sont pas intervenues, et les consommateurs connaissaient les risques attachés à une telle consommation.

Mais les systèmes qui ne sont pas ou mal régulés en Ex Ante sont "régulés" en Ex Post et le temps des responsabilités arrive toujours. La crise des opioïdes, ses victimes ou les proches des personnes décédées, sont désormais par milliers devant les tribunaux américains.

Selon la procédure américaine, dans le cas présent, c'est tout d'abord un jury qui, en novembre 2021, a déclaré les entreprises défenderesses partiellement responsables des décès des consommateurs d'opioïdes ; c'est maintenant le Juge fédéral de de Cleveland qui évalue les dommages et intérêts correspondant à cette responsabilité.

Ce cas est particulièrement intéressant car les consommateurs savaient pourtant ce qu'elles faisaient et les médicaments étaient bien fournis sur ordonnances légalement délivrées, les pharmacies ayant eu un comportement licite et n'ayant pas eu un rôle causal direct dans la crise qui entraîna de très nombreuses victimes. C'est d'ailleurs pourquoi d'autres juridictions, notamment en Californie, n'ont pas voulu engager leur responsabilité.

Si la juridiction de l'Ohio a pourtant retenu la responsabilité des chaines de pharmacie, c'est parce que, dans ce système que l'on pourrait "réglementairement conforme", elles ont participé à la diffusion d'une "nuisance publique" (public nuisance) en n'avertissant pas elles-mêmes sur les dangers de la substance et en délivrant massivement le produit à des personnes manifestement droguées, alimentant un système nocif.

Il s'agit donc d'un raisonnement "téléologique", s'appuyant sur les finalités, adopté dans une perspective systémique.

Dans le système libéral américain, les tribunaux peuvent ainsi engager la responsabilité et des laboratoires pharmaceutiques et des chaînes d'officines pharmaceutiques si cette perspective systémique est adoptée.

En raison du caractère systémique de ce cas car ce système de cette drogue licite a fait de très nombreux morts pourrait se dessiner une "responsabilité systémique", même dans un pays où le principe de la liberté de l'individu qui prend ses risques demeure acquis, et même si cela devait être avant tout au Régulateur public d'intervenir pour prévenir, informer et empêcher cette hécatombe.

Pour l'instant, car le Droit de la Responsabilité est lent, les premières décisions sont prises, sont divergentes selon les différents Etats. Elles sont observées par l'ensemble du secteur médical car c'est la notion même de Responsabilité qui est ici dessinée.

Un tel raisonnement systémique pourrait être repris au-delà de ce secteur. Il pourrait ainsi être repris à propos d'un autre produit dangereux que les vendeurs et prescripteurs présentent comme sûr et profitable : les jetons, souvent appelés "cryptomonnaies". Lorsqu'arriveront les dommages massifs engendrés par la crise de ceux-ci, les victimes pourront-elles se retourner pareillement contre les prescripteurs et les vendeurs ?

Le cas est systémiquement analogue, puisqu'il s'agit de la conception que l'on peut avoir de la causalité. Il faut alors choisir de conserver la conception traditionnelle de la Responsabilité ou une conception systémique de celle-ci, qui fait peser sur les "opérateurs cruciaux" une Responsabilité non plus Ex Post mais Ex Ante. C'est un choix.

Comme le souligne l'avocat des chaines de magasins condamnés, se référant à la conception classique des conditions d'engagement de la responsabilité, les pharmaciens n'ont pas eu de rôle causal direct : (extrait de l'article") “We never manufactured or marketed opioids nor did we distribute them to the ‘pill mills’ and internet pharmacies that fueled this crisis,”".

Ils estiment donc que c'était pas à eux de faire le travail qu'en Ex Ante les Etats et les Régulateurs n'ont pas fait : (extrait de l'article) " “Instead of addressing the real causes of the opioid crisis, like pill mill doctors, illegal drugs and regulators asleep at the switch, plaintiffs’ lawyers wrongly claimed that pharmacists must second-guess doctors in a way the law never intended and many federal and state health regulators say interferes with the doctor-patient relationship. ”.

L'on peut en effet soutenir que les pharmaciens ne sont pas des régulateurs en second niveau, ils n'ont pas à gérer les défaillances des autres, à prévenir les crises systémiques.

La question est effectivement d'une part de déterminer si les opérateurs cruciaux (que sont dans le secteur médical les médecins, les pharmaciens, les laboratoires) ont ou n'ont pas un tel rôle ; et d'autre part de savoir si c'est aux juridictions de répondre à une telle question, étant observé que répondre en affirmant que les pharmaciens avaient ce rôle-là est audacieux et suppose que l'on met à leur charge une "Responsabilité Ex Ante".

Dans une perspective systémique, et parce que cela aurait évité bien des morts, l'on aurait tendance à répondre que les pharmaciens auraient dû jouer ce rôle systémique et que le Droit de la responsabilité est la branche la plus politique et la plus créative du Droit.

Mais n'oublions pas que la Cour suprême des Etats-Unis vient d'affirmer le 24 juin 2022 que le juge doit être modeste et ne pas avoir d'ambition pour les autres, y compris pas pour sauver des vies, le climat ou protéger les femmes. L'on peut donc préférer une vision plus traditionnelle du Droit de la responsabilité où celui qui ferme les yeux et n'agit pas alors qu'il est au cœur du système n'est pas responsable dès l'instant qu'on ne lui en a pas expressément confié la tâche. .

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🔴Sur la comparaison du droit français appliqué à cette cause systémique des opioïdes : Th. Thouret, 📝Le pharmacien, un "opérateur crucial" pour prévenir une crise des opiacés en France, 2020

🔴Sur la notion même de "cause systémique", telle que les juridictions doivent les appréhender : 𝒎𝒂𝒇𝒓, M.-A. Frison-Roche, 🎥 𝑳'𝒉𝒚𝒑𝒐𝒕𝒉è𝒔𝒆 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝒄𝒂𝒕é𝒈𝒐𝒓𝒊𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒄𝒂𝒖𝒔𝒆𝒔 𝒔𝒚𝒔𝒕é𝒎𝒊𝒒𝒖𝒆𝒔, 2022

🔴sur la notion de "Responsabilité Ex Ante" : 𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝La Responsabilité Ex Ante, pilier du Droit de la Compliance, 2022

 

Aug. 8, 2022

Compliance: at the moment

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., "Rendre plus coûteux l'accès au marché de la Haine, Newsletter MAFR Law, Compliance", Regulation, 8 août 2022. 

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L'on dit parfois que le Droit européen lutte contre la désinformation tandis que le Droit américain, par une sorte de passion sans limite pour le principe de la liberté d'expression, ne le ferait en rien.

Cela n'est pas exact. Un article paru dans le New York Times du 4 août 2022, Jurors award $45.2 million in punitive damages after lawyer for Sandy Hook parents asks them to "stop Alex Jones.", vient rappeler l'efficacité de l'action en diffamation dans la lutte contre la désinformation (I). Cela montre le souci commun aux Droits américain et européen : le souci d'arrêter la désinformation (II). Il demeure que les deux voies juridiques de lutte contre la désinformation, souci commun, reflètent deux cultures juridiques différentes, le Droit américain continuant de le faire Ex Post et par le calcul économique, le Droit européen le faisant Ex-Ante et par le Droit de la Compliance (III).

 

I. L'EFFICACITÉ DES ACTIONS EN DIFFAMATION POUR LUTTER CONTRE LA DÉSINFORMATION

Cet article, qui vient à la suite d'une série d'autres, le journal suivant depuis longtemps le cas, illustre à travers ce cas le maniement de l'action en diffamation pour sanctionner efficacement l'usage de la désinformation.

Il relate que dans la tuerie en 2012 d'une école d'enfants et d'enseignants, dans 20 enfants sont morts, un conspirationniste, Alex Jones, a par la suite utilisé son système média notamment numérique, dont la maison-mère a pour nom Free Speech et la filiale de diffusion Infowars, pour affirmer que cet évènement était un complot du gouvernement fédéral pour lutter contre le droit constitutionnel de chacun de porter des armes et aboutir à la prohibition par l'adoption d'une loi de celui-ci. Ce complot aurait donc eu pour but de confisquer les armes des Américains, complot dont les parents des enfants décédées auraient été complices.

Les parents de 10 enfants décédés ont agi en diffamation contre Alex Jones.

