July 3, 2013

Thesaurus : Doctrine

DEKEUWER-DEFOSSEZ, Françoise

Le mariage des couples de même sexe est le cheval de troie de leur accès à la parenté


Référence complète : DEKEUWER-DEFOSSEZ, Françoise, Le mariage des couples de même sexe est le cheval de troie de leur accès à la parenté, RLD, n°105, juin 2013, p.40-42


Dans cet entretien, deux questions sont posées. D’une part, la loi du 17 mai 2013 qui permet le mariage des couples de même sexe constitue-t-elle une rupture ? D’autre part, quel rapport existe-t-il d’ores et déjà entre cette loi et les questions de filiation.


Le professeur de droit Françoise Dekeuwer-Défossez rappelle que l’essentiel est l’article 143 du Code civil qui pose désormais que le mariage est "contracté" par deux personnes de sexe différents ou de même sexe. Dès lors, automatiquement, puisqu’ils sont mariés, l’article 343 ouvre aux couples homosexuels mariés la voie de l’adoption.


Françoise Dekeuwer-Défossez pose que la loi nouvelle est la conséquence "assez évidente" des évolutions précédentes, qui conçoit le droit de la famille comme une sorte de "droit au bonheur garanti par l’Etat" : dès lors, tout couple y a droit. Ainsi, le mariage et la filiation se sont peu à peu atomisés, notamment depuis que les célibataires peuvent adopter un enfant, devenant de ce seul fait enfant légitime.


De la même façon, le PACS a montré la pertinence d’une structure juridique propre au couple sans considération pour d’éventuels enfants.


Mais dès l’instant qu’il y a dissociation entre statut du couple et filiation, le mariage perd son sens social. L’idée comme quoi le mariage supposerait l’altérité des sexes devient socialement inaudible puisqu’il est coupé de la filiation. Mais "les faits sont têtus et les liens entre couple et famille résultent de la nature des choses". C’est pourquoi Françoise Dekeuwer-Défossez estime que ceux qui ont revendiqué que les couples de même sexe qui ont revendiqué un accès au mariage l’ont utilisé comme "cheval de Troie de leur accès à la parenté".


La loi se contente d’un alignement entre union homosexuelle et union hétérosexuelle et ne reconnait pas par exemple la polygamie ou l’inceste, ni n’organise même le statut du beau-parent.


Quant à la PMA et GPA, Françoise Dekeuwer-Défossez souligne certes que la loi ne prévoit rien et ne parait pas gager l’avenir. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a pris soin de rappeler qu’il n’y a PMA qu’en cas d’infertilité pathologique. Mais "une double pression va s’exercer sur le législateur".


En premier lieu, désormais puisque l’on permet l’adoption des enfants d’un conjoint, l’on peut penser que cet enfant dans le cas d’un couple lesbien aura été issu d’une PMA réalisée à l’étranger. Dans ce cas, les couples lesbiens français demanderont à ne pas avoir à payer pour avoir directement le même bénéfice.


La seconde pression viendra du droit lui-même, à travers le principe d’égalité imposé par la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, un arrêt du 19 février 2013 affirme que les couples homosexuels et les couples hétérosexuels ont une aptitude "équivalente" à élever un enfant. Dès lors, c’est un obstacle contre la gestation pour autrui (GPA) qui s’efface. Certes, l’on peut encore se prévaloir des problèmes liés à la "dignité de la gestatrice et à la réification de l’enfant". Mais la CEDH ne parait guère encline à intervenir.


En outre, la PMA étant facile d’accès pour les couples lesbiens et la GPA est la voie la plus probable pour les couples gay, le principe d’égalité des différents couples homosexuels peut mener jusqu’à admettre, de pas en pas, la GPA.


Ensuite, Françoise Dekeuwer-Défossez prend position sur cette notion de filiation sociale. Elle souligne que jusqu’ici, les enfants ayant une filiation juridique contraire à leur filiation biologique paraissaient dans leur vie courante "banaux", tandis que le fait d’avoir deux parents de même sexe, de ce seul fait, fera ressortir le caractère artificiel de leur filiation, la discordance entre lien biologique et filiation juridique aux yeux de tous et personne n’en connait les effets à long terme.


Enfin, interrogée sur la réserve d’interprétation, formulée par le Conseil constitutionnel quant au contrôle de l’intérêt de l’enfant dans le mécanisme de l’adoption, Françoise Dekeuwer-Défossez souligne que cet intérêt "n’est jamais que ce les adultes pensent généralement de bien pour lui", généralement admis pour imaginer ce qu’est l’intérêt de l’enfant.


En conclusion, Françoise Dekeuwer-Défossez ne prend pas position sur la question de savoir si nous avons adaptation ou remise en cause du modèle familiale. Elle note plutôt que "cette démultiplication de ces adultes référents" ne parait pas "bonne pour la structuration de la personnalité des enfants". Elle souligne en outre que cela va entrainer de nombreux litiges complexes et violents. Elle termine l’entretien en soulignant que l’on ne pourra pas toujours laisser de côté la question de "la conformité de la satisfaction des désirs des adultes et l’intérêt supérieur des enfants".


 


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Le texte intégral de l’entretien est disponible pour les étudiants inscrits à l’e-cours.

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