Les procès ont eu lieu en deux temps, le premier pour engager la responsabilité du défendeur, le second pour calculer le montant des dommages et intérêts.

L'année dernière, la responsabilité du défendeur a été établie à la fois par une juridiction du Texas et une juridiction du Connecticut.

Tandis que le défendeur a déclaré faire appel de son engagement de responsabilité, le verdict concernant le montant des dommages et intérêts a été rendu par le jury de la Cour du Texas.

Le jury a lui-même procédé en deux temps.

Concernant la somme à attribuer aux parents pour compenser la perte de l'enfant : les intérêts compensatoire (compensative damages). Ceux-ci se sont montés à 4 millions, pour compenser leur malheur

Puis le jury a évalué les dommages et intérêts punitifs (punitive damages). Ceux-ci se sont montés à 45,2 millions. Cela se justifie à la fois pour punir le défendeur mais aussi, et surtout, pour le dissuader de continuer, à pratiquer une sorte d'industrie de la désinformation, le verdict s'adressant non seulement à lui mais encore à tous ceux qui pratiquent la même activité commerciale. Ce que l'on pourrait appeler l'activité économique de la Haine.

Cela montre à quel point, alors qu'on affirme si souvent l'inverse, les Droits américain et européen, ont ce fond commun : le souci de lutter contre la désinformation.

 

II. CE QUI EST COMMUN AU DROIT EUROPÉEN ET AMÉRICAIN : LE SOUCI DE LUTTE CONTRE LA DÉSINFORMATION

Les juristes américains rappellent pourtant que l'action en diffamation est depuis longtemps maniée par les juridictions américaines pour que la liberté d'expression ne laisse pas sans défendre contre la désinformation, tout système juridique produisant toujours ce que l'on pourrait appeler ses anticorps, l'action en diffamation étant maniée à la fois pour protéger les victimes mais aussi le système, notamment le système démocratique.

Or, les dommages et intérêts "punitifs" sont 10 fois plus importants que les dommages et intérêts visant à réparer le dommage. Cela s'explique par le calcul économique auquel le jury a procédé, l'analyse économique du Droit étant sans doute plus familière aux Etats-Unis, y compris dans les jurys, qu'en Europe, pour servir ce souci commun de lutte contre la désinformation (A). Les juridictions utilisent alors le Droit de la responsabilité pour infléchir le futur, comme le fait le Droit européen (B).

A. LE CALCUL ECONOMIQUE

En effet, l'article souligne : "The jury announced both awards after several dramatic days in court that included testimony that Mr. Jones and Free Speech Systems, the parent company of his misinformation-peddling media outlet, Infowars, were worth between $135 million and $270 million.".

L'idée est de rendre à l'avenir cette activité médiatique que l'on ne peut éradiquer dans son principe, puisqu'ancrée dans le principe de la liberté d'expression, comme le rappelle la dénomination sociale de la structure faîtière du groupe, ne soit plus rentable, ni même cessible, faute d'acheteur, le revenu de l'activité étant environ d'une cinquantaine de millions par an.

En effet, deux autres procès en évaluation de dommages et intérêts attendent. Si les jurys attribuent une même somme, le coût d'accès au marché de la Haine sera alors suffisamment élevé, notamment si l'on inclut le coût des procès eux-mêmes, le défendeur se plaignant expressément des millions que lui coûtent ces trois procès qu'il estime injustement menés contre lui.

Pour fermer le marché de la Haine, il convient de démonétiser celle-ci, les punitive damages pouvant être utilisés pour ceux-ci. C'est en ces termes que cela a été demandé par l'avocat de la famille de l'enfant de 6 ans tuée, dans ces termes rappelés par l'article : "“Stop the monetization of misinformation and lies. Please.”.".

Le plaisir de haïr et les croyances (ici le complotisme) ne sont effectivement pas le seul moteur de la désinformation, il y a aussi l'appât du gain : accroître le coût d'accès au marché de la haine par une bonne application de l'Economie du Droit, est une solution, dont ici application est faite, le calcul étant alors fait non pour le passé mais pour le futur.

Dès lors, cet entrepreneur pourrait arrêter son business de la haine non par éthique ou amour de la vérité ou disparition de plaisir de haïr mais par rationalité économique, puisque la Haine va cesser de lui rapporter de l'argent.

🔴 Sur l'analyse économique de la Compliance, v. Bruno Deffains et Laurent Benzoni, 📝 Approche économique des outils de la Compliance: finalité, effectivité et mesure de la Compliance subie et choisiein M.-A Frison-Roche (dir.), 📕Les outils de la Compliance, coll. Régulations & Compliance", 2021.

🔴 Sur l'analyse de la nature de la Haine, v. M.-A Frison-Roche, 📧Quand on s'intéresse à la Compliance, lire "La Haine" de Günther AndersNewsletter MAFR Law, Compliance, Regulation1ier août 2022.

 

B. LE MANIEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DANS UNE PERSPECTIVE EX-ANTE

Les juges utilisent ainsi la branche du Droit la plus ancienne dans la Common Law (Tort Law) pour se saisir de l'essentiel : l'avenir. Car rien ne peut compenser la mort d'un enfant et c'est sans doute par altruisme que ces parents agissent en justice pour tenter d'obtenir que cette personne à la tête d'un business de la désinformation cesse de nuire.

Ce faisant, ce qui est assez familier à l'Analyse Economique du Droit, dans laquelle le traitement des décisions comme des informations pour calculer les comportements à adopter et les anticipations sont des éléments centraux, les agents étant présumés rationnels, les dommages et intérêts sont utilisés pour obtenir le comportement souhaité : ici l'arrêt.

Le Droit européen est en train de faire bouger un Droit de la responsabilité qui, sans atteindre l'ampleur qu'il a dans le système de Common Law et notamment parce que les dommages et intérêts punitifs continuent de n'être pas admis, s'oriente vers l'avenir, afin d'obtenir des entreprises qu'elles cessent d'avoir des comportements dommageables et/ou qu'elles adoptent les comportements souhaitables.

C'est notamment le cas pour répondre au souci climatique ou dans ce qui sera le traitement juridictionnel du devoir légal de vigilance, dans lesquels il ne s'agit pas d'être sévère dans l'appréciation des comportements passés - ce sont des obligations de moyens - mais il s'agit d'obtenir des comportements adéquats pour le futur. En effet, comme pour l'usage des armes et les enfants que l'on ne peut plus que pleurer, il faut prévenir et infléchir le futur et non pas - ou pas principalement - sanctionner le passé.

🔴 Sur ce mouvement, v. 𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝 𝑳𝒂 𝒓𝒆𝒔𝒑𝒐𝒏𝒔𝒂𝒃𝒊𝒍𝒊𝒕é 𝑬𝒙 𝑨𝒏𝒕𝒆, 𝒑𝒊𝒍𝒊𝒆𝒓 𝒅𝒖 𝑫𝒓𝒐𝒊𝒕 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝑪𝒐𝒎𝒑𝒍𝒊𝒂𝒏𝒄𝒆, 2022.

Si ce fond est commun, à savoir le souci commun de lutter contre la désinformation, où l'Europe est davantage en avant, et l'usage du Droit de la responsabilité en le tournant vers l'avenir, où les Etats-Unis sont davantage en avant, les cultures demeurent tout de même différentes.

 

III. LES MODALITÉS DIFFÉRENTES ENTRE L'EUROPE ET LES ÉTATS-UNIS : EX ANTE NON-JURIDITIONNEL VERSUS EX-POST JURIDICTIONNEL

Pour exprimer son souci de lutter contre la désinformation, l'Europe va continuer de privilégier sa culture de la Régulation en Ex Ante (A), tandis que les Etats-Unis continuent sans doute à compter sur la puissance judiciaire (B).

A. LA CULTURE EX-ANTE EUROPÉENNE, À TRAVERS LE DROIT DE LA COMPLIANCE

Ainsi, le Digital Services Act va obliger les entreprises qui offrent des espaces d'information dans le numérique à mettre en place des systèmes de détection et de prévention de la désinformation.

En cela, généralisant et unifiant les systèmes nationaux, les entreprises numériques vont être contraintes en Ex-Ante de lutter activement contre la désinformation, même s'il n'y a pas fusion entre l'entreprise qui tient l'espace de communication et l'auteur du contenu. L'entreprise est ainsi de force associée dès le départ et en continu à la concrétisation du but politique et économique de préservation de la vérité, "But Monumental", que vise la lutte contre la désinformation.

Même si cette obligation de Compliance est une obligation de moyens, l'opérateur est ainsi soumis à la supervision des Autorités publiques, en France l'Arcom. Le Droit de la Compliance prolonge ainsi le Droit de la Régulation dans ce nouvel espace.

🔴 Sur le mouvement d'ensemble, v. Roch-Olivier Maistre, 📝 Quels buts monumentaux pour le Régulateur dans un paysage audiovisuel et numérique en pleine mutation ?,  in M.-A Frison-Roche (dir.), 📕Les buts monumentaux de la Compliance, coll. Régulations & Compliance", 2022.

 

B. LA CULTURE EX-POST AMERICAINE, À TRAVERS LA CONFIANCE D'UN JUGE ACTIF, EXPERT ET DILIGENT

La culture américaine donnant plus de place à la liberté, l'initiative et comptant sur le calcul des individus rationnels, donne plus de place aux juridictions, lesquelles ont un pouvoir considérable, via la procédure, notamment par l'admission des class actions, et via les punitive damages, l'association des deux accroissant le pouvoir juridictionnel.

Le juge américain n'est pas beaucoup plus rapide que le juge européen, ce qui pour une action sur l'avenir peut poser difficulté. L'événement tragique a eu lieu en 2012 et, tandis que les procès évoluaient, le défendeur a mis son groupe sous la protection du Droit américain des faillites (chapter 11).

L'on peut en outre penser que la voie européenne de l'Ex-Ante est plus appropriée, puisque l'Ex-Ante vise à ce que les choses n'arrivent pas, tandis que l'Ex-Post a une ambition moindre, celle de compenser les dommages déjà arrivés : la mort des personnes, la chute de la Démocratie, dont la "compensation" est assez difficile et pour laquelle la restauration est peu concevable.

Mais sans doute est-ce une réflexion européenne que de penser ainsi, puisque la liberté y trouve moins son compte.

Il est vrai que le mouvement de "Juridictionnalisation du Droit de la Compliance" ne fait que commencer en Europe, ce qui doit plus rendre d'autant plus attentifs aux jurisprudences efficaces Outre-Atlantique.

🔴 Sur le mouvement d'ensemble de la Juridictionnalisation, v. M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La Juridictionnalisation de la Compliance, coll. Régulations & Compliance", à paraître.

 

 

Aug. 2, 2022

Publications

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 Full Reference: M.-A. Frison-Roche, The judge, the obligation of compliance and the company. The probationary compliance system, Working Paper, August 2022.

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📝this Working paper had been made for an article: 

📕 published in its French version ("Le juge, l'obligation de compliance et l'entreprise. Le système probatoire de la compliance") in the book La juridictionnalisation de la Compliance, in the series 📚Régulations & Compliance

 📘published in tis English version in the book Compliance Jurisdictionalisation, in the series 📚Compliance & Regulation

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 Summary of this Working Paper: To articulate the probationary system of compliance, it should first be admitted that Evidence is a general system, built on a "probationary square" functioning whatever the situation, and that it seems that Compliance Law rejects it, being incompatible with major probative principles, as soon as Compliance is defined as the obligation that companies would have to show (which is evidence) their respect for all the regulations applicable to them.

But fortunately, Compliance does not have to receive this definition. Compliance Law consists of all the principles, institutions, rules, and decisions which, in an alliance between public authorities and crucial companies, tend in a substantial way to the achievement of Monumental Goals. A branch of Ex Ante Law that protects systems and the human beings involved in them, Compliance Law aims to detect and prevent so that in the future systems will be less harmful than they would be if we do nothing, even will be better.

From this required action of companies, which requires the establishment of structures and series of behaviors, a specific probationary system emerges. It is composed firstly of specific proof objects, constituted on the one hand by the structures and on the other hand by the behaviors. Secondly, the specificity of compliance, often denounced, lies in the burden of proof, the burden of which rests on the company, but it is necessary to analyze the interference with the other branches of law, which compliance cannot have destroyed. . Thirdly, the scope of the probative issues is such that the means of proof have multiplied, according to the triptych of the effectiveness, efficiency and effectiveness expected of the compliance system itself regarding the Monumental Goals (and not the regulations). Fourthly, because Compliance Law is a branch of Ex Ante Law and the Judge is nevertheless at the center, it is logical that all efforts focus on the pre-constitution of evidence.

 

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🔓read the developments below ⤵️

July 12, 2022

Thesaurus : 02. Cour de cassation

Référence complète : Crim., 12 juillet 2022, pourvoi n° 21-83.820 (publié au bulletin).

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Lire l'arrêt

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July 6, 2022

Thesaurus : Doctrine

 Référence complète : L. d'Avout, "L'arbitrabilité sous condition : réflexions au départ de l'antitrust", in C. Lemaire & F. Martucci (dir.), Liber Amicorum Laurence Idot. Concurrence et Europe, vol. I, préf. C. Lemaire & F. Martucci, avant-propos B. Lasserre, Concurrences, 2022, pp. 177-192

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "À travers l'arbitrabilité, l'on répond en principe de façon binaire à la question de l'admissibilité du règlement privatisé d'un litige. Ce concept juridique permet-il également de restreindre les marges de manœuvre des arbitres internationaux dans l'exercice de leur mission juridictionnelle, par une admission de l'arbitrage subordonnée au respect d'un régime juridique donné (loi étatique, convention internationale, etc.) ? Une réponse positive peut être formulée dans certains cas, moyennant l'étude des liens entre la règle d'arbitrabilité et le contrôle étatique subséquent des sentences arbitrales. Lorsque le contrôle de compatibilité des sentences est effectué non seulement au regard de principes mais aussi de certaines règles internationalement impératives, telles celles du droit de la concurrence, l'on peut conclure en amont à la subordination de l'arbitrabilité du litige au respect de ces règles. Une corrélation ou un lien causal, apparaît ainsi (ou est susceptible d'apparaître), dans certains secteurs économiques sensibles, entre la définition par les collectivités publiques des litiges susceptibles d'être arbitrés, l'encadrement consécutif de la mission du juge privé choisi par les parties et le contrôle, ultérieur par les juges étatiques, de l'admissibilité du produit de cette justice privée. Ce lien causal exprime une arbitrabilité de type conditionnel qui, loin de fragiliser le règlement privatisé des litiges internationaux, oeuvre au contraire à l'insertion cohérente de l'arbitrage dans le système plus général du contentieux transnational.".

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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July 5, 2022

Interviews

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., entretien avec Olivia Dufour, « La Cour suprême a déclenché la bombe de la sécession. Que faire ? »5 juillet 2022.

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 Lire l'entretien 

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💬 Entretien mené à propos du sens, de la valeur et de la portée système de l'arrêt Dobbs v. Jackson rendu par la Cour suprême des Etats-Unis le 24 juin 2022.

 Présentation de l'interview par Olivia Dufour : Alors que l'arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022 de la Cour suprême des Etats-Unis sur l'avortement n'en finit pas de susciter l'émotion, déjà d'autres droits fondamentaux menacent de perdre leur qualité de droit constitutionnel fédéral. A commencer par le mariage homosexuel. Mais ce n'est pas la seule conséquence de cette nouvelle jurisprudence ultra-conservatrice. Pour le professeur Marie-Anne Frison-Roche, ce qui s'apparente à un "suicide institutionnel" de la part de la Cour a déclenché un mouvement de sécession. En d'autres termes, les Etats-Unis sont en passe de se désunir. Pour autant, rien n'est perdu. Explications. 

Les questions posées étaient les suivantes : 

Actu-Juridique : L'arrêt de la Cour suprême américaine sur l'avortement a beaucoup ému en France. En réalité, cela ne semble être que le début d'un mouvement de fond. Qu'en est-il ❓ ?  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Qu'est-ce que cette conception originaliste qui semble désormais être celle de la Cour suprême 'arrêt de la Cour suprême américaine sur l'avortement a beaucoup ému en France. En réalité, cela ne semble être que le début d'un mouvement de fond. Qu'en est-il ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : On comprend donc que l'avortement n'ayant pas été envisagé au XIX siècle, il ne peut pas être protégé par la Constitution au XXIème siècle❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Cela engendre donc un séisme dépassant de loin les seules conséquence d'un revirement de jurisprudence ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : C'est donc en vertu de cette logique que le port d'arme est qualifié, contrairement au droit à l'avortement, de droit constitutionnel à valeur fédérale ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Est-ce également cette nouvelle logique qui a présidé à l'arrêt du 30 juin 2022 sur la lutte contre les gaz à effet de serre ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : En quoi l'arrêt sur l'avortement peut-il bouleverser les Etats-Unis ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Actuellement, l'opinion semble à la fois sidérée et impuissante, faut-il se résoudre à voir prospérer cette nouvelle jurisprudence ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : En France, cet arrêt a suscité la crainte que l'avortement ne soit remis en cause ici aussi et certains réclament l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution. Est-ce une bonne idée ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Mais alors que faire pour protéger le droit à l'IVG en France ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Revenons aux Etats-Unis, comment empêcher que la Cour suprême ne revienne sur le caractère fédéral de nombreux droits ? Le Congrès pourrait-il intervenir ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique :Une telle situation pourrait-elle se produire en Europe ❓  

🔑Réponse MaFR

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July 1, 2022

Conferences

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 Full ReferenceM.-A. Frison-Roche, "Compliance, Artificial Intelligence and Business Management: the right measure" ("Compliance, Intelligence artificielle et gestion des entreprises : la juste mesure"), participation to the Conference coordinated by Mustapha Mekki, L'intelligence artificielle et la gestion des entreprises. July 1st, 2022. 

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🎥 see the conference (in French)

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 consult the slides having been used as brief notes for deliver the lecture (inf French)

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🚧read the bilingual Working Paper having been used as basis for this conference

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📝This work will be the basis for an article.

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 Summary of the Lecture: Of the next European Regulation on artificial intelligence, the European Commission has a quite neutral conception of AI for obtaining a consensus between the Member States, while the Regulators and certain States have a more substantial conception of technology, wanting its power to be used to protect people, firstly from these new tools themselves, secondly from what is an amplification of the evils of the classic world, such as hate or misinformation. This is the reflection of two conceptions of Compliance.

Firstly, Compliance can be defined as neutral processes that increase the effectiveness of what would be the obligation for companies or their desire for efficient risk management (in particular the consideration of "legal risks") to prove being "conform" to all regulations that are applicable to itself and all persons to whom the firm is accountable. This is often referred to as the "compliance obligation" or "obligation of conformity".

This conception implies considerable practical consequences for the company which, in order to succeed in this "total exploit", would then have to resort to artificial intelligence tools constituting a "total and infallible solution", which mechanically generate for it the obligation to "know " all the "regulatory mass", to detect all "non-compliances", to conceive its relationship to the Law in terms of "risk of non-compliance", fully supported by Compliance by Design which could, without human intervention , eliminate legal risk and ensure "compliance total efficiency" in Ex Ante.

The "legal price" of this technological dream is extremely high because all the "regulatory" requirements will then be transformed into obligations of result, any failure generating liability. The Compliance probationary system will become overwhelming for the company, both in terms of burden of proof, means of proof, and transfers, without exemption from proof. Objective responsibilities for others will multiply. The "law of conformity" will multiply Ex Ante systemic penalties, the border with criminal law being less and less preserved.

It is essential to avoid this, both for businesses and for the Rule of Law. For this, we must use Artificial Intelligence to its proper extent: it may constitute a "massive aid", without ever claiming to be a total and infallible solution, because it is the human who must be at the center of the compliance system functioning thank to the firms and not the machinery.

For this, it is necessary to adopt a substantial conception of Compliance Law (and not a sort of Conformity Law or Obedience Law). It does not at all cover all the applicable regulations and it is not at all "neutral", being in no way a series of processes. This new branch of Law is substantially built on Monumental Goals. These are either of a negative nature (preventing a systemic crisis from happening, in many but specific perspectives: banking, financial, health, climate, etc.), or of a positive nature (building a better balance, in particular between human beings, in the company and beyond).

In this conception which appears more and more strongly, artificial intelligence finds its place, more modest. As Compliance Law is based on information, Artificial Intelligence is essential to capture it and make first connections, first stages for successive analyses, done by human beings, making what is essential: the commitment of the company, both by the leaders and by all those who are "embarked" by a "culture of Compliance" which is at both built and common.

This restores the required seal between Criminal Law and what can be asked of the mechanical use of Artificial Intelligence; this puts the obligation of means back as a principle. This restores the principal place to the lawyer and the compliance officer, so that the culture of compliance is articulated with the specificities of a sector and the identity of the company itself. Indeed, the culture of compliance being inseparable from a culture of values, Compliance by design requires a dual technique, both mathematical and legal culture. It is why European Compliance Law, because it is rooted in the European humanist tradition, is a model.

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For further:

📘Frison-Roche, M.-A. (ed.), Compliance Monumental Goals, 2022

📘Frison-Roche, M.-A. (ed.), Compliance Jurisdictionalisation2022

📘Frison-Roche, M.-A. (ed.), Compliance Tools, 2021

📓Frison-Roche, M.-A., L'apport du Droit de la Compliance à la Gouvernance d'Internet, 2019 

📕Frison-Roche, M.-A. (ed.), Pour une Europe de la Compliance2019

📕Frison-Roche, M.-A. (ed.), Régulation, Supervision, Compliance2017

📕 Frison-Roche, M.-A. (ed.), Internet, espace d'interrégulation, 2016

📝 Frison-Roche, M.-A., Compliance Monumental Goals, beating heart of Compliance law,  2022,

📝 Frison-Roche, M.-A., Role and Place of Companies in the Creation and Effectiveness of Compliance Law in Crisis, 2022

📝 Frison-Roche, M.-A., Assessment of Whistleblowing, and the duty of Vigilance, 2022

📝Frison-Roche, M.-A., Drawing up Risk Maps as an obligation and the paradox of he "compliance risks", 2021

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June 29, 2022

Compliance: at the moment

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Seuls les droits subjectifs techniques ne sont pas touchés par l'arrêt Dobbs: c'est sur eux qu'il faut construire une nouvelle théorie de l'entreprise, 29 juin 2022.

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Introduction de l'article : Tout d'abord il y a deux types de réaction possible face à un événement critiquable. Elles peuvent se cumuler mais chacune prend de l'énergie. Soit critiquer l'événement condamnable (puisqu'il est critiquable, renforçant ainsi la mauvaise opinion que l'on a de lui) ; soit en limiter la portée (puisqu'il est critiquable, autant faire en sorte qu'il ait le moins d'effet possible).

Que l'arrêt Dobbs v/ Jackson rendu le 24 juin 2022 par la Cour suprême des Etats-Unis soit critiquable, tout le monde en est à peu près d'accord. Des centaines de commentaires vont dans ce sens ; des milliers de réactions vont dans ce sens. L'on peut continuer à le critiquer. Cela renforce l'opinion que l'on a déjà. Cela prend de l'énergie.

Peut-être vaut-il mieux utiliser son énergie à limiter la portée de cet arrêt. Mettre son énergie dans cet effort-là. Or cet effort en requiert beaucoup. Donc puisqu'il est acquis que cet arrêt est critiquable, concentrons-nous sur les moyens pratiques d'en limiter la portée.

L'on songe à modifier le Droit français en inscrivant le droit à l'avortement dans la Constitution (I). Mais si l'on revient aux Etats-Unis, car l'arrêt de la Cour suprême n'a pas de portée sur le Droit constitutionnel français, il faut mesurer que tous les droits subjectifs "politiques" non-ancrés dans "l'histoire américaine" sont touchés par l'arrêt du 24 juin 2022, la portée de l'arrêt allant bien au-delà du droit à l'avortement (II). La Cour est donc délivrée de la totalité de sa propre jurisprudence, ce que ne sont pas les cours constitutionnelles européennes, et c'est en cela que l'arrêt est catastrophique car non seulement il touche tous les droits subjectifs "politiques", mais il efface toute la jurisprudence de la Cour concernant les droits subjectifs "politiques" que l'on pourrait dire "nouveaux" (III). Plus encore, trois jours après, la Cour suprême a rendu un arrêt concernant un droit politique ancré dans l'histoire américaine, le droit à la liberté d'expression, qu'elle a interprété très largement, pour bloquer le licenciement d'un enseignant sportif d'une école publique qui faisait des prières sur le terrain de sport, procédant ainsi à un revirement de jurisprudence. La Cour ne serait donc pas non plus liée par sa jurisprudence sur les droits subjectifs politiques ancrés historiquement, pouvant les interpréter d'une façon conservatrice, sans "conserver" l'interprétation "progressiste" que la Cour en avait faite (IV). La solution serait donc de travailler sur ce qui reste : les droits subjectifs non-politiques : or, ce sont des droits auxquels les juristes conservateurs, qui dominent la Cour, sont attachés parce qu'ils sont liés à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. Ils seront en mauvaise position pour les restreindre. Cela désigne ceux qui vont devoir, et pouvoir, défendre les femmes, et plus généralement les êtres humains, aux Etats-Unis : les entreprises (V).

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Lire les développements de l'article ⤵️

 

June 29, 2022

Interviews

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Droit à l’avortement : « Le processus de sécession est dans la décision » , Entretien avec Laurence Neuer, Le Point, 29 juin 2022.

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💬 Lire l'entretien

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June 21, 2022

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., L'efficacité de la compliance illustrée par l'affaire Youporn, entretien avec Olivia Dufour, 21 juin 2022.

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💬 Lire l'entretien 

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May 9, 2022

Publications

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Notes prises pour la synthèse sur le vif de la conférence L'office du juge et les causes systémiquesin Cycle de conférences, Penser l'office du juge, Grand Chambre de la Cour de cassation, 9 mai 2022, 17h-19h.

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► Résumé des notes prises au fur et à mesure de la conférence : les trois juges, Christophe Soulard, Président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, Fabien Raynaud, Conseiller d'Etat, et François Ancel, Président de la Chambre internationale de la Cour d'appel de Paris, invités à réfléchir et réagir à une hypothèse, à savoir l'existence parmi les cas qui leur sont apportés par les parties, sont intervenus à la fois d'une façon très diverse, très originale et exprimant pourtant l'unicité de l'art de juger.

Les notes prises ci-dessous montrent que les juges ont conscience que les temps ont changé et que, de plus en plus, les "systèmes" sont présents dans les causes qui, construites par les parties, leur sont présentées (1). Leurs analyses, réactions et propositions ont montré à ceux qui les écoutaient que pour appréhender des causes systémiques, les juges doivent être expérimentés (2). Ils ont eu souci de fixer des critères pour identifier la nature systémique des causes parmi la multitude de celles qu'ils traitent, justifiant alors un traitement procédural et décisionnaire particulier (3). L'auditoire a ainsi pu mesurer la part qui revient aux parties (4), puisque le système est dans la construction des faits de la cause et la part qui revient à l'office du juge (5).

Il apparaît alors que par un effet de miroir, l'office du juge se déplace de l'Ex Post vers l'Ex Ante (6), les trois juges décrivant et proposant des mécanismes concrets pour appréhender en Ex Ante cette dimension systémique et y répondre (7). Ils soulignent que cela s'opère en collaboration avec les avocats, dans une instruction élargie et le débat contradictoire (8), dans une collaboration qui s'opère en amont (9). Les trois magistrats ont recherché les techniques procédurales pour accroître la plus grande considération des systèmes (10) et les nouvelles organisations à mettre en place pour répondre à cette dimension systémique de certaines causes (11). Pour ce faire, une dialectique est à opérer vers, à la fois, de l'informel mais aussi plus de formel (12), l'ensemble produisant une meilleure réception méthodologique des systèmes par les juges (13) par une plus grande compréhension entre les juges, quel que soit leur niveau et les droits substantiels en cause, les autorités et les parties systémiques (14).

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🎥Voir la vidéo de l'ensemble de la conférence

🎥 Voir la vidéo de la synthèse réalisée sur le vif par Marie-Anne Frison-Roche au terme de la conférence

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📝Lire l'article de Marie-Anne Frison-Roche rendant compte au Dalloz de la conférence. 

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🚧 lire le document de travail L'hypothèse de la "cause systémiqueréalisé préalablement à la conférence, pour préparer celle-ci.

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✏️ lire les notes exhaustives prises pendant la conférence⤵️

April 21, 2022

Thesaurus : Doctrine

► Référence complète : P. Capelle, L'arbitrage collectif, préf. Th. Clay, Dalloz, coll. "Nouvelle Bibliothèque de Thèses", vol. 215, 2022, 646 p.

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► Résumé de l'ouvrage : La thèse consiste à montrer que les litiges collectifs gagnent à être résolus par la voie de l'arbitrage, lequel prenant alors la forme de "l'arbitrage collectif", par exemple dans les conflits collectifs de travail. L'auteur considère que rien ne s'oppose à l'arbitrabilité de ces conflits collectifs, lesquels ne prêtent au mécanisme de la clause compromissoire.

Mais parce qu'il y a une partie collective à l'arbitrage, l'auteur propose alors d'adapter les règles procédurales en conséquence, avec l'importation des mécanismes caractéristiques des recours collectifs, comme le opt in ou le opt out. 

L'auteur propose également de donner un effet très large à la sentence rendue au terme d'un arbitrage collectif, à travers une exécution très ferme et  

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Updated: April 4, 2022 (Initial publication: Oct. 4, 2021)

Publications

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 Full ReferenceM.-A. Frison-Roche, The Hypothesis of the category of Systemic Cases brought before the Judge, Working Paper, October 2021 and April 2022.

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 This working paper has served as the basis for an introductory speech 🎤L'hypothèse de la catégorie des causes systémiques (The Hypothesis of the cateory of Systemic Cases), in a more general conference which I coordinated and moderated, 🧱L'office du juge et les causes systémiqueswhich is part of a general cycle covering Penser l'office du juge, specific conference attending the 9th May 2002 into the Grand Chamber of the Cour de cassation.  

This Working Paper was drawn up in October 2021 to build the conference on the assumption that among the diversity of "cases" brought to the courts by litigants, some constitute a specific category: "systemic cases", justifying treatment that is both specific (in that they are systemic, calling in particular for procedural solutions common to all and distinguishable from the treatment of non-systemic cases) and common treatment beyond the diversity of judges who deal with them (judicial and administrative judges, criminal and non-criminal judges, French and non-French judges, judges of the member-States legal orders and European Union judges, etc.). 

This working paper does not aim to deal with the whole subject, i.e. both to determine this category of "systemic causes" and the consequences that must be drawn from it for the judge's office, since that is the very purpose of the conference, which is built around several presentations: it aims to deal with the first part of the subject, i.e. the very existence of this new processual category, which is "systemic causes", leaving for other work the practical consequences to be drawn from it in the processual treatment that it calls for.

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📝This Working Paper is also the basis of a forthcoming article

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► Summary of the Working Paper: xx

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Read below the developments⤵️

March 31, 2022

Thesaurus : Doctrine

 Full Reference: E. Silva-Romero & R. Legru, "What place is there for compliance in investment arbitration?", in M.-A. Frison-Roche (ed.), Compliance Jurisdictionalisation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", to be published.  

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📘read a general presentation of the book, Compliance Jurisdictionalisation, in which this article is published

 

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 The summary below describes an article that follows an intervention in the scientific manifestation Compliance et Arbitrage, co-organised by the Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and the University Panthéon-Assas (Paris II). This conference was designed by Marie-Anne Frison-Roche and Jean-Baptiste Racine, scientific co-directors, and took place in Paris II University on March 31, 2021. 

In the book, the article will be published in Title III, devoted to: Compliance et Arbitrage.

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 Summary of the article: The authors emphasize the new and growing place of Compliance in International Arbitration, particularly in the requirement of respect for ethical values, since arbitrators can implement Ethics, sometimes lacking in international trade, or even must put their power only at the service of investors who respect the Rule of Law.

Thus, Compliance is deployed through the classic control by the arbitrators of the legality of the investment, which applies both to the establishment of the treaty itself and to the investor. In a more recent way, the arbitrator can control about an investment project a sort of "social license to operate" of the investor, concept related to the social responsibility of the companies, appeared for the protection of the peoples indigenous. Moreover, Compliance can justify a substantial assessment by the arbitrator of the effective respect of the human rights and the environment protection via an investment treaty, the State party remaining able to act for the effectiveness of these concerns.

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🦉This article is available in full text to those registered for Professor Marie-Anne Frison-Roche's courses

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March 29, 2022

Conferences

 

► Full reference: Frison-Roche, M.A., The part of Compliance Law in the fight against Corruption and Climate Change, in Paris Arbitration Week (PAW), Compliance: Corruption and Climate Change - how legal systems adapt?, Jones Day, March 29, 2022.

Debate with Mathias Audit coordinated by Claire Pauly, Vice-President of the Paris Arbitration Week

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► Presentation of the intervention: After the presentation made by Mathias Audit of the consideration of facts of corruption, notably by the red flags method, in an arbitration trial, it seems a low-performing system of proof in compliance: the more diligent a party is in showing that it tried to meet its compliance obligations, the more it is exposed to demonstrating its own failure to doing so.  It seems a perversity … Therefore, I can understand why companies often so dislike Compliance Law because more they make efforts, more they put money and more they are punished…

But this representation is not totally exact.

My first observation is about the definitions themselves. It is particularly important to have a precise definition of “compliance obligations”, to not confuse them with obligations coming from Criminal Law. The confusion between Criminal Law and Compliance Law is frequent, maybe because what Compliance Law want to eradicate is also prohibited by Criminal Law, for instance corruption. Indeed, technically criminal legal rules and compliance legal rules have many points of contacts, but they are not the same: the obligations are different, the legal persons obliged are different, the reasoning are different the purposes are different.

Because the general definition of Criminal Law and Compliance Law are different. Criminal Law, very old branch of Law, which prohibits and sanctions corruption, does it for everyone because the singular behavior is wrong (to corrupt; to be corrupted). Compliance Law is a very new branch of Law, is a systemic branch of economic Law, which wants to eradicate in the future mechanisms because they destroy economic systems, such as corruption does. Its wants that not to protect moral values but to protect economic systems. Therefore, Compliance Law asks some entities, large companies, to do something only because they are in position to do so: to detect and to prevent this corruption, in order to obtain in the future, the protection against this systemic risk threating the economic systems. The compliance legal tools are more in Ex Ante than in Ex Post: risk mapping, audit, code of conduct, training, obtention of information through the chains of suppliers.

The proof to give is not the non-corruption everywhere from everyone but this concrete action of prevention and education, companies being entities helping public authorities in this global fight.

More precisely, in this definition Compliance Law is not the general obligation to obey the regulations applicable (because this is simply the definition of Law itself, applicable to everybody). Compliance Law is a very new branch of Law which exists only for some systemic “global policies” (as the title of your manifestation says) applicable only on systemic entities (large companies) in a global perspective: for instance, fighting corruption, fighting money laundering, fighting climate change, fighting discrimination between human beings.

In your example, for fighting corruption, specific legal obligations are taken, such as FCPA (with extraterritorial effects) or in French legal system the so-called the 2016 “Sapin 2” Law. These obligations don’t concern everybody: they concern entities in position to do so: large companies.

My second remark is about the burden of proof. These compliance obligation or compliance duties are obligations of means. Companies are obliged to adopt Compliance plans, organize risk mapping, and so on. A lot of them organize them through code of compliance, or code of ethic, or code of corporate social responsibility, because Compliance Law is in an intimacy with Corporate Law. Because Compliance Law is a very concrete branch of law, these disposals are adopted at the level of the group and replicated in the contracts with suppliers.

But he success of these compliance tools is only an obligation of means. For instance the supervisory authority does not require the company to have seen all the risks, in their existence or their exact quantification. In this sense, about money laundering, the French Financial Markets Authority said that the setup of these compliance tools must be “effective”, but after that the company must only do its “best efforts” to aim an “efficient” result (obligation de moyens). The French Regulatory Authority for the digital space says the same about the eradication of speeches of hate that Compliance Law oblige digital companies to fight (using the term of obligation de moyens).

Moreover, about corruption, the Commission of sanction of the French Anticorruption Agency said in a decision of July 2019 that the firm is free to choose the technics to detect and to prevent the corruption (confirming that Compliance is not just following what the Regulator says), but offered a legal certainty:  if the company just follows what the Regulators had said in its guideline (rule based compliance behavior), it is no more possible to punish it.

My third remarks could be a proposal for a more efficient system of proof. It is true that the burden of proof is on the company’s shoulders. But the object of proof is not the absence of corruption (it would not be possible…). The object of proof is the existence of due diligence to detect and prevent corruption.

Companies must prepare that, must constitute these proofs by advance.  “Due diligence” is a legal concept frequently used in Compliance Law. Regulators, supervisors, and courts ask companies to show the reality of these diligences. It would not be sufficient to present the cost of Compliance… It will be sufficient to show the effectivity of Compliance programs freely adopted, taking in consideration the guidelines released by public authorities.

Public authorities say they want to help companies to diffuse an effective “culture of compliance” : a dialogue with civil and corporate courts, not only with criminal courts would be efficient, for instance for the protection of human rights. 

 

In a second part of this debate, on Climate change and Compliance, Claire Pauly asked the question: "My question is two-fold: do you consider that climate change issues should be treated in the same way as corruption issues? And do you think that arbitrators are well suited to tackle those issues, by upholding the method applied to determine and demonstrate corruption issues?".

The response has been:

Firstly, on the technical similarity between fighting Corruption and fighting Climate Change in Compliance Law, it is the same perspective effectively.

If we come back to the definition of Compliance Law, the Compliance tools are organized to obtain in the future systemics results, such as no more corruption, no more money laundering, what we can name “Monumental goals”. This is a political decision: to design the future for excluding some systemic catastrophes. Corruption is an example of systemic risk; but climate change is another one.

Fighting against Climate Change is a Monumental Goal, of the same nature than fighting Corruption.

As everyone knows, we suffer of a lack of tools to address one of this fundamental challenge of our times which is climate change (more difficult than corruption...). But we are lucky to have some Compliance legal tools: we need to use them, because we have so few techniques about this Climate issue…

And Compliance Law is the more adequate branch of Law because it is an Ex-Ante branch of Law : generally, its obligations are on the future, and the Climate change drama is in the future also.

We can already see that Compliance Law is applicable to Climate Change issue

It is easy to see it through the legal techniques. 

In the French legal system, the Sapin 2 law invented in 2016 some new compliance techniques, such as risk mapping, audit, due diligence, to detect and prevent corruption.

One year after, in 2017, the so-called Loi Vigilance took the same techniques, copying exactly the legal dispositions of Sapin 2 in this law to oblige large companies to detect and to prevent violation of human rights and environmental obligation, not only inside the corporate group but also through the supply chains. The manager will be accountable for that.

On February 23, 2022, the European Commission adopted a proposal for a European Directive in the same direction of a “global policy” to impose a “corporate sustainability due diligence” on large companies, notably for fighting climate change. This new text will be effective in two years in the Internal legal systems.

By a rules-based analysis and a principle-based analysis, we can see this is the same reasoning.

Of course, this “corporate sustainability due diligence” is only an obligation of means.

But it is extremely ambitious, linked to the direct consideration of the Corporate Social Responsibility.

And I guess it will be efficient because all these tools are not only Ex Post but also Ex Ante: when the issue is to exclude the catastrophic perspective of the disappearance of the humankind on our planet, having Compliance Law, this Ex-Ante branch of law, is so precious!

 

Secondly, about the role of Arbitration in this issue, I am tempted to say: everyone is required in this global crucial policy!

It is quite difficult for a national court to decide on this sort of issue because Climate change is a global issue, while arbitrators are global judges.

Technically it is necessary and technically possible that Arbitration takes its place, because these due diligences about detection, prevention, action for a better Climate balance are organized non only in corporate mechanisms, such as code of conduct, corporate commitments, or manager remuneration calculation, but also a lot of contractual dispositions.

We will see a lot of new legal techniques: a lot of international public global policies will be adopted. The obligation to give information about that not only to investor but also to stakeholders will be adopted worldwide. The technique of “compliance by design” will be used on the corporate policy of fighting against Climate change.

Meanwhile, the classical branch of law, were Compliance Law steps in, will remain active, such as International Law, Corporate Law, Tort Law Contract Law, where Arbitration is so central.

So, in short, your question was: are Arbitrators able to deal with climate change issue? my response is: “oh, yes!”

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► Read the repport made by the  fait par la Paris Week of Arbitration ( on the distinction between Compliance Law and Criminal Law, and their articulation)

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Pour aller plus loin⤵️

📘Frison-Roche, M.-A. (ed), Compliance Monumental Goals, 2022.

📘Frison-Roche, M.-A. (ed), Compliance Jurisdictionalisation, 2022.

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March 24, 2022

Interviews

► Full Reference: Frison-Roche, M.A.,, "Faire du Droit pour qu'à l'avenir le monde soit moins injuste" - à propos du projet de directive européenne sur le devoir de vigilance ("Making Compliance Law for a world less unfair in the future" - about the draft European directive on the corporate sustainability due diligence), interview with Olivia Dufour, Actu-Juridique,  March 24, 2022. 

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💬 read the interview (in French) 

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► Interview English Summary: This interview comments on the draft directive presented by the European Commission aimed at unifying European Union Law about Corporate Sustainability Due diligence in global supply chains to protect environnement and human rights effectively, putting companies under same legal rules. including non-European companies.

The interview emphasizes that this text and reinforces Compliance Law perspective in that the legal instruments are Ex Ante, aim at the functioning of groups, constitute incentives, and seek effectiveness to prevent violations of human rights and the environment, 80% of which taking place outside the European Union.

The goal is both ethical, for example to fight against child labor and the endangerment of people, and systemic: the promoting of a sustainable economy, through the help of companies which have some power in value chains which are global. 

This future directive clearly shows the difference between simple "conformity" (just obeying all applicable regulations...) and "compliance", illustrated here: aiming to achieve "monumental goals", here fighting against attacks on the climate balance and protect people, to obtain in the future these damages do not occur or are reduced. 

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March 10, 2022

Conferences

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., "Secrets professionnels : spirale d'une importance accrue et d'un affaiblissement fulgurant", participation à la Table-Ronde sur le thème du secret professionnel, in Comité de Liaison des Institutions Ordinales (CLIO), Secret professionnel et indépendance : deux leviers, garants de l’efficacité et de la confiance envers les professions réglementées, 10 mars 2022.

Cette Table-Ronde est animé par Fabrice Lundy, journaliste à Radio-Classique ; y participent également Jean-Luc Sauron, Conseiller d'Etat et Jacques Lucas, Président de l'Agence du Numérique en Santé.

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Lire la synthèse écrite du colloque 

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 Revoir la vidéo de la table-ronde

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► Résumé de l'intervention : Le thème du secret professionnel est appréhendé comme illustration du rôle essentiel joué par les Ordres professionnels dans le monde d'aujourd'hui (le colloque traitant dans un second temps de la question de l'Indépendance). 

Avant toute participation active au débat proprement dit, l'intervention a pour utilité de présenter le Secret professionnel en lui-même, puis en quoi le monde actuel apporte des éléments nouveaux au besoin impératifs de celui-ci, dans le même temps qu'il le met particulièrement en difficulté.

 

I. LA PERMANENCE DES SECRETS PROFESSIONNELS

Le Secret professionnel, comme tout secret, porte sur une information. C'est une information qu'une personne a sur elle-même ou sur une autre, et qui potentiellement peut mettre cette personne en danger, ou la fragilise, ou l'expose, la constituant en situation de faiblesse par rapport à autrui : l'information peut concernant son état de santé, sa filiation, un acte dont un autre pourrait se prévaloir pour la punir plus tard.

Cette information, que la personne garde pour elle ou qu'elle partage avec peu de personnes, elle va la confier à un "professionnel". Pas n'importe quel professionnel : un professionnel en qui elle a confiance, non seulement parce qu'elle croît qu'il est techniquement compétent (un avocat qui connait le Droit, un médecin qui connait la Médecine) mais parce qu'elle croit qu'il va lui aussi garder pour lui cette information sur la faiblesse de son client, malgré le profit qu'il pourrait tirer de la communiquer à d'autres (presse, juge, voisin de table dans un diner, etc.). C'est donc la confiance que la personne en situation de faiblesse a dans le titre même de la personne, parce qu'il est "avocat" ou "médecin" ou "infirmier", etc., qu'il donne cette information, car il sait que parce qu'il est médecin (et pas seulement parce qu'il connait la Médecine), qu'il garde ce secret. Ainsi ce n'est pas le diplôme comme signe de compétence mais le titre comme signe d'appartenance à une profession qui garde les secrets qui est considéré : c'est pourquoi la profession va pouvoir valoriser cette garde des secrets au-delà des frontières par des associations (American Bar Association, par exemple), si elle peut crédibiliser cela (Ordre et secret sont intimes).

Le rapport que le professionnel, nouveau titulaire de l'information, a avec celle-ci découle de cela. Le professionnel est le "gardien" de l'information. Il n'en dispose pas : la personne concernée lui a confié non pas tant l'information que "la garde de l'information". Il exerce donc sur ce secret, c'est-à-dire le fait de ne pas révéler à autrui l'information, un pouvoir📎!footnote-2494. C'est pourquoi par exemple tandis que la personne concernée peut donner l'information à autrui, la presse par exemple, le professionnel, auquel elle s'était confiée, ne le peut pas. Dans la perspective du secret professionnel, dans la notion de "pouvoir", c'est la notion de "charge" qu'il faut voir, une "charge au bénéfice d'autrui"📎!footnote-2494

Cette conception juridique est stable depuis que les professions, notamment les professions libérales, existent : ce n'est pas par les compétences techniques, ni même par le lien personnel, que le secret professionnel se noue : c'est par l'appartenance à une profession : c'est donc par l'organisation même de cette profession et la crédibilité de celle-ci, le contrôle à l'entrée de qui y entre et doit en sortir en cas de manquement, l'effectivité, l'efficacité et l'efficience de la discipline. 

Tout cela n'est pas remis en cause. Au contraire, plus l'Etat a des difficultés en raison de la disparition des frontières et plus cette structure devient en pratique pertinente.

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Mais le choc vient d'ailleurs. Il faut du fait que précisément si les secrets que nous avons tous en nous et que nous voulons tous donner à garder n'ont pas changé, en revanche le monde dans lequel nous vivons a changé : ce monde est devenu numérique. 

 

II. LE CHOC DU NUMERIQUE SUR LES SECRETS PROFESSIONNELS ET L'URGENCE DE LES ACCROITRE

Or, par cette transformation totale du monde dans lequel nous vivons les secrets n'existent plus, les secrets professionnels pas moins mais pas plus que les autres.

Il faut mais il suffit qu'une "fuite" apparaisse dans l'espace digital et l'information est disponible à la fois partout et en un instant : la viralité est la loi naturelle de l'espace numérique qui recouvre le monde.

L'on peut s'en réjouir, parce que l'information est un bien commun, que nous sommes dans un marché de l'information, une économie de l'information, une société de l'information, une civilisation de l'information.

Si l'on est plus mesuré, l'on dira que certaines informations doivent être gardées par ceux qu'elles concernent et dans le cercle choisi des personnes qui ont leur confiance : c'est l'invention européenne des "données à caractère personnel", qui recoupent largement les secrets professionnels. 

Pour l'instant, le Droit tâtonne tant la situation est nouvelle ...

Tout d'abord, le Droit est dans une sorte d'adoration de l'information disponible sur tout, partout et pour tous... Il y développe des principes comme le "droit à l'information" (sans contrepartie financière), le "droit d'alerte" (vite confondu avec le droit de divulguer publiquement, qui n'existe pas ab initio n'apparaissant qu'en cas d'échec du mécanisme d'alerte, le "droit à la transparence" (qui méconnait l'idée même de droits de la défense) qui vont aller de plus en plus contre les secrets, même professionnels.  

Ensuite et surtout, la technologie numérique, qui a structuré l'espace numérique fait qu'une information à l'instant où elle est mise dans cet espace est diffusée immédiatement, partout et demeure disponible pour toujours. 

Dès lors, l'on peut toujours continuer à affirmer le principe des secrets professionnels, ceux-ci n'ont plus d'effectivité.

Or, et c'est lors le paradoxe, l'espace numérique non seulement n'a pas diminué la fragilité des personnes, fragilité compensée par la confiance dans la garde des secrets conservés par les professionnels ; au contraire le numérique a accru cette fragilité. 

Les revenge porn ou les meurtres en direct en sont un exemple : la personne est encore plus fragile dans l'espace numérique. Les "discours de haine" sont un enjeu majeur, non seulement pour la personne qui en est la victime mais pour le système lui-même puisque, comme le démontre Thimothy Snyder c'est aujourd'hui le système démocratique qui peut chuter. 

La "désinformation" peut partir d'une violation d'un secret professionnel, car il peut s'agir d'une information exacte exploitée à des fins nocives, constituant alors une infox, le conspirationnisme étant un phénomène lié au numérique.

Que peut faire le Droit ? 

Il peut aller dans deux directions :

Tout d'abord armer davantage les structures classiques : Ordres professionnels, police, Autorités de poursuites et Juridictions. 

Ensuite, internaliser dans les opérateurs numériques cruciaux, notamment les plateformes, le devoir de bloquer en Ex Ante la diffusion des informations qui doivent demeurer secrètes (données à caractère personnel, et secrets) : c'est le "Droit de la Compliance".

L'exercice de ce devoir par les entreprises numériques cruciales est lui-même supervisé par des autorités publiques : en France, la CNIL et l'Arcom. 

De nouveaux textes sont en cours d'adoption pour obliger les entreprises cruciaux de veiller à ce que les secrets ont préservés. C'est l'un des enjeux du Digital Services Act, Réglement de l'Union européenne en cours de discussion. 

L'avenir est certainement dans un rapprochement entre les structures classiques, notamment les ordres et ses Autorités publiques de supervision. 

Le Droit de la Compliance, nouvelle branche du Droit Ex Ante qui concrétise la garde des secrets peut être une solution dans cette situation à la fois très nouvelle et très préoccupante. 

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► aller à la présentation d'une précédente participation au colloque annuel du CLIO : La déontologie professionnelle dans un monde ouvert et concurrentiel 

► voir la publication qui s'en suivit. 

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► pour aller plus loin : 

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, in Frison-Roche, M.-A., 📕Les outils de la Compliance, 2021

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A.,💬 "Et si le secret de l'avocat était l'allié de la lutte contre le blanchiment ?", 2020

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Avocats et Ordres au 21ième siècle2017

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Secrets professionnels, 1999

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Déontologie et discipline des professions libérales1998

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Frison-Roche, M.-A., Concevoir le pouvoir, 2022. 

2

Frison-Roche, M.-A., Concevoir le pouvoir, 2022. 

March 8, 2022

Public Auditions

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, audition par la Commission des Lois du Sénat sur la Proposition de Loi constitutionnelle relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, 27 septembre 2022.

Référence complète : M.-A. Frison-Roche, Audition par la Section du Rapport et des Etudes du Conseil d'Etat pour la préparation du Rapport annuel sur Les réseaux sociaux, Conseil d'Etat, 8 mars 2022.

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Résumé de la présentation faite avant la discussion : Pour la partie reproductible de cette audition, consistant dans la présentation qui a pu être faite de la relation entre le Droit de la Compliance et le phénomène des réseaux sociaux, il a été repris l'idée générale d'un impératif de "réguler un espace sans ancrage" et l'apport que représente pour cela le Droit de la Compliance, dès l'instant qu'il n'est pas défini comme le fait de "se conformer" à l'ensemble de la réglementation applicable à l'agent mais comme la charge d'atteindre des "Buts Monumentaux", négatifs ou/et positifs, l'opérateurs ainsi chargé de cette obligation de moyens parce qu'il est en position de le faire, devant avoir la puissance pour y parvenir.

Se dégagent alors des notions nouvelles, comme la "Responsabilité Ex Ante" ou une notion de "Pouvoir" qui est commune aux opérateurs de droit privé et de droit public, leur nationalité venant également en second plan, le Droit de la Compliance étant naturellement a-territorial. 

Cette définition substantielle du Droit de la Compliance qui met en première ligne les opérateurs requiert que ceux-ci soient supervisé (dans un continuum entre Régulation, Supervision, Compliance,) le Droit de la Compliance opérant un continuum du Droit de la Régulation en n'étant plus lié avec l'impératif d'un secteur. Les opérateurs cruciaux numériques sont ainsi "responsabilisés", grâce à une "responsabilité Ex Ante", et s'ils sont supervisés par des Autorités de supervision (dont le modèle historique est le superviseur bancaire, ici l'Arcom), c'est le juge qui a fait naitre cette nouvelle notion de "responsabilité Ex Ante, pilier du Droit de la Compliance, aujourd'hui délivré du territoire dans une jurisprudence à propos du Climat qu'il convient de concevoir plus largement.

Ainsi délivré du secteur et du territoire, le Droit de la Compliance peut affronter le mal des réseaux sociaux que sont la désinformation et l'atteinte des enfants, maux systémiques où peut se perdre la Démocratie, perspective face à laquelle l'Ex Post est inapproprié. 

Le Droit de la Compliance est donc pleinement adéquat. 

Il convient que le Juge continue sa mue en concevant lui-même non pas seulement dans un Ex Post plus rapide, mais dans un office Ex Ante, contrôlant des entreprises qui, elles-mêmes doivent avoir des fonctions des offices de gardiens (ici gardiens des limites concernant les contenus). 

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Voir ⤵️ la structure plus formelle de l'intervention, qui fut ensuite discutée

Feb. 9, 2022

Teachings : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2022

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Prévention et sanction des Abus de Marchés, in Leçons de Droit de la Régulation bancaire et financière, Sciences po (Paris), 9 février 2022.

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 Résumé de la leçon sur les Abus de marché : Dans une conception classique et du Droit et du "libre marché", le principe est la liberté d'action de la personne. Même si l'exercice de cette liberté, voire d'un droit subjectif peut causer un dommage, par exemple un dommage concurrentiel, c'est en quelque sorte le prix légitime d'une société libre et concurrentielle. Ainsi dans une conception libérale, seul l'abus est sanctionné, c'est-à-dire l'exercice fautif que l'on fait de sa liberté ou de son droit, allant parfois jusqu'à l'exigence d'une faute qualifiée.

Mais les secteurs bancaires et financiers ne sont pas gouvernés par le principe de libre concurrence. Ils sont gouvernés par le principe de régulation, le principe de concurrence n'y a qu'un rôle adjacent. Cela ne pourra qu'engendrer de graves difficultés lorsque le Droit de la concurrence et le Droit bancaire et financier font s'appliquer d'une façon cumulée ou confrontée sur une même situation.

Les marchés financiers sont construits sur le principe de régulation qui pose le principe de transparence et de partage d'une information exacte : c'est ainsi que l'intégrité des marchés financiers est assurée, l'Autorité des Marchés financiers en étant le gardien.

La prévention et la sanction des "abus" de marché est donc non pas une part résiduelle du Droit financier, mais un pilier de celui-ci, contrairement au Droit des marchés ordinaires concurrentiels, sur lesquels l'opacité et le non-partage des informations est la règle. 

Cela explique l'état du droit des "abus de marché", dont l'effectivité de la prohibition est essentielle pour le bon fonctionnement ordinaire des marchés financiers. Leur prohibition nationale a été harmonisée par le Droit de l'Union européenne, à travers des textes dont les signes reprennent l'appellation anglaise : Market abuses (ainsi le nouveau Règlement communautaire sur les abus de marché est dit Règlement MAR (Market Abuses Regulation) et la directive qui l'accompagne MAD (Market Abuses Directive).

Il sanctionne un certain nombre de comportements, qui portent atteinte à l'intégrité des marchés, 

Mais il n'exprime plus des exceptions par rapport à un principe : des fautes par rapport à des libertés ou à des droits. Il exprime des moyens par rapport à des principes dont la sanction des abus ne constitue que la concrétisation de principes dont ils sont la continuité même : l'efficacité du marché, son intégrité, sa transparence, l'information de l'investisseur.

C'est pourquoi la sanction des abus de marché ne sont pas du tout un phénomène périphérique par rapport à la Régulation des marchés financiers et à l'activité et au fonctionnement des bancaires, comme l'est le Droit pénal : elle est au contraire à la fois ordinaire et centrale. Cette différence des deux ordres publics va se retrouver dans la question lancinante de la sanction pénale et de la sanction administrative des mêmes abus de marché (par exemple "manquement d'initié" et "délit d'initié", qui ont tendance à se cumuler dans des techniques de répression qui seront l'objet de la prochaine leçon. 

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🔎 ​Accéder aux slides servant de support à la leçon sur les abus de marché

🔎 Revenir aux bases avec le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

🔎 Approfondir par la Bibliographie générale de Droit de la Régulation bancaire et financière

🔎 Revenir à la présentation générale du cours 

🔎 Se reporter au plan général du cours 

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Utiliser les matériaux ci-dessous pour aller plus loin et pour préparer votre conférence de méthode ⤵